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Lavandiculture

La lavande, objet de « convoitise »

Bilan 2016 et perspectives en lavande et lavandin avec le président de la fédération des producteurs de la Drôme et de l'Ardèche, Alain Aubanel.
La lavande, objet de « convoitise »

Alain Aubanel, que retenez-vous de la campagne lavandicole 2016 ?

Alain Aubanel : « Les récoltes ont été très bonnes globalement, supérieures à celles de 2015 qui étaient déjà bonnes, avec un bémol toutefois pour les exploitations ayant subi un coup de sec et des attaques de noctuelles. Ces chenilles ont causé des dégâts pour la deuxième année dans le Diois et Haut-Diois (secteurs tardifs). Des dizaines hectares ont ainsi été perdus. Nous sommes convaincus que ces ravageurs y ont passé l'hiver 2015-2016 (il n'a pas gelé fort). Leurs sorties ont été assez précoces et décalées. Malgré les traitements, huit jours après arrivait une nouvelle génération de noctuelles. Elles mangeaient les lavandes plus vite qu'on ne pouvait les récolter. Vis-à-vis de la sécheresse et du dépérissement de la lavande, nous ne sommes pas trop inquiets mais il est encore un peu tôt pour savoir. »

Comment évoluent les plantations ?

A. A. : « Les plantations de lavande et lavandin sont en augmentation. Elles suivent la tendance nationale. Elles gagnent du terrain sur les secteurs de Crest, de la vallée du Rhône, de Chabeuil-Romans. Leur développement se poursuit aussi en Ardèche. Dans notre département, des agriculteurs qui n'en avaient jamais produit avant diversifient leur activité dans la lavandiculture. Notre souci, c'est que la filière va trop bien, comparée à d'autres qui vont très mal. Tant que la lavande et le lavandin se développent dans leur zone traditionnelle de production, dont en Drôme, c'est très bien. Mais d'autres départements rhônalpins (Ain, Isère) et le Languedoc-Roussillon s'y intéressent aussi. »

Quelle est la tendance du marché ?

A. A. : « Le marché du lavandin est en hausse de 3 %. Celui de la lavande progresse de 11 %, notamment sur l'aromathérapie à l'export vers les Etats-Unis et le Canada, un marché qui explose. Sur la campagne 2016, le prix du lavandin a légèrement augmenté et tout a été vendu. En lavande, la production étant excédentaire, il a légèrement diminué. C'est la conséquence du doublement de la production de la Bulgarie entre 2015 et 2016. L'an dernier, ce pays en a récolté 250 tonnes, la France 80. Avec un prix à pratiquement 50 % du nôtre, les Bulgares nous ont pris des marchés mais de bas de gamme. Nous avons conservé ceux de haut de gamme.
Les stocks, eux, sont à zéro en lavandin. Par contre, nous sommes en report de stocks en lavande. Voici quinze jours, nous étions inquiets concernant son marché car des acheteurs ont un an de stock. Mais les dégâts de gel sont peut-être plus graves qu'on ne le pensait. Des lavandes ont gelé dans les Baronnies, sur certains secteurs de la vallée du Rhône, sur le plateau d'Albion et peut-être aussi en Bulgarie. S'il y a du gel et une mauvaise récolte, les stocks s'écouleront. »

Où en est la réglementation européenne « Reach » ?

A. A. : « Nous sommes bientôt au bout. Le tests imposés par le règlement "Reach" - pour chaque utilisation (la cosmétique, la parfumerie, la pharmacie, l'alimentaire...) sur toutes les plantes distillées - ont pratiquement tous été faits. Nous commençons à déposer les dossiers. Cela nous a coûté assez cher. Mais, grâce à une mutualisation entre toutes les distilleries françaises et d'autres européennes ainsi qu'aux aides de l'État, le coût devrait être raisonnable même si c'est toujours trop cher. Aujourd'hui, nous nous disons que cette réglementation nous rendra peut-être service car elle a défini ce qu'est une huile essentielle pure et naturelle et une composition commerciale. Elle donnera peut-être un avantage commercial aux producteurs français sur d'autres qui ne sont pas "dans les clous". Les acheteurs seront mieux informés. »

Comment voyez-vous l'avenir ?

A. A. : « A l'assemblée générale de la fédération des producteurs de lavandes, lavandins et plantes à parfum de la Drôme et de l'Ardèche, le 26 avril à Montboucher-sur-Jabron, la discussion s'est engagée sur la concurrence des pays de l'Est. Les agriculteurs bulgares produisent à moindre coût et sont deux fois plus aidés par l'Union européenne que les Français. Ils perçoivent des aides sur les plantations et le plafond des subventions est de 80 % des investissements. En France, seule l'acquisition de matériel est aidée, avec un plafond de 40 %. Pour produire des plants, il faut de la main-d'œuvre. Le salaire est de 150 euros par mois là-bas et de 13 à 14 euros de l'heure ici. Ce problème de compétitivité devient problématique. De gros clients qui achetaient avant en France cultivent à présent en Bulgarie, où ils ont investi.
Cependant, les perspectives sont plutôt bonnes dans la Drôme, la production continue à se développer et l'activité de transformation y est importante. Dans notre département, sont installées plus de quarante entreprises qui achètent nos productions, les transforment, les commercialisent. Cela représente beaucoup d'emplois induits. En outre, la lavande et le lavandin contribuent à l'attrait touristique de la Drôme. C'est une vraie richesse pour notre territoire. »

Propos recueillis par Annie Laurie

La réglementation Reach

Relatif à l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, le règlement « Reach » vise à protéger la santé humaine et l'environnement vis-à-vis des risques liés aux substances chimiques. Il oblige les fabricants et importateurs d'huiles essentielles en quantité supérieure à une tonne à les enregistrer auprès de l'Agence européenne des industries chimiques (ECHA). Les dossiers doivent contenir, pour chaque huile essentielle, ses caractéristiques physico-chimiques, toxicologiques et éco-toxicologiques. Ils doivent être déposés au plus tard le 31 mai 2018.

 

Repères 2016 /
En Drôme :
- 6 000 hectares de lavande et lavandin ;
- une récolte en hausse de 6 % en lavandin et de 14 % en lavande.
En France :
23 000 hectares de lavande et lavandin ;
- une récolte de 1 400 tonnes de lavandin et 80 de lavande.