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Agri Bio

La place des fourrages en élevage bio

La cohérence du système fourrager en élevage laitier bio a largement été abordée lors des Ateliers Tech & Bio, qui se déroulaient fin septembre dans la Loire. L’herbe, et notamment les prairies multi-espèces, sont à mettre au cœur du système fourrager pour limiter les achats de tourteaux. Les méteils fourragers sont à récolter de façon exceptionnelle et le maïs, permettant d’enrichir la ration, doit être limité de manière à ne pas faire basculer la rentabilité.

La place des fourrages en élevage bio

Le challenge en élevage laitier biologique est avant tout de réussir l'usage de l'herbe. Pour Véronique Bouchard, de la chambre d'agriculture du Rhône, les prairies permanentes et temporaires restent complémentaires pour réussir le pâturage et les récoltes.


« La culture bien conduite des prairies multi-espèces ou des prairies temporaires, avec fauches précoces et fréquentes, même en altitude, permet une excellente base de ration ». Par fauches fréquentes, on entend trois coupes par hectare par an au minimum, en moyenne quatre, voire cinq en année fourragère. Véronique Bouchard conseille de choisir des compositions de prairies multi-espèces adaptées à la nature des sols et aux modes d'exploitation, avec des rotations adaptées. « C'est important de se renseigner auprès des agriculteurs de son territoire sur les plantes qui conviennent le mieux. Ce qui s'implante bien sur un territoire ne fonctionne pas forcément sur un autre ». Il ressort des données issues des fermes de référence que, pour la plus grande majorité, les systèmes fourragers sont très herbagers ou totalement herbagers, mais pas toujours autonomes en fourrages. Les systèmes fourragers 100 % herbe sont plutôt des exploitations de montagne ou de coteaux acheteuses de maïs (épis, grain humide ou grain sec) pour maintenir la productivité des vaches laitières. Les pratiques et les résultats techniques des troupeaux sont identiques à ceux des systèmes en conventionnel. Cependant, la consommation de concentrés est moindre grâce à un pâturage soutenu et des fourrages de qualité. Pour Monique Laurent, de l'Institut de l'élevage, « l'autonomie alimentaire n'est pas une fin en soi. Des fourrages sont achetés pour optimiser les rotations, enrichir les rations fourragères, sécuriser les stocks et la production laitière, limiter les besoins en concentrés. Tout réside dans le fait de trouver la meilleure adéquation entre les ressources de l'exploitation et les possibilités d'achats ».

Du maïs, mais pas trop

Les systèmes fourragers herbe et maïs (du réseau des fermes de références) sont des exploitations de plaine, mais aussi de montagne et de coteaux. Dans ces systèmes, le maïs ensilage est présent de manière limitée : dans une exploitation efficace, à 1 à 1,5 tonne de matière sèche par vache laitière par an. Le maïs est produit pour enrichir la ration en énergie afin d'augmenter la production laitière par vache, maintenir un état des vaches favorable à la reproduction et à la bonne santé, sécuriser les stocks fourragers, diversifier les ressources fourragères face aux aléas, favoriser l'autonomie, valoriser une installation d'irrigation. Dominique Tisseur, de Loire conseil élevage, est revenu sur les différentes formes de consommation du maïs : le maïs ensilage, qui constitue un apport d'amidon fermenté, est très digestible et complète un déficit fourrager important (apport de volume dans la panse) ; l'ensilage de maïs épis, ayant une bonne concentration en UFL et en amidon fermenté, et complétant un déficit fourrager limité ; le maïs grain humide, qui se rapproche du maïs grain sec mais ne demande pas d'énergie fossile pour le séchage ; le maïs grain sec, qui représente le meilleur amidon pour les vaches laitières mais crée un déficit en azote. « La forme d'utilisation du maïs doit être raisonnée selon les installations de stockage. Il faut aussi faire attention au déficit azoté ». Les agriculteurs doivent avoir conscience que : la place du maïs est limitée dans les rotations (un maïs sur une même parcelle tous les 5 ans ou plus), la pente et la nature des sols sont limitantes (notamment pour le binage), le travail sur la culture de maïs est concurrentiel du travail sur l'herbe et les céréales, les rendements en céréales sont diminués car les meilleures parcelles sont souvent réservées au maïs, le maïs a un intérêt économique que si le rendement moyen atteint au moins 8 tonnes de matière sèche par hectare et par an.

Et les méteils ?

Dans les systèmes fourragers peuvent également être introduits des méteils fourragers. Les données des fermes de référence mettent en évidence qu'ils constituent une sécurité pour certaines exploitations, mais avec une place toujours limitée. Effectivement, les méteils représentent toujours une incertitude en matière de qualité et de quantité de récolte, un risque de verse avant récolte, un problème de tassement des silos selon la maturité, un coût (achat de la semence), une interrogation sur la culture à implanter à la suite. De plus, les valeurs des méteils fourragers sont souvent décevantes par rapport aux fourrages issus de prairies multi-espèces. « Il ne faut pas oublier que la prairie est plus riche en protéines. On ne peut pas nourrir un troupeau de vaches laitières avec du méteil », insiste Véronique Bouchard. 

Lucie Grolleau Frécon

 

Grandes cultures / Les rotations pluriannuelles des cultures font partie intégrante du cahier des charges de l’agriculture biologique. C’est ce qu’a rappelé Jean Champion, référent technique régional grandes cultures bio des chambres d’agriculture.

Les atouts d’une rotation diversifiée

Jean Champion, référent technique régional grandes cultures bio des chambres d’agriculture.

Au-delà de faire partie du cahier des charges de l’agriculture bio, une rotation diversifiée présente de nombreux enjeux et atouts dans plusieurs domaines. Cela permet d’augmenter la fertilité du sol en alternant des cultures exigeantes (céréales) avec des cultures enrichissantes (légumineuses), et en introduisant des engrais verts et des prairies temporaires. Cela limite le développement des adventices en augmentant le nombre de cultures ; en alternant les cultures d’hiver et les cultures de printemps, cassant ainsi le cycle des adventices ; en alternant les plantes sarclées, les céréales et les prairies ; en limitant les cultures salissantes et en introduisant des cultures étouffantes. Une rotation diversifiée améliore la structure du sol en alternant et(ou) associant des plantes à enracinements différents et en alternant les techniques de travail du sol. Cela permet aussi de réduire les risques de maladies et de parasites en alternant des plantes de familles différentes et  facilite la vie microbienne du sol. Selon Jean Champion, la mise en relation entre des éleveurs et des céréaliers est indispensable pour permettre aux éleveurs de diversifier leurs rotations et aux céréaliers d’implanter des prairies temporaires. « En système élevage, augmenter la surface des cultures de vente permet d’allonger les rotations, de diversifier les familles culturales, de limiter la présence des légumineuses. En système céréalier, favoriser l’implantation de méteils et de prairies temporaires améliore la fertilité du sol et limite le développement des adventices », explique-t-il.

 

 

Quelle place pour la chicorée ?
Jean-Pierre Manteaux (chambre d’agriculture de la Drôme) a fait part de résultats d’expérimentations sur les prairies multi-espèces conduites sur la ferme du lycée agricole du Valentin à Bourg-lès-Valence. Depuis 2007, un travail est mené sur leur pérennité, leur productivité, les aléas climatiques. Un mélange multi-espèce a fait ses preuves sur ces terres : il s’agit du mélange dit saint-marcellin (fétuque élevée, dactyle, trèfle blanc, lotier), auquel sont ajoutés de la luzerne, du sainfoin, du trèfle violet. 13,3 tonnes de matières sèches ont été valorisées en moyenne sur les six dernières années en pâturage tournant dynamique. L’expérimentation en cours porte sur l’intérêt d’introduire de la chicorée dans ce mélange. « La chicorée a tendance à remplacer les graminées », sauf le trèfle blanc. Quant à la quantité de lait produite, qui traduit le comportement des vaches, elle a un peu varié avec la chicorée, « mais de manière moins importante que ce que nous pouvions imaginer ». En conclusion, « la chicorée a confirmé sa productivité, son appétence, son agressivité vis-à-vis des autres espèces, mais pas son effet sur la production laitière. Elle est à réserver au pâturage et à l’affouragement en vert ». D’autres essais sont actuellement conduits avec le plantain lancéolé, les légumineuses annuelles (trèfles de perse, squarrosum, vésiculés), les plantes à fleurs, les plantes apéritives. Les résultats seront diffusés lors de Tech & Bio 2017.