La France, grande exportatrice de broutards

«La France a une tendance à être plus naisseur qu'engraisseur », analyse Philippe Chotteau, directeur du département économie à l'Institut de l'élevage (Idele), lors d'une conférence intitulée « Filière bovine : panorama des exports de la France », organisée par Interbev. À travers ce constat, il résume les échanges de bovins qui se tiennent depuis deux ou trois ans entre la France, l'Europe et les pays tiers. En effet, l'Italie, contrairement aux prévisions, reste toujours très importatrice de broutards français. « Les exportations françaises de broutards rebondissent depuis 2014 alors que nous avions des questions sur la pérennité des systèmes d'engraissement dans la plaine du Pô à l'époque », observe Philippe Chotteau. Il constate également un changement avec une croissance de la demande de femelles. « Cela correspond sans doute à des portions plus petites demandées par les GMS italiennes », remarque-t-il.
Fabrizzio Guidetti, de l'entreprise Inalca italia, explique cette croissance de la demande de broutards français par l'augmentation des achats de viande issus d'animaux engraissés sur place par les consommateurs italiens. Ces derniers privilégient la production locale, même si globalement ils ont consommé, en 2016, près de 8 à 9 kg de viande par personne de moins qu'en 2006. Les carcasses plus petites (700 kg au lieu de 750 kg) obligent aussi à plus d'achats d'animaux pour obtenir le même volume de viande. « La consommation de viande importée a fortement diminué en Italie », souligne Fabrizzio Guidetti. L'Espagne tire également le marché du vif, avec l'achat de veaux de 80 à 160 kg, afin d'être engraissés sur place. Par la suite, la viande et(ou) les animaux partent vers les pays d'Afrique du Nord. « Aujourd'hui, les Espagnols achètent du veau français et du maïs français pour engraisser les veaux et les exporter. Cela doit nous interroger, remarque Philippe Dumas, président de la Coopérative Sicarev. De plus, il manque des veaux pour le marché italien car les éleveurs n'ont pas vacciné contre la FCO. [...] Cette dernière est l'épée de Damoclès qui pèse sur les exportations car la France n'a pas de stratégie sur la filière veau par rapport à cette maladie ».
Un marché allemand plus qualitatif
Les exportations de viande française augmentent vers l'Allemagne dont la production de viande décroît depuis quelques années. Les viandes bovine et d'agneau sont préférées par les consommateurs dans leurs achats au détriment de la viande porcine, jugée trop industrielle, selon Philippe Chotteau. Mathieu Pecqueur, directeur général adjoint de Culture Viande, fait le même constat et reconnaît un marché allemand pour des viandes de qualité. « Le consommateur est sur une demande qualitative du fait d'une certaine richesse économique et d'une demande de naturalité », confirme-t-il. La viande de qualité, un segment épargné par l'agressive viande polonaise, très compétitive mais issue de vaches laitières de réforme, selon lui. Il se veut optimiste : « L'Europe reste notre premier marché d'export, avec près de 95 % de nos exportations de viande » . Et de préciser que « les Suédois mangent plus de viande qu'ils n'en mangeaient ! ».
Bovin viande /Pour créer de la valeur ajoutée au sein de la filière bovin viande, un soutien à l’engraissement a été mis en place de 2013 à 2016 en Rhône-Alpes dans le cadre du Crof. Un dispositif intéressant pour les éleveurs qui a concerné plus de 24 500 bovins.
Maintenir une activité d’engraissement en région
Les jeunes bovins nés en Rhône-Alpes sont le plus souvent exportés vers l’Italie et la Turquie. Pour pallier ce phénomène, la filière bovin viande avait obtenu en 2013 un dispositif au sein du contrat régional d’objectif de filière (Crof) permettant de soutenir la finition des animaux au niveau régional. « Après quatre ans de fonctionnement, les objectifs ont été clairement atteints, explique Romain Kjan, le directeur d’Interbev Rhône-Alpes. Entre 2013 et 2016, l’aide à l’engraissement a été utilisée à hauteur de 30 % par an et a permis de maintenir une activité de finition en Rhône-Alpes alors qu’elle doit faire face à des coûts de production toujours plus élevés. En 2014, la région a eu une activité d’abattage plus que positive, et sur les quatre ans, ce ne sont pas moins de 24 500 bovins qui ont été accompagnés par ce dispositif. »