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Energie renouvelable

La méthanisation, en prolongement de l'exploitation

A Hauterives, des agriculteurs produisent de l'électricité avec une unité de méthanisation. Un moyen d'installer un jeune, de diversifier les revenus et de valoriser de la biomasse.
La méthanisation, en prolongement de l'exploitation

Suite à l'installation du gendre, Julien Noir (en 2012), puis du fils, Alex Chancrin (en janvier 2017), avec les parents de ce dernier, Chantal et Jean-Pierre, l'exploitation devait trouver une activité supplémentaire. « Car le bâtiment des vaches laitières était déjà saturé », explique Julien. Pour agrandir le troupeau, « il aurait fallu ré-investir. Se posait aussi le problème des effluents d'élevage. » Et d'ajouter : « Nous avions connaissance d'Agritexia*. Nous sommes allés visiter l'une de ses unités de méthanisation et nous nous sommes dit : pourquoi pas nous ? » Voilà, l'idée était lancée et elle a fait son chemin.

Trois des cinq associés de la SARL Métha CN : de gauche à droite, Alex Chancrin, Julien Noir et Chantal Cettier Chancrin, devant le digesteur de leur unité de méthanisation.

Métha CN : 1,5 million d'euros investis

Les associés de cette exploitation située à Hauterives, l'EARL Chancrin et Noir, ont commencé à réfléchir à leur projet de méthanisation fin 2016. Ils ont créé la SARL Métha CN pour cette activité. Et ils se sont fait accompagner par la société Scara** sur le plan technique, pour les démarches administratives et financières... jusqu'au démarrage du chantier de construction et suivi de l'exploitation. Une étude de faisabilité a été conduite (définition du gisement de matières organiques, dimensionnement de l'installation, aspects agronomiques, environnementaux, économiques). Les démarches ont démarré début 2017 : demande de permis de construire, de subventions, dossier de déclaration ICPE (installation classée pour la protection de l'environnement), financement du projet, demande de raccordement au réseau d'électricité (Enedis)... Une consultation a été lancée afin de choisir le constructeur et les artisans. Comme constructeur, a été retenue la société AgriKomp (fabricant allemand dont la filiale France est basée dans le Loir-et-Cher), spécialisé dans la méthanisation agricole.
La banque a accepté de financer le projet en mai 2017. Le terrassement a commencé en juillet. Terminée début 2018, l'unité de méthanisation de la SARL Métha CN a été mise en service en avril, soit moins d'un an après le début des travaux. Elle a mis environ deux mois pour monter en puissance (début juin). L'investissement total s'élève à 1,5 million d'euros, 195 000 euros de subventions ont été accordés dont environ 130 000 de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), le reste de la Région.

Biomasse valorisée : 6 000 tonnes par an

A gauche, la zone de stockage des matières organiques solides. Elles sont introduits dans le digesteur via une trémie d'incorporation (en haut à droite). Le digesteur de l'unité de méthanisation et, à l'arrière-plan, le post-digesteur.

Cette unité de méthanisation produit de l'électricité en valorisant 6 000 tonnes de biomasse par an. 70 % de ces intrants sont des effluents d'élevage (fumier, lisier de bovins et fientes de volailles), 20 % du lactosérum provenant d'une fromagerie, 10 % de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) et déchets de céréales. Le digesteur est nourri tous les jours, « comme une panse », explique Amélie Gay, de la société Scara. Les intrants solides sont introduits dans le digesteur via une trémie d'incorporation et le lisier ainsi que le lactosérum directement par pompage. Là, les matières organiques sont maintenues à une température d'environ 40 °C, privées d'oxygène mais aussi agitées pour éviter la formation d'une croûte et favoriser le développement des bactéries méthanogènes. Elles passent ensuite dans un post-digesteur (par pompage automatique réglé en séquences). Dans le digesteur et celui-ci (transfert continu entre les deux), elles restent 50 à 60 jours, au cours desquels elles sont brassées. La post-digestion est essentielle pour stabiliser et améliorer l'innocuité du digestat. Pendant cette étape, du biogaz supplémentaire est en outre obtenu (5 à 15 % de la production totale) par la digestion de la matière fermentescible résiduelle. C'est aussi une première étape de stockage du digestat. Celui-ci est ensuite envoyé dans un séparateur de phases. Ainsi sont séparées la matière solide et la matière liquide. La première sera stockée sur une plateforme et la seconde dans une cuve située à côté, en attendant d'être épandues sur les cultures de l'exploitation comme fertilisants en substitution des engrais chimiques. Cette opération de séparation n'est pas obligatoire. Elle dépend du souhait des agriculteurs. Dispositif de sécurité, une torchère est aussi installée sur le site.

Après le digesteur et le post-digesteur, le biogaz passe dans un refroidisseur puis un compresseur et un filtre à charbon avant d'être transformé en électricité par un moteur. Le biogaz est brûlé par un moteur entraînant une génératrice électrique. La matière solide du digestat est stockée sur une plateforme et la matière liquide dans une cuve située à côté, avant d'être épandues sur les cultures de l'exploitation.

Une puissance de 195 kilowatts

L'unité de méthanisation de Métha CN valorise le biogaz via la cogénération. Transporté par une canalisation enterrée, il passe dans un refroidisseur puis un compresseur et un filtre à charbon (pour l'épurer) avant d'être brûlé par un moteur entraînant une génératrice électrique. L'électricité ainsi produite est injectée dans le réseau EDF.
La puissance initiale de cette unité était de 150 kW (kilowatts). L'installation a été modifiée pour la porter à 195 kW. Au cours de sa première année de fonctionnement, elle a produit 1 200 Mwh (mégawatt-heures) d'électricité, intégralement vendus à EDF. Une quantité correspondant à la consommation moyenne d'environ 240 foyers.

Annie Laurie

* Agritexia : fondée en 2013 par des agriculteurs ardéchois, cette SARL a créé deux unités de méthanisation, à Cheminas (mise en service en 2014) et Ardoix (en 2016).
** Scara (Société de conseil en agriculture Rhône-Alpes) : bureau d'étude, de conseil, de développement et d'assistance à la maîtrise d'ouvrage spécialisé en méthanisation et agroécologie.

Créé en 2008 par Nicolas Ribes, ancien éleveur ardéchois. 8 salariés à partir de ce mois de novembre.

 

Repères

EARL Chancrin et Noir
4 associés : Chantal Cettier Chancrin, Jean-Pierre et Alex Chancrin, ainsi que Julien Noir.
Polyculture-élevage.
Autour de 100 vaches laitières et 80 génisses.
160 hectares de SAU dont 75 de prairies.
SARL Métha CN
Créée en 2016 pour la production d'électricité via une unité de méthanisation.
5 associés : Chantal Cettier Chancrin, Jean-Pierre Chancrin, Alex, Noëllie (leurs enfants) et Julien Noir.

 

La méthanisation

La méthanisation est un procédé de production de biogaz par la fermentation de déchets organiques. Des bactéries dégradent ces matières en l'absence d'oxygène (milieu anaérobie) et de lumière. Ce mécanisme existe naturellement dans les marais et le système digestif d'organismes vivants tels que les ruminants. Le biogaz obtenu est majoritairement composé de méthane (environ 60 %) et de dioxyde de carbone (environ 40 %).
Avec les méthaniseurs, ce processus naturel a été « domestiqué » pour traiter des matières organiques et produire de l'énergie. Le biogaz peut être valorisé en chaleur (chaudière), production d'électricité et de chaleur par cogénération (moteur, turbine). Peut aussi être obtenu du biométhane, après une épuration poussée. Il sera injecté dans le réseau de gaz naturel (GRDF) ou utilisé comme carburant (GNV*). Quant à la matière fermentée, elle est appelée « digestat ». C'est un fertilisant qui conserve les éléments nutritifs des matières premières.
* GNV : gaz naturel pour véhicules.