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Noix

La noix de Grenoble veut rester dans la course

La coopérative Coopenoix en Isère affiche de solides résultats en dépit d’un marché de la noix fluctuant.
La noix de Grenoble veut rester dans la course

« La qualité est le sésame pour consolider et conserver nos débouchés », insiste Yves Renn, le président de la coopérative Coopenoix, leader européen de la production de noix. Lors de son assemblée générale, suivie de la journée de la noix, qui s'est déroulée à Vinay le 1er juillet denrier, la coopérative a affiché une collecte 2015 de 6 600 tonnes (+21% par rapport à 2014) et un chiffre d'affaires consolidé de 29 millions d'euros, avec un résultat net de presque 600 000 euros.
« Ces résultats sont satisfaisants », commente le président tout en restant prudent. En effet, cette année, le kilo de noix a été payé 2,90 euros au producteur après avoir connu une embellie en 2015. Le marché, orienté à l'export pour 83% de sa production, subit la concurrence de la noix en coque américaine et de la noix chilienne, leaders mondiaux en termes de production et à l'exportation. « Depuis trois ans, les opérateurs américains se retirent du marché asiatique et sont de retour en Europe. Ils sont également agressifs au Moyen Orient et en Afrique, ce qui explique le retournement du marché », détaille Marc Giraud, le directeur de Coopenoix. D'autant que la noix américaine se vend moins cher que la française.

Marchés européens

La coopérative mise sur la qualité, les volumes et sa réactivité industrielle pour conserver ses marchés européens à fort pouvoir d'achat. L'Italie reste le principal pays importateur, absorbant 30% de la production de la noix de Grenoble. « Cette année, ce qui nous a sauvés, c'est la qualité. C'est notre seule défense », martèle Davide Vancini, agent commercial pour l'Italie. La part des noix de calibre 32mm et plus s'établit à 43% (contre 26% en 2014) et les plus de 30mm sont stables, l'équilibre des calibres représentant un atout commercial. Les taux de déchets semblent maîtrisés et la couleur claire des noix a su séduire les consommateurs. A preuve, les stocks sont au plus bas, l'ensemble de la récolte a été vendu.
Mais Yves Renn conseille aux producteurs une grande vigilance quant aux coûts de production. La coopérative vient d'ailleurs de commander une première étude à Cerfrance sur le coût de revient en noix. Le marché étant sensible, il importe de savoir ce que la filière peut absorber.

La noix française conserve cependant un avantage indéniable sur ses concurrents, qui est la précocité de sa mise en marché. Les Françaises arrivent en effet sur les étals à la mi-octobre quand les Américaines ne débarquent pas avant mi-novembre. « Ce qui laisse une fenêtre d'un mois pour la noix française », insiste Marc Giraud.

Pérennité du verger

La coopérative a réalisé de gros investissements pour rester performante et réactive. Elle vient d'achever l'extension de son usine de 2 100m2, portant l'ensemble de son outil de production à plus de 9 000m2, afin d'accroître sa compétitivité à l'international. Cet investissement de 21 millions d'euros lui permettra de rapatrier toutes ses activités dans un même site, d'augmenter sa capacité de stockage et sa traçabilité. Il doit aussi permettre de développer l'activité cerneaux qui participe à la logique de l'entreprise de se positionner sur des marchés de niche.
Elle-même certifiée IFS depuis près de dix ans, la coopérative incite fortement ses coopérateurs à s'engager dans des démarches de qualité comme Globalgap, exigée par la grande distribution. L'objectif est de doubler les volumes d'ici cinq ans pour parvenir à 2 000 tonnes. La PFI (production fruitière intégrée) et le bio sont également des arguments commerciaux, sans parler de l'AOP noix de Grenoble.
La pérennité passe aussi par la diversification et le renouvellement du verger. Si les variétés AOP sont l'assurance-vie de la noix de Grenoble, le verger peut aussi s'enrichir de variété comme Fernor qui a fait ses preuves et présente un intérêt pour sa conduite et la qualité de ses cerneaux. « Avec tout ce qui a été planté, on ne constate pas de nette évolution des volumes », s'étonne Marc Giraud. Car en dépit de belles formations au printemps, les conditions climatiques et sanitaires entachent la récolte de septembre. « Mais dans les années 2000, nous ne récoltions que 3 500 tonnes, on peut aussi se satisfaire d'être à 6 000 tonnes », note-t-il.

Isabelle Doucet

Les marchés et la récolte

Coopenoix, CT noix et Valsoleil réunis vendent d'abord leurs noix en Italie (30%) puis en Allemagne (23%), en Espagne (12%), en Suisse (8%) et en Scandinavie (5%). La France représente 17% du marché.
Le volume de noix sèches représente 6 617 tonnes (Coopenoix et CT noix), les noix fraîches lara s'élèvent à 340 tonnes et les cerneaux représentent seulement 144 tonnes, une collecte faible qui s'explique cette année par la rareté des petites noix et le peu d'écarts de triage.
La collecte, tous produits confondus, s'établit donc en 2015 à 7 278 tonnes équivalent noix sèches, dans la moyenne des années précédentes, excepté les récoltes atypiques.

 

Que d'eau

Lors de l'assemblée générale, Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture, co-président de la station Senura et nuciculteur, a insisté sur trois points « pour préparer l'avenir de la filière ». Il a posé la question de la réduction des autorisations des matières actives qui permettent de protéger les vergers contre les maladies et les nuisibles. D'une part ces mesures risquent d'entraîner une plus forte utilisation de produits de substitution, d'autre part, il souligne un problème d'équité européenne.
Par ailleurs, il a incité les producteurs de noix à se « bouger » au regard des aides mobilisées par l'Europe, la Région et le Département en faveur de l'irrigation. Elles permettent de couvrir 70% des investissements. Après, ce sera trop tard.
Enfin, il recommande la plus grande vigilance dans la maîtrise des eaux de lavage, certain que des solutions existent, notamment dans le cadre du contrat de rivière.