La luzerne, une culture à part entière

Pourquoi introduire de la luzerne dans un système fourrager ? Pour plusieurs « bonnes » raisons que cite Laurent Cipière, ingénieur développement au sein de la société Jouffray-Drillaud(*), lors d'une rencontre au Gaec Vigne à Charpey en avril. Une rencontre organisée par Hervé Thiault, responsable productions animales de Valsoleil, en partenariat avec cette société qui est le premier multiplicateur de semences de luzerne.
Des atouts
La luzerne est pleine d'atouts. D'abord, c'est la culture qui produit le plus de protéines. La grande qualité de ses fibres favorise l'ingestion et la rumination. En plus, elle contient quantité d'éléments nutritifs essentiels à la santé des animaux : vitamines, minéraux, acides aminés, bêta-carotène, oméga 3... Elle est intéressante également pour sa productivité (et sa production bien répartie sur l'année), sa pérennité (en place pendant trois à cinq ans), sa rusticité (peu d'intrants nécessaires, résistance au froid, au chaud et à la sécheresse) et son autonomie en azote. Excellente tête de rotation, elle restitue de l'azote à la culture suivante. Elle limite les risques d'érosion du sol, le structure, piège les nitrates. « C'est une culture fourragère à privilégier, résume Laurent Cipière. Elle permet de réduire le coût alimentaire du troupeau, d'assurer l'approvisionnement en protéines, de sécuriser le système fourrager et a un intérêt pour l'environnement. »
Des points clés
La luzerne s'adapte à la plupart des sols mais à condition de respecter des points essentiels lors de son implantation. Elle a besoin d'un sol aéré et non asphyxiant mais aussi bien structuré (pour favoriser l'implantation du pivot de la plante) et d'un pH supérieur à 6,5 (pour que tout son potentiel s'exprime). Laisser cinq à sept ans entre deux cultures de luzerne est recommandé. Une rotation trop courte accroît le risque parasitaire. En plus, cette plante est autotoxique : elle émet, au niveau des racines, une toxine empêchant la germination de ses propres semences. Nombreuses, les variétés peuvent répondre aux différentes conditions pédoclimatiques. Laurent Cipière conseille de choisir plutôt des variétés haut de gamme, résistantes aux maladies et des semences certifiées (garantie de faculté germinative...).
Implantation
Le labour n'est pas obligatoire. Le sol doit être fin et émietté en surface, rappuyé en profondeur. Il faut semer à faible profondeur (1 cm) et à la bonne période (dépend des conditions pédoclimatiques locales). L'écartement entre rangs doit être le plus faible possible. Rien ne sert de semer très épais. Si c'est le cas, une compétition s'installe entre plantes et conduit à une autorégulation. Au mètre carré, la préconisation est de 900 graines (25 kilos à l'hectare) pour obtenir 500 pieds. Jouffray-Drillaud a développé des sacs Précidose contenant la quantité pour 0,5 hectare et propose aussi un enrobage des semences assurant une micronutrition des plantules. Quant à l'inoculation, elle est recommandée en sol acide (pH inférieur à 6,5) et sur sol sans luzerne depuis plus de dix ans. Aujourd'hui, des semences pré-inoculées existent. Un roulage sitôt le semis favorise le contact entre la terre et la graine, donc la germination, et facilite la récolte (sol nivelé). Les jeunes plantes doivent être surveillées (ravageurs, adventices).
Désherbage et fertilisation
Non systématique, le désherbage de la luzerne doit être pratiqué en cas de fort salissement de la culture. Même si le nombre d'herbicides homologués est limité, des solutions efficaces existent. Le désherbage mécanique s'effectue sur culture bien installée et sol ressuyé. Côté fertilisation, le phosphore favorise l'enracinement. La luzerne est gourmande en potasse. L'excès de magnésium bloque la potasse. Le bore et le molybdène sont indispensables. L'apport de fumier frais à l'implantation est déconseillé car il contient trop d'azote (excès défavorable à la mise en place des nodosités sur les racines). Il est préférable de le mettre sur les cultures qui précèdent la luzerne dans la rotation.
Maladies, parasites, irrigation
Pour lutter contre maladies et parasites, Laurent Cipière préconise des rotations longues (sept à huit ans), des variétés récentes (progrès génétiques notamment en termes de résistance aux maladies et nématodes), de surveiller insectes et limaces. Quant à la cuscute, cette plante parasite dépourvue de chlorophylle se nourrit de la sève de la luzerne. Elle se conserve 40 ans dans le sol et n'est pas digérée par les animaux. Laurent Cipière conseille de brûler les ronds de cuscute. Mais aussi, pour éviter d'en introduire dans sa culture, d'utiliser des semences certifiées (garanties sans cuscute), de nettoyer le matériel de récolte et de contrôler la provenance du fumier, du compost. L'irrigation, elle, peut être intéressante si le sol est superficiel et limite le développement en profondeur du système racinaire pivotant de la luzerne.
Annie Laurie, d'après informations communiquées par Laurent Cipière (Jouffray-Drillaud).
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