La renaissance des races locales

La recherche constante de productivité a conduit à une forte spécialisation des races animales sur le seul critère de production (ponte, chair, ou lait), au détriment d'autres qualités. Les races rustiques peu productives ont été abandonnées. Aujourd'hui, face aux difficultés de l'agriculture, les éleveurs recherchent à nouveau des races de terroir. Celles-ci, plus rustiques, résistent mieux aux maladies. Elles sont plus adaptées à un environnement au climat changeant grâce à des caractéristiques génétiques spécifiques. Elles correspondent aussi mieux à la demande des consommateurs qui désirent de plus en plus des produits locaux et authentiques.
Des associations de conservation
En Auvergne-Rhône-Alpes, si toutes les races ancestrales n'ont pas périclité, c'est grâce à des éleveurs passionnés par l'histoire de leur terroir. Mobilisés par amour de la race et de leurs racines, ils se sont regroupés dans des associations de conservation, dans les années 1970. En Isère et Drôme, la race bovine Villard-de-Lans
a eu cette chance, et a été sauvée par des éleveurs de l'association de la villarde, alors qu'il ne restait qu'une dizaine de bêtes. Originaire du Vercors, elle a vu ses effectifs chuter lorsque la mécanisation est arrivée et que les exploitations ont commencé à se spécialiser. Cette dernière descendante des races Blondes du Sud-Est est à la fois appréciée pour son lait de qualité adapté à la fabrication des fromages (AOP bleu du Vercors-Sassenage) et pour ses qualités maternelles. Cette vache à la robe froment, robuste et docile, est parfaite pour la vie en extérieur en élevage extensif qui respecte l'environnement, en plus de limiter les coûts de production.
Il existe 81 élevages avec au total environs 300 vaches Villardes et une douzaine de taureaux vivants. C'est l'OS RAR (organisme de sélection des races alpines réunies) qui gère la sélection génétique et veille au bon développement de la race.
Les races qui reviennent au goût du jour
Dans le pays savoyard, on peut redécouvrir la race Thônes-et-Marthod. Ce mouton blanc, avec des extrémités noires, très rustique, est bien adapté aux conditions des zones de montagne. Son tempérament calme le prédispose naturellement à vivre des conditions d'hivernage difficiles (enfermement). Cette race a perdu peu à peu du terrain dans les élevages ovins car elle est peu productive en lait (155 kg/an) et en viande (peu conformée). Grâce à l'Union de la race Thônes-et-Marthod, il reste encore aujourd'hui environ 4 800 brebis dans la région savoyarde, dont les qualités génétiques pourront s'avérer utiles à l'avenir.
Du côté des équins, c'est le petit Cheval du Vercors, un animal robuste, au pied sûr, qui connaît un second souffle.
À l'époque, il était élevé pour le travail aux champs et pour la transhumance. Cette race a commencé à péricliter lorsque les éleveurs sont descendus des montagnes et se sont installés en plaine pour pouvoir élever leurs nouvelles vaches à haute production laitière. N'étant plus limités par l'espace, ils ont commencé à se servir des chevaux de trait, plus forts, jusqu'à ce que la mécanisation les remplace. Mais l'association du cheval du Vercors a permis à la race de renaître : on compte aujourd'hui environ 200 chevaux et une dizaine d'éleveurs. Quant à son utilisation agricole moderne, elle n'est pas si différente de l'ancienne. Elle consiste à la traction animale. De plus en plus de domaines viticoles décident, en effet, de renouer avec les techniques ancestrales, plus respectueuses de la vigne.
Des actions de sauvegarde
Dans le cadre des mesures agroenvironnementales 2014-2020, une aide a été mise en place : la PRM (protection des races menacées). Tout éleveur qui a une espèce bovine, ovine, caprine, équine, asine, porcine ou avicole dont la race est reconnue et inscrite sur la liste nationale des effectifs rares peut prétendre à cette subvention. Pour cela, il doit tout de même respecter un cahier des charges spécifique concernant la sélection, la reproduction... Si toutes les conditions sont remplies, alors 200 € par UGB (Unité de gros bétail) lui seront attribués tous les ans pendant cinq ans. La subvention est financée à 75 % par le Feader et à 25 % par l'État, pour un maximum de 7 600 € par exploitation par an. D'autres actions sont menées, comme le projet Varape (valorisation des races à petits effectifs) animé par l'Institut de l'élevage qui s'est déroulé de 2012 à 2014. Il avait pour but de développer les débouchés et la valorisation des circuits courts pour les races à petits effectifs en France. Car si l'on souhaite conserver une race et la pérenniser, on doit la valoriser. Via par exemple le dépôt d'une marque collective, la commercialisation en vente directe ou encore des partenariats avec des restaurateurs. Dans la région rhônalpine, une association existe pour développer et promouvoir la diversité agricole : Div'Agri. Elle rassemble les acteurs du maintien des races locales. Elle a pour objectif de développer et valoriser la diversité agricole de son territoire car, selon elle, le meilleur moyen de faire vivre la diversité agricole est de lui donner une réelle place dans des filières de production.
Manon Laurens