La vétusté du réseau SNCF menace les lignes secondaires

En début d'année, la réforme ferroviaire est entrée en vigueur. Elle a entraîné un premier changement fort, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) qui avaient été scindées en deux entités en 1997, sont de nouveau regroupés au sein d'une structure commune : la SNCF, composée de SNCF Mobilités et SNCF Réseau. L'ensemble cumule une dette de 33 milliards d'euros que la réforme entend stabiliser. « Il faut que la SNCF se réforme pour faire mieux avec moins et pour répondre aux enjeux : régularité, efficacité, sécurité », estimait Frédéric Cuvillier, ministre des Transports sur France Info le 26 février dernier. L'objectif de la réforme adoptée en juillet 2014 est ainsi de permettre une meilleure communication et coordination entre l'exploitant du réseau et celui qui gère les infrastructures. Elle devrait également produire des gains de productivité permettant aux deux structures d'économiser 1,5 milliard d'euros par an. Le statut très protecteur de « cheminot » n'est pas remis en cause.
Clairement motivée pour stopper la dérive de la dette grandissante du transport ferroviaire, qui s'accroissait de trois milliards d'euros par an, cette réforme pourrait ouvrir la voie à un recentrage de l'activité de la SNCF sur les voies les plus rentables. Aujourd'hui, il existe une forte concentration du trafic sur une minorité de voies. Ainsi, les lignes principales, soit 8 900 km qui représentent 30 % du réseau long de 31 500 km, accueillent près de 80 % du trafic. À l'inverse, 46 % des voies, soit 13 600 km, ne génèrent que 6 % de l'activité.
L'arrêt du développement de nouvelles voies à grande vitesse, très coûteuses en termes d'infrastructures, permettra à la SNCF d'économiser 1,5 milliard d'euros par an. Cependant, pour atteindre les objectifs financiers, un rapport commandé par le comité d'entreprise (syndicats) de la SNCF auprès du cabinet Degest, rendu public fin février 2015, estime qu'environ 7 500 km de voies secondaires seront fermées à moyen terme pour réaliser 230 millions d'économie par an. Du côté de l'emploi, 10 000 équivalents temps plein pourraient disparaître selon le cabinet Degest sur les 150 000 emplois que compte aujourd'hui SNCF Mobilités, soit environ 1 400 postes supprimés jusqu'en 2020. À l'inverse, SNCF Réseau devrait créer environ 600 postes par an pour mener à bien l'importante campagne de régénération du réseau ferroviaire annoncée par le gouvernement et la SNCF début 2015. Cela consistera à changer les ballasts, les traverses et parfois les rails de plusieurs milliers de kilomètres en France.
Les Régions gèrent les TER
Pour les transports express régionaux ou TER, la quête d'économies de la SNCF pourrait avoir de lourdes conséquences. Sur ces lignes, la SNCF Mobilités est exploitante pour le compte des Régions. Aussi, la décision de maintenir ou de fermer une ligne n'appartient pas à la SNCF mais aux conseils régionaux. Ce sont eux qui fixent le nombre de trains par jour, les arrêts, les horaires. La SNCF peut cependant décider de fermer une gare, supprimer des guichetiers sans que la Région puisse s'y opposer. Cerise sur le gâteau, et c'est là que cela se complique, la Région n'a pas d'autorité sur SNCF Réseau. Or, les voies ferrées nécessitent un entretien et une maintenance régulière pour permettre une circulation correcte des trains. Si l'entretien qui est à la discrétion du gestionnaire du réseau n'est pas fait, à termes, la SNCF Mobilités pourrait se trouver dans l'impossibilité de faire rouler des trains sur un réseau détérioré ou dangereux.
Investissements régionaux importants
La Région Rhône-Alpes consacre par exemple 25 % de son budget, soit 640 millions d'euros par an en 2015, aux transports dont 437 millions d'euros sont versés à la SNCF pour faire rouler 1 260 trains par jour en semaine. L'offre de train a augmenté de 15 % depuis 2010 suite au cadencement. Par ailleurs, la Région cofinance la modernisation de voies : électrification, doublement des voies ou de gares comme à Belleville ou Villefranche-sur-Saône. Elle investit également environ 150 millions par an dans des nouvelles rames de TER. Sans ce soutien public, les TER n'existeraient pas en l'état puisqu'ils ne génèrent que 200 millions d'euros de recette par an. Un voyageur paie environ 1/3 du coût réel des TER. La Région gère également neuf lignes de TER routiers pour relier des bassins de vie sans voies ferrées aux gares SNCF comme la ligne Roanne – Le Creusot TGV, Annonay – Lyon ou encore Aubenas – Valence TGV. Ces lignes sont également cadencées pour respecter des grilles horaires faciles à retenir et permettre des correspondances avec les gares qu'elles desservent. Plus souples que le train, les cars TER permettent une desserte