La réforme de la chasse est entrée en application

L'ouverture générale de la chasse a sonné le 8 septembre dernier. Ce sont près de 139 000 chasseurs en Auvergne-Rhône-Alpes dont 14 000 en Drôme, qui ont repris leur pratique annuelle. Avec un changement majeur cette année : l'entrée en application des dispositions de la réforme de la chasse, entérinée par la loi du 24 juillet 2019. Parmi les évolutions, celle-ci prévoit notamment l'intégration de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) au sein d'un Office français de la biodiversité (OFB) ; une redistribution des flux financiers entre la fédération nationale et ses échelons régionaux et la mise en place d'une écocontribution, financée par les chasseurs et par l'État, pour des actions en faveur de la biodiversité. Elle acte également l'abaissement du prix de la validation nationale du permis de chasse à 200 euros, contre 400 jusqu'à présent, mesure la plus visible aujourd'hui pour les chasseurs.
Un rééquilibrage financier
« Cette réforme vise à rétablir une certaine équité. Pour chasser dans plusieurs départements, il fallait payer 400 euros, sachant qu'une grande partie du prix servait à financer les missions de l'ONCFS. Or, depuis une quinzaine d'années, la part des missions de l'ONCFS liées directement à la pratique de la chasse s'était réduite face à un nombre croissant d'autres actions portées par l'organisme. Pour autant, la contribution des chasseurs n'avait pas baissé », explique Marc Chautan, directeur de la fédération régionale de chasse (FRC) d'Auvergne-Rhône-Alpes. Premier résultat : si l'effectif global des chasseurs poursuit son érosion de 1 à 2 % par an, le nombre de chasseurs ayant pris une validation nationale a fortement augmenté avec la réforme. Au final, avec un permis national moins cher mais un plus grand nombre de chasseurs qui y souscrivent, « l'enveloppe [financière] globale sera à l'équilibre », confirme Marc Chautan.
Les plans de chasse aux départements
Au niveau départemental, l'un des effets positifs de la réforme attendus par les fédérations est la possibilité donnée à plus de chasseurs d'aller chasser en dehors de leur département, puisqu'ils auront été plus nombreux à prendre le permis national. Et donc une pratique plus étendue de la chasse, permettant d'attirer de nouveaux pratiquants. Autres changements pour les FDC : elles devront désormais assurer la gestion complète des plans de chasse, en lieu et place des directions départementales des territoires (DDT), et auront également la tutelle des associations communales de chasse agréées (ACCA). « Aujourd'hui, ces deux nouvelles missions ne sont pas financées et inquiètent les fédérations sur leur capacité à absorber la charge de travail supplémentaire. Cela étant, ces évolutions sont cohérentes, car ce sont bien les FDC qui préparaient déjà en amont les plans de chasse », commente le directeur de la FRC Aura. Au niveau régional, les fédérations se voient confier de nouvelles missions d'étude, adaptées aux différents territoires qui les composent. « L'ambition de la réforme est d'opérer un rééquilibrage financier et de donner aux FRC plus de moyens pour l'acquisition de connaissances sur leurs territoires. » Prenons l'exemple de Vigifaune, une application mobile qui permet à toute personne de recenser les animaux sauvages trouvés morts. Les futurs développements de ce service, portés par l'échelon régional de chasse, et financés dans le cadre de ses nouvelles missions, devraient permettre, notamment, de renseigner des observations sur les populations d'animaux vivants. « Une invitation adressée aux chasseurs à aller prospecter dans les zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff) », explique Marc Chautan.
Une écocontribution de cinq euros
Autre nouveauté de la réforme : le prélèvement sur le prix du permis national d'une écocontribution de cinq euros par chasseur, auxquels l'État ajouterait dix euros, pour des actions en faveur de la biodiversité. La redistribution serait réalisée en fonction d'un cahier de projet que chaque fédération devra présenter en début de saison. Ces dotations supplémentaires viendront renforcer les actions déjà entreprises dans les territoires et qui, bien souvent, le sont en partenariat avec le monde agricole (lire par ailleurs). En résumé, un permis moins cher, des moyens mieux répartis entre les échelons, des missions nouvelles et une orientation forte pour préserver les milieux et les espèces : la chasse s'adapte, elle aussi, aux réalités des territoires et aux nouvelles attentes de la société.
Sébastien Duperay
Biodiversité / Les fédérations de chasse et les chasseurs participent aux côtés des agriculteurs à de nombreuses actions qui visent au maintien et à la préservation de la biodiversité. Exemples.
