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CONJONCTURE

La production de lait biologique  structurellement affaiblie

Favorable aux producteurs conventionnels de lait de vache et de lait de chèvre, la conjoncture laitière ne profite pas à leurs collègues convertis en bio. Ils sont de moins en moins nombreux et leurs productions déclinent dangereusement.

La production de lait biologique  structurellement affaiblie
Seules 141 fermes livrent encore du lait de chèvre bio en France (- 20 % en moins de deux ans). ©Idele

Depuis 2021, les producteurs de lait biologique n’ont jamais aussi peu livré. Sur les onze premiers mois de l’année 2024 (dernières données disponibles), la collecte accuse une baisse notable de 4,1 % par rapport à 2023. Au mois de septembre dernier, les livraisons n’excédaient pas 90 millions de litres. Six mois plus tôt en plein pic printanier, elles étaient mensuellement inférieures de 20 millions de litres à celles de 2022. « Un redémarrage de la consommation de produits laitiers bio dans l’Hexagone pourrait survenir », analyse l’Institut de l’élevage dans son dernier numéro Tendances. Cependant, la baisse de la collecte de lait bio qui devrait se poursuivre, le faible nombre de conversions et les arrêts de certification laissent entrevoir un risque de pénurie de lait bio, si la demande venait effectivement à repartir. Le recours aux importations serait compliqué car la consommation de produits laitiers biologiques progresse chez nos voisins européens.

Des causes plurifactorielles

En France, la baisse de la collecte laitière est plurifactorielle. Durant une bonne partie de l’année passée, les fourrages produits étaient souvent de piètre qualité. Dans l’Est de la France, les troupeaux sont décimés par la fièvre catarrhale ovine. La collecte de lait s’est effondrée de 8 % sur un an. Depuis 2022, les éleveurs laitiers pâtissent d’une conjoncture très dégradée. Économiquement, produire du lait bio ne présente plus d’intérêt particulier. « Le contexte est largement favorable au lait conventionnel », souligne l’Idele. « Sur un an, le prix du lait bio n’a globalement pas évolué alors que le prix du lait conventionnel a augmenté. Le printemps dernier, les 1 000 litres étaient payés 440 € en France quand en Allemagne ils étaient réglés 560 € avant de croître jusqu’à atteindre 650 € en novembre dernier », selon la Commission européenne. Par ailleurs, une partie du lait bio livré en France est régulièrement déclassée. Enfin, l’écart de prix entre le lait biologique et le lait conventionnel (50 €/1 000 litres) demeure très faible. Il ne permet plus de compenser le moindre rendement laitier qu’induit la conversion à l’élevage biologique. Au printemps dernier, cet écart était quasiment nul. Or en 2020, le différentiel de prix était de 130 € en moyenne et même de 170 € à certaines autres périodes de l’année.

Lait de chèvre 

« L’accélération de la robotisation et la recherche de volumes de production par ferme pourraient freiner l’essor de nouvelles conversions vers la bio », note l’Institut de l’élevage. Or, le défi générationnel auquel est confronté l’ensemble de la filière laitière n’épargne pas la section bio. On ne dénombre plus que 3 900 livreurs en activité, soit près de 400 de moins qu’en 2022. La situation des éleveurs de chèvre est désespérée. « Les livraisons de lait biologique sont en berne depuis le début de l’année », déplore l’Idele. Ces neuf derniers mois, la collecte mensuelle était inférieure de 10 à 16 % à l’an passé. La filière menace de disparaître : seules 141 fermes livrent encore du lait bio en France (- 20 % en moins de deux ans). La consommation a baissé de 12 % en moyenne mobile et le prix de vente des fromages de 1,2 %.

Actuagri

Prix du lait en UE :  + 15,5 % en 2024

Le prix du lait payé aux producteurs européens a augmenté tout au long de l’année passée, selon la Commission européenne. Sur un an, la hausse est de 15,5 %. Au mois de décembre dernier, les 1 000 litres auraient été payés 555 € (contre 481 € en décembre 2023). La hausse observée à l’échelle européenne a été plus modeste en France (+ 33 €/1 000 l ; + 6,9 %). Le prix des 1 000 litres (523 € au mois de décembre dernier) demeure par ailleurs inférieur de 32 € à la moyenne européenne. Mais au mois de novembre dernier, la marge Ipampa sur coût indicé (MILC) avait davantage progressé (+ 40 €/1 000 l) car les charges ont diminué de 16 €/1 000 l et le produit de la viande a augmenté. 

Des surfaces bio en progression,  mais un marché qui se tasse

Les surfaces mondiales en agriculture bio ont continué d’augmenter en 2023 (en particulier en Espagne et en Afrique), malgré un tassement du marché surtout tiré par la hausse des prix. Celui de l’Union européenne est reparti à la hausse après le recul de 2022.
Les surfaces cultivées en agriculture biologique ont augmenté de 2,6 % en 2023, pour atteindre 98,9 millions d’hectares (soit 2,1 % de la surface agricole mondiale), selon le rapport annuel de l’Institut de recherche en agriculture biologique (FiBL), publié le 13 février à l’occasion du Salon Biofach de Nuremberg (Allemagne). L’Afrique a enregistré une croissance importante de 24,4 % (+ 0,7 Mha). Les surfaces ont, en revanche, diminué en Amérique du Nord (- 7,7 %), la faute principalement au Canada où « malgré une forte demande, le nombre d’exploitants certifiés a chuté de 2 %. 
La production d’érable y a bondi de 21 %, tandis que les pâturages ont diminué de 29 % ». Dans l’Union européenne (UE), la surface en bio a augmenté de 3,6 % et représente désormais 10,9 % de la SAU. L’Espagne, en particulier, a vu ses superficies biologiques augmenter de 11,8 % (atteignant 3 Mha) remplaçant la France (2,8 Mha) à la première place des pays européens. Viennent ensuite l’Italie (2,5 millions d’hectares) et l’Allemagne (1,9 million d’hectares).

Des importations européennes en recul

Les ventes mondiales d’aliments biologiques ont atteint 136 milliards d’euros (Md€) en 2023, en légère hausse par rapport à 2022, principalement du fait de la hausse des prix plutôt que de l’augmentation des volumes de ventes. Après un recul en 2022, le marché de l’UE est reparti à la hausse avec une croissance de 2,9 % en 2023. En volume, les importations de l’UE ont toutefois diminué de 9,1 % tandis que celles des États-Unis (premier marché mondial) ont augmenté de 27,4 %. Les États-Unis restent le premier marché mondial (59 Md€, 43,2 %), devant l’UE (46,5 Md€, 34,1 % du marché mondial dont 16,1 Md€ pour la seule Allemagne) et la Chine (12,6 Md€, 9,3 %). Les États-Unis, les Pays Bas et l’Allemagne sont les principaux importateurs, couvrant près de 76 % de toutes les importations bio. Les principaux exportateurs mondiaux étaient le Mexique (728 632 tonnes), l’Équateur (665 483 t) et le Pérou (302 826 t). Les trois principaux produits bio importés dans le monde sont les bananes (1 250 628 Mt), le sucre (500 733 Mt), les tourteaux (408 874 Mt, principalement de soja) et le soja (383 132 Mt), qui représentent à eux quatre près de 50 % des importations bio totales. Le FiBL note que le nouveau règlement bio européen, entré en vigueur en 2024, qui remplace le système d’équivalence par des règles de conformité plus strictes pour les importations, « pose des défis importants aux groupes de petits exploitants, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine, où nombre d’entre eux doivent se restructurer ».
A.G.