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Le cinéma en zone rurale

La révolution numérique dans les salles obscures rurales

Aujourd’hui, l’ensemble des salles de cinéma permanentes et des circuits itinérants est numérisé. Un passage obligé, mais onéreux, pour permettre aux plus petites structures de survivre.
La révolution numérique  dans les salles obscures rurales

Fini les bobines de pellicules dans les salles obscures. L'été dernier a marqué un tournant dans l'histoire cinématographique française. Les salles de cinéma de l'Hexagone ont profité de la période estivale pour achever leur migration vers le numérique. Selon les dernières statistiques du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), 100 % des salles de cinéma permanentes sont désormais numérisées (projecteur, serveur, ordinateur, système de son et de 3D).
Pour accompagner les plus petits établissements dans cette mutation, le CNC a mis en place, depuis fin 2010, un dispositif de soutien à la numérisation des salles. En trois ans et demi, il a soutenu près de 1 200 établissements, représentant 1 521 écrans. En moyenne, les aides du CNC ont représenté 65,6 % de l'investissement des salles et les soutiens des collectivités locales 18,5 %. Ainsi, près de 60 % des établissements actifs en France ont bénéficié d'une aide du Centre national. Et plus de 97 % d'entre-eux, situés dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants, relevaient de la petite exploitation (moins de 80 000 entrées par an).

Maintenir les cinémas itinérants

Toutefois, la transition vers le numérique pour les cinémas itinérants, souvent dernières fenêtres ouvertes sur le septième art dans les villages, n'était pas gagnée d'avance. En 2012, à l'heure où les premiers projecteurs numériques faisaient leur entrée dans les salles, le matériel semblait, en effet, mal adapté aux déplacements. « Il était alors beaucoup trop fragile et volumineux. Nous devions trouver une solution à ce problème car, si nous n'adaptions pas le matériel à l'itinérance, beaucoup de circuits auraient disparu et il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui les tournées couvrent près de la moitié des communes françaises. Les cinémas itinérants œuvrent au développement local, commente Julien Poujade, assistant de direction de la Maison de l'Image à Aubenas en Ardèche (association à but non lucratif) et vice-président de l'Association nationale des cinémas itinérants (ANCI). Nous nous sommes dès lors engagés au sein de l'ANCI pour travailler sur cette problématique. Nous avons échangé avec les professionnels pour adapter le matériel. Aujourd'hui, nous avons un projecteur plus petit, ce ne sont plus des lampes à xénon mais à led. Nous avons, également, énormément réfléchi à l'ergonomie pour le transport. C'est toute l'organisation des tournées qu'il fallait repenser. »

50 000 à 60 000 euros l'unité


Ce sont surtout les coûts liés à l'investissement qui effrayaient dans les rangs des associations gérantes de ces cinémas qui battent la campagne pour offrir au plus grand nombre la magie du septième art. « Il fallait compter entre 50 000 et 60 000 euros l'unité (projecteur, enceintes, caisse de transport). Et au départ, les cinémas itinérants étaient exclus du plan de financement du CNC. Nous avons alors créé le collectif pour nous faire entendre et prouver notre importance, explique Eric Raquet, président de l'ANCI. Nous créons du lien social. Nos cinémas permettent de drainer un public différent. La proximité est l'une de nos premières motivations. Le public apprécie que nous apportions le cinéma à leurs portes ». L'aide du CNC à la numérisation a finalement été ouverte fin 2012. Aujourd'hui, salles fixes et itinérantes ne feraient pas machine arrière. 

Marie-Cécile Seigle-Buyat

 

 

Ecran mobile 26 fédère un réseau d’associations et de municipalités autour d’un projet commun : emmener le cinéma en zone rurale, là où aucune salle fixe n’est implantée.
Le cinéma au village
Depuis 1993, la Fédération des œuvres laïques de la Drôme (Fol26) gère une opération de cinéma itinérant (Ecran mobile). Avec plus de vingt points de projections agréés par le CNC, elle propose toute l’année une à deux projections par jour sur le département de la Drôme. « Nous allons sur le terrain via un réseau d'associations bénévoles, explique Gwenola Breton, responsable du circuit Ecran mobile de la Drôme. Au-delà de la programmation, c'est d'abord un partenariat qui n'a rien de commercial, l'idée étant d'irriguer le territoire. » Equipée de deux projecteurs numériques itinérants et d'un véhicule utilitaire, Ecran mobile 26 propose quelque 250 séances chaque année.
Une programmation large
A parts égales, les films projetés s'adressent à la jeunesse, au grand public et aux cinéphiles. Le label cinéma d'art et essai a été attribué par le CNC. Dans des styles très différents, « La famille Bélier » ainsi que « Timbuktu » ont représenté les plus gros succès de ces derniers mois. « Notre programmation se veut large et transgénérationnelle. Elle a aussi pour objet de faire découvrir des films et parfois de surprendre le public, souligne Gwenola Breton. Dernièrement, à Séderon, nous avons diffusé un film d'Eric Moullet, “La terre de la folie”. Une centaine de personnes ont assisté à la projection. »
Créer du lien social
Ecran mobile 26 accompagne les films, ce qui permet d'en livrer certaines clés de compréhension et au public de s'exprimer. Outre l'éducation à l'image, l'association cherche à créer du lien social et à intégrer les acteurs locaux dans le projet. « Sur la commune de Bouchet, explique Gwenola Breton, les adolescents du centre de loisirs ont totalement été intégrés au processus tant pour la programmation que pour l'accueil du public, la tenue de la buvette...»
Internet ne semble pas avoir impacté l'audience. « Les anciens sont contents d'avoir des moments de rencontre culturelle, confie Gwenola Breton. Les familles restent engagées pour que leur village conserve une activité. Quant aux ados, nous les impliquons via leur collège ou les centres de loisirs. » 
Christophe Ledoux


Pour connaître la programmation d'Ecran mobile 26, rendez-vous sur www.fol26.fr. Les communes souhaitant organiser des projections peuvent s'adresser à la Fol26 au 04 75 82 44 79.