La Safer : son activité en Drôme, ses nouveaux droits

Damien Bertrand, vous êtes directeur départemental Drôme de la Safer Rhône-Alpes. Quel bilan dressez-vous des acquisitions et rétrocessions de foncier réalisées en 2015 ?
Damien Bertrand : « L'an passé dans la Drôme, la Safer a réalisé 109 acquisitions (contre 108 en 2014), pour 1 015 hectares (1 358 ha en 2014) au total et une valeur globale de 28 553 000 euros (18 441 000 euros en 2014). 3 % des surfaces ont été acquises par préemption. L'augmentation de la valeur est en partie liée à un bâti plus élevé, avec un dossier comportant huit bâtiments de caractère. Toujours en 2015, nous avons procédé à 126 rétrocessions pour 808 ha et 27 770 000 euros. »
Qu'en est-il des attributions ?
D. B. : « 11 attributions ont servi à installer ou réinstaller des agriculteurs, pour 113 hectares soit 15 % des surfaces. 69 attributions ont permis la confortation d'exploitations et le maintien sur parcelle, pour 330 ha soit 40 % des surfaces. Au total, cela concerne 55 % des surfaces et 63 % des dossiers.
En termes de réorientation(2) et développement local(3), le nombre d'attributions est de 46, pour 365 ha soit 45 % des surfaces. Multiples et variés, ces dossiers sont orientés sur l'accueil, les gîtes et le résidentiel mais comportent également du foncier. Huit ont une vocation d'accueil et de camping. L'an dernier, nous avons constaté une forte demande d'acquisition de propriétés avec de la surface non bâtie. S'il est parfois reproché à la Safer de faire beaucoup d'immobilier, il faut savoir que 170 de ces 365 ha ont été remis à la disposition de l'agriculture en 2015, soit 47 % des surfaces (par bail ou contrats de location à durée déterminée).
Globalement, 613 des 808 ha rétrocédés par la Safer sont maintenus en vocation agricole, soit 76 % des surfaces maîtrisées. En tout, nous avons étudié 350 candidatures et réalisé 182 attributions. Nous constatons une forte pression sur le foncier agricole dans la Drôme entre agriculteurs, qui génère une hausse du prix avec une moyenne (terres, prés, landes) de 6 400 euros à l'ha en 2015 contre 5 200 en 2014. Les prix flambent actuellement, la hausse peut atteindre 20 % sur des bonnes terres. »
Quelles sont les nouveautés en termes de droit de préemption ?
D. B. : « Le droit de préemption partielle, prévu par la loi d'avenir pour l'agriculture du 13 octobre 2014, est entré en application ce printemps. La Safer Rhône-Alpes vient d'ailleurs de réaliser la première opération de ce type dans la Drôme.
Le droit de préemption partielle vise à permettre aux Safer de maîtriser du foncier. Pour l'expliquer, je prends l'exemple de la villa d'un coiffeur avec cinq hectares de terres. Avant, la Safer pouvait préempter sur la totalité du bien mais devait donner une vocation agricole à l'ensemble. A présent, elle peut préempter seulement sur le foncier agricole et laisser la maison avec une assise décente. Même si le vendeur peut l'obliger à acheter la villa, la Safer n'est pas tenue de lui donner une vocation agricole. Et même si nous nous attendons à ce que les propriétaires mettent les Safer dans l'obligation de tout préempter, ce nouveau droit est une avancée majeure, qui répond à une demande de la profession agricole vieille de quinze ans.
Depuis le début d'année, les Safer ont également un droit de préemption sur les donations au-delà du sixième degré de parenté ou hors cadre familial (loi Macron du 6 août 2015). Ce sont les collectivités territoriales qui l'ont demandé pour lutter contre les donations "arrangées", les ventes où l'on sait que l'acquéreur ne respectera pas le document d'urbanisme (constructions "sauvages", de bungalows...).
La loi d'avenir agricole a aussi modifié la gouvernance des Safer, n'est-ce pas ?
D. B. : « Oui, le législateur a décidé de mettre la gouvernance des Safer en adéquation avec leurs missions. Leur conseil d'administration comprend maintenant trois collèges de huit membres, soit 24 administrateurs maximum. Le premier se compose des syndicats agricoles représentatifs (FDSEA, JA, Confédération paysanne et Coordination rurale), d'un représentant de la Chambre d'agriculture régionale et de trois postes libres à pourvoir (OPA(4) au sens large, notamment le Crédit Agricole, partenaire historique des Safer). Le deuxième collège est formé des collectivités (Région, établissements publics fonciers...). Dans le troisième, se retrouvent l'Etat (à travers l'ASP(5)), les actionnaires de la Safer et deux postes sont réservés à l'environnement (CEN(6) et fédération interdépartementale ou régionale des chasseurs). C'est une autre nouveauté. Avant, 80 % des postes étaient distribués à la profession agricole. »
Propos recueillis par Annie Laurie
(1) Safer : Société d'aménagement foncier et d'établissement rural.
(2) Le bien perd sa vocation agricole.
(3) Activité économique.
(4) OPA : organisations professionnelles agricoles.
(5) ASP : Agence de services et de paiement.
(6) CEN : Conservatoire des espaces naturels.