Chasseurs et agriculteurs partagent le même espace
Drôme / Cipan biodiversité : l’objectif de 1 000 hectares atteint !Initiée en 2015 afin d’implanter des cultures intermédiaires pièges à nitrate (Cipan) pour la biodiversité, l’action partenariale entre la fédération départementale des chasseurs (FDC) et la chambre d’agriculture de la Drôme rencontre un réel succès. Le dispositif, dont l’objectif est d’améliorer la qualité de l’eau, permet aux agriculteurs de bénéficier gratuitement de semences. Depuis la campagne agricole 2017-2018, et grâce au soutien financier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, l’opération a été étendue aux 130 communes drômoises classées en zone vulnérable aux nitrates. Plus de 1 000 hectares ont ainsi été emblavés en 2018 puis en 2019.
La Cipan biodiversité proposée est le « Chlorofiltre Mix+ » de Jouffray-Drillaud. Il est composé d’avoine rude, de vesce de printemps, de trèfle d’Alexandrie, de radis asiatique et de phacélie. Ce mélange répond à la directive nitrates et peut être déclaré, sous condition, comme surface d’intérêt écologique (SIE).
L’évolution des surfaces implantées (185 ha pour la première année, 636 en 2016-2017 et 1 040 pour 2017-2018 et 2018-2019) montrent le regain d’intérêt des agriculteurs et agricultrices qui ont contractualisé avec la FDC. Outre l’aspect économique indéniable pour le milieu agricole, il ressort des différents suivis mis en place par la chambre d’agriculture que le « mélange chasseur » a de très bons atouts d’un point de vue agronomique comparé à d’autres mélanges testés. Haute-Savoie / Les chasseurs au chevet du tétras-lyre
Espèce emblématique de la faune sauvage des Alpes du Nord, le tétras-lyre est inféodé aux territoires pastoraux, au-dessus de la limite forestière. Pour installer son nid et élever ses poussins, la poule de tétras recherche des habitats en mosaïque composés de landes à myrtilles, de pelouses pâturées, de rhododendrons, de bouquets d’aulnes verts et de quelques arbres isolés. Depuis plus de 20 ans, la fédération des chasseurs de Haute-Savoie mobilise des moyens pour réhabiliter ces espaces pastoraux, en partenariat avec la société d’économie alpestre, les alpagistes, la profession agricole et avec le soutien financier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, du Conseil Savoie Mont-Blanc et des communes. Les chantiers de débroussaillage conduits sur plusieurs territoires (Saint-Jean-d’Aulps, Contamines-Montjoie, Chamonix, Carroz d’Arâches...) permettent de regagner des surfaces de pâtures pour les troupeaux tout en préservant l’habitat du tétras-lyre, un indicateur important de la richesse de la biodiversité alpine. En 2018, près de 100 ha de zones de reproduction ont pu être réhabilités en Haute-Savoie. Ils sont maintenus ouverts grâce à la force de tonte des troupeaux de génisses, vaches laitières et moutons qui parcourent les montagnes. Loire / Couverts hivernaux : un partenariat gagnant-gagnant
Depuis 2016, la fédération départementale des chasseurs de la Loire met à disposition des agriculteurs des graines pour couverts hivernaux. L’implantation de couverts hivernaux pièges à nitrates (Cipan) est une obligation pour les exploitants en zones vulnérables nitrates mais le programme est ouvert à l’ensemble des agriculteurs du département, et sans limite de volume. Elle revêt plusieurs intérêts agronomiques et environnementaux : préservation de la ressource en eau, des pollinisateurs, de la faune, du paysage et amélioration de l’activité du sol (structuration, moins d’érosion, fixation des éléments minéraux dont l’azote). Concrètement, la fédération propose gratuitement, grâce au soutien financier de la Région, trois mélanges de graines(*). Les espèces sont gélives, résistantes aux parasites, peu exigeantes en eau, concurrencent très bien les adventices et sont très favorables à la faune sauvage (abri, alimentation). La densité de semis est de l’ordre de 10 à 15 kg/ha, un compromis entre l’intérêt pour le gibier (circulation) et le besoin agronomique. Le semis se fait le plus rapidement possible après la moisson, selon les conditions météo, pour assurer une levée homogène. Les chasseurs s’engagent à laisser en place le couvert au-delà de la date réglementaire pour favoriser les conditions de vie de la faune sauvage. Cette année, 68 agriculteurs se sont procuré des graines pour un total de 481 hectares. « Nous sommes très satisfaits de ce partenariat, nous avons de très bons retours des chasseurs sur le terrain », confie Sandrine Guéneau, directrice de la fédération des chasseurs de la Loire.
(*) Mélange 1 : pois fourrager, avoine de printemps, moutarde anti-nématode. Mélange 2 : phacélie, vesce, avoine, moutarde. Mélange 3 : radis fourrager anti-nématode, sarrasin, trèfle d’Alexandrie, trèfle incarnat.