La monotraite, un confort de vie

A « La Ferme chez Robé » à Lucinges, au cœur du Genevois français, Denis Condevaux est installé en nom propre depuis 2000 avec sa compagne Cathy, conjointe collaboratrice. Cette exploitation caprine est performante. Le lait du troupeau de 56 chèvres de race chamoisée est totalement transformé à la ferme, en lactiques et pâtes pressées. Ces produits sont vendus en direct à la ferme mais aussi sur les marchés de Lucinges et d'Annemasse.
Alléger le temps d'astreinte lié à la traite et gagner en qualité de vie, personnelle comme professionnelle, ont motivé le passage à la monotraite qui est pratiquée ici depuis 2010. Depuis cette date, l'exploitation est inscrite au contrôle laitier, « afin d'avoir un meilleur suivi au niveau lactation », explique l'éleveur. Cette décision de passer en monotraite, de surcroît permanente, s'appuie sur des critères d'élevage et de fonctionnement global de l'exploitation objectivement favorables. « Il faut être rigoureux, c'est une règle absolue, tant au niveau de la sélection du troupeau que de l'alimentation afin de ne pas être pénalisé à l'extrême en termes de production laitière. » La monotraite, pratiquée ici du premier au dernier jour de lactation, s'avère une décision parfaitement satisfaisante.
La production, avec un troupeau qui est resté à effectif constant, soit 56 laitières, est de 48 000 litres de lait par an, soit 300 jours de lactation. « En effet, en janvier et février, il n'y a pas du tout de traite. C'est notre choix, afin de profiter de deux mois de vacances et partir. Donc, on suit le cycle naturel de reproduction, avec mise au bouc début octobre pour avoir des mises bas début mars. Nous les regroupons le plus possible. »
Disposer d'un bon troupeau de base
« Il faut démarrer avec un bon troupeau de base, c'est ce que nous avons fait dès le départ », confie Denis Condevaux. Et sur cette ferme, pas d'inséminations artificielles mais le choix de boucs issus des meilleurs élevages (Deux-Sèvres, Charente-Maritime, Ardèche), trois à raison d'un renouvelé chaque année par roulement. « La monotraite exige une certaine technicité, il faut être vigilant sur l'élevage des chevrettes pour avoir ensuite un niveau de production correct », confirme Hélène Jolais, d'Éleveurs des Savoie, la structure assurant le contrôle laitier.
Dans les Savoie, seules deux exploitations inscrites au contrôle laitier pratiquent actuellement la monotraite. Elles sont en système pâturant et zone de plaine.
Être rigoureux sur l'alimentation
En monotraite, la conduite d'alimentation doit être également rigoureuse. La particularité de cette ferme est de ne pas produire de foin. Elle s'approvisionne en totalité en foin de troisième coupe, d'excellente qualité auprès d'un producteur de la Crau. La ration est composée d'un mélange de maïs (produit à la ferme), tourteau et graines de tournesol. L'exploitation possède un parcellaire de cinq hectares, des prairies d'excellente qualité également. Les bêtes pâturent haut de bonnes prairies, ressemées tous les cinq ans et riches en légumineuses (luzerne, sainfoin). Réalisée le matin, la monotraite dure ici en moyenne 1 h 30 voire un peu moins, soit de 6 h 30 à 8 heures. Pour Denis et Cathy Condevaux, l'avantage d'une telle pratique se mesure en confort de vie, en capacité d'efficience, de réactivité et de sérénité professionnelles qui sont autant de bénéfices à l'ensemble du travail qu'ils accomplissent tous deux. En termes économiques, ce choix est judicieux car il est très étroitement corrélé à un bon contexte de vente directe, le Genevois étant un bassin de consommation assurément fort et propice. 

Armelle Lacôte

A noter 3
La station expérimentale caprine du Pradel a conduit une expérimentation en monotraite durant cinq ans. Conseils aux éleveurs et bilan d’expérimentation sont récapitulés sur la fiche « Appliquer la monotraite en élevage caprin », librement consultable sur le site www.pep.chambagri.fr