La pêche s'en tire mieux que l'abricot

« On n'a rarement connu une saison avec des taux de sucres aussi élevés », dit avec satisfaction Bruno Darnaud, président de l'AOP pêches et abricots. La qualité des pêches et nectarines est exceptionnelle. » Et leur conservation est satisfaisante. Il y a eu des dégâts de grêle mais dans une moindre mesure qu'en 2014. Par contre, l'Espagne a été moins épargnée.
La pêche a aimé la canicule
La canicule, « la pêche a bien aimé » et la chaleur a « boosté » la consommation. Les prévisions du Medfel(*) partaient sur une baisse de 5 % du tonnage. Finalement, elle risque d'être de 15 à 20 %, du fait notamment d'un phénomène d'alternance (volume record en 2014). La production devrait avoisiner 200 000 tonnes en France (en Espagne et Italie, elle est aussi en dessous des espérances) dont un peu plus de 50 000 en Rhône-Alpes. Le marché européen ne s'est pas trouvé saturé. Les stocks n'ont jamais été trop élevés, même en Espagne. La campagne devrait s'achever vers le 20 septembre.
Sur le plan commercial, « les distributeurs ont été à l'écoute de notre AOP, confie son président. En début de saison, nous leur avons expliqué qu'il n'y avait pas la récolte annoncée au Medfel. Pour la plupart, ils ont bien joué le jeu de la pêche française (dont la qualité, aussi, a servi) et n'ont pas exercé de pression excessive sur les prix. Ils ont rapidement basculé sur notre produit quand il est arrivé sur le marché. Grosso modo, son prix était un euro au-dessus de celui de la pêche espagnole (qui était très bas : même niveau qu'en 2014). On s'aperçoit qu'en construisant avec les distributeurs une saison peut bien se passer. » Pour Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA, « les prix 2015 sont ceux que l'on devrait avoir chaque année. Ils sont acceptables mais pas exceptionnels ».
L'abricot en demi-teinte
« L'abricot accepte moins bien les fortes chaleurs que la pêche », constate Vincent Faugier, vice-président de l'AOP pêches et abricots. Elles ont bloqué le grossissement des fruits, le calibre a été pénalisé. En outre, mi-juin, les pluies ont abîmé les abricots arrivant alors à maturité. La variété Orangered a été très touchée. Aussi, la production d'abricots 2015 pourrait être en dessous des prévisions, qui partaient sur quelque 160 000 tonnes en France (6 % de moins qu'en 2014) dont près de 100 000 en Rhône-Alpes.
En France, la couleur fait vendre, le consommateur achète d'abord avec les yeux. Les abricots doivent être orangé vif ou rouge. C'est pourquoi la part du Bergeron se restreint au profit de variétés plus colorées. A l'export, où l'activité a été bonne, les Allemands (principaux clients) veulent des fruits orangés et un peu fermes. « Il faut être sensible aux différentes demandes », note Vincent Faugier. La transformation, elle, « a joué pleinement son rôle », en absorbant les abricots trop petits pour le marché du frais et ceux à maturité trop avancée. Mais de la valeur a été perdue. Quant aux opérations « confiture », elles font consommer des abricots. Cependant, de l'avis de Vincent Faugier, elles ne doivent pas devenir un segment permanent dans les rayons pour ne pas dévaloriser le produit. « En 2014, la saison abricot avait été décevante, rappelle-t-il. Elle sera meilleure en 2015 mais on s'attendait à mieux. Les cours de l'abricot sont supérieurs à ceux de 2014 mais je ne suis pas sûr qu'ils compensent les pertes de volumes et calibres. C'est une saison en demi-teinte ».
Bergeron commence à montrer ses limites. Bruno Darnaud et Régis Aubenas estiment que la stratégie variétale est à revoir, en fonction des attentes des différentes destinations. Parmi les autres variétés, « Bergeval a bien tiré son épingle du jeu et va compter à l'avenir », observe Vincent Faugier. Du fait de ses qualités agronomiques, gustatives et de sa présentation, cet abricot commence à avoir une existence (450 hectares dans la vallée du Rhône) et une reconnaissance sur le marché.
Le cas des Baronnies
Le président du syndicat de valorisation de l'abricot des Baronnies, Jean-Marc Philibert, qualifie la campagne de moyenne en termes de quantité (mauvaise pollinisation des variétés précoces liée au temps). La production avoisinerait les 15 000 tonnes, contre près de 20 000 en 2014 (tonnage élevé). La récolte a débuté à une date normale mais a été rapide. Avec la canicule, les fruits ont mûri d'un coup sans trop grossir. Au 20-25 juillet, il n'y avait presque plus d'abricots sur les arbres. Habituellement, il en reste encore début août. Correct au départ, le cours s'est maintenu de façon assez linéaire (autour de 1 à 1,10 euro le kilo en calibre A). « Quand le prix y est en début de saison, les producteurs stockent moins, remarque Jean-Marc Philibert. Nous avons eu la chance, aussi, que la production était plus faible dans des zones plus précoces (comme le Gard). L'écoulement a été assez régulier. » Mais les résultats « seront hétérogènes, explique Jean-Marc Philibert. Ils seront moyens pour les producteurs dont la récolte est à peu près correcte. Et ceux touchés par la grêle seront financièrement pénalisés ».
Pour Régis Aubenas, la valorisation aurait dû être meilleure en abricot comme en pêche. Ceci, compte tenu que tous les indicateurs étaient au vert, notamment en pêche. Les résultats 2015 ne compenseront pas les pertes de 2014. La filière reste fragile. De cette campagne, il tire comme autres enseignements : des fruits de qualité, une valorisation qui aurait pu être encore meilleure (en particulier en abricot), des problèmes sanitaires dans les vergers (voir ci-...) et un besoin vital de performance. Sur ce dernier point, il appelle de ses vœux un accompagnement financier public pour renouveler les vergers et les protéger (filets paragrêle).
Annie Laurie
(*) Medfel : salon de la filière fruits et légumes des pays du bassin méditerranéen.
Maladies et ravageurs / La conservation des pêches et abricots après récolte n'a pas posé problème cet été. Par contre, des ennemis sont à surveiller dans les vergers. Vergers : la vigilance sanitaire s'impose

Parasite émergeant remontant du Sud, la cicadelle verte pose problème, aussi, cette année sur vergers de pêchers et, dans une moindre mesure, d'abricotiers. « On a allégé les traitements phytosanitaires pour être le plus "soft" possible. Mais on s'aperçoit qu'il faudra réintroduire les pyréthrinoïdes de synthèse car la cicadelle a fait des dégâts cette année. » Cet insecte pique les jeunes pousses et affaiblit les arbres. Il génère une perte de productivité et crée des portes d'entrée pour les agents pathogènes. Sa biologie est peu connue. Pour Régis Aubenas, c'est un problème à prendre à charge. Il appelle à la vigilance vis-à-vis de cette cicadelle, de xanthomonas, ainsi que de la sharka (des foyers subsistent).A.L.