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economie et social

La lente dégradation des trésoreries

Les banquiers des agriculteurs sont évidemment aux premières loges pour constater les difficultés économiques des exploitants. Éléments d’analyse avec les responsables des marchés agricoles du Crédit Agricole Sud Rhône Alpes et Centre-Est.
La lente dégradation des trésoreries

«Oui, bien sûr, nous constatons la dégradation des trésoreries notamment en élevage laitier, en système céréales et en viande bovine », reconnaît Jérôme Béroulle, responsable du marché agricole pour la caisse Sud Rhône Alpes du Crédit Agricole. Même constat chez son homologue de la caisse Centre-Est (principalement Ain, Saône-et-Loire et Rhône), Sandrine Miras : « Nous avons octroyé des reports et des restructurations bancaires à 2 000 agriculteurs, soit un exploitant sur cinq (hors viticulture). C'est la première fois qu'autant de filières sont touchées en même temps. » Et d'ajouter l'élevage porcin à la liste des filières qui souffrent, même si cette dernière a trouvée des pistes d'amélioration. La banque historique des agriculteurs a par ailleurs octroyé de nombreux reports à des clients qui n'entraient pas dans le dispositif étatique. « Et une grosse partie de notre travail est de faire remonter ces difficultés car certains de nos clients sont dans le mutisme. » Les banques sont évidemment au cœur du plan d'aide gouvernemental. « Nos équipes parisiennes ont travaillé en amont du plan avec le ministère, même si tous nos avis n'ont pas toujours été suivis », précise Sandrine Miras, qui estime que la mise en place et l'application de ce plan a créé une certaine dynamique d'échanges avec les organisations professionnelles agricoles et les syndicats dans la recherche de solutions. « Nous co-construisons par exemple des actions communes avec la chambre d'agriculture et les syndicats pour promouvoir les audits technico-économiques sur le département de la Saône-et-Loire », illustre-t-elle.

Pas d'exploitation type

Sur la typologie des exploitations en difficulté, les responsables des marchés agricoles ne parviennent toutefois pas à dresser de portrait-robot. « Évidemment, celles qui souffraient avant la crise sont les plus impactées. Heureusement, une part importante des entreprises résistent et s'adaptent en baissant leurs charges », note Jérôme Béroulle. « Il n'y a pas de règle claire. Parfois, deux exploitations de superficie et cheptel identiques donnent des résultats différents. C'est la performance technico-économique qui compte », complète Sandrine Miras. « Cela veut dire qu'il y a encore des marges de progrès. » Pour l'heure, l'un comme l'autre ne constatent que peu d'arrêts d'activité. « Car la dégradation des trésoreries est un processus lent. Et de la même manière, la remontée sera longue, même si le cours du lait repart à la hausse. En revanche, certains de nos clients sont devenus doubles actifs, d'autres ont changé de production, certains Gaec disparaissent car l'un des associés arrête », signale Jérôme Béroulle. Sandrine Miras insiste, elle, sur la capacité du monde agricole « à se serrer la ceinture plus que d'autres. »

Encore des investissements

Malgré les difficultés actuelles, Jérôme Béroulle ne veut pas noircir le tableau. « Nous avons sur notre zone quelques filières encore très dynamiques, autant courtes que longues : les caprins, le maraîchage, la viticulture, l'arboriculture (pour ceux qui ont une bonne récolte cette année). Et il n'y a pas eu de baisse significative des installations. » Sandrine Miras reconnaît que « le moral n'est pas bon. Mais après la colère, nous voyons surgir des initiatives individuelles ou collectives très constructives. » Même si le contexte incertain freine un peu les investissements, les banquiers refusent de parler de frilosité. « Nous finançons encore des exploitations céréalières ou la création de stabulation », signale le responsable de la caisse Sud-Rhône-Alpes. « Nous continuons à installer mais nous sommes prudents, insiste Sandrine Miras. Nous devons adapter les prévisionnels à la situation actuelle. Le « reste à vivre » de l'installé doit demeurer suffisant. Nous ne voulons pas qu'un porteur de projet s'engage dans une impasse et c'est une volonté partagée par le syndicat JA. » 

D. B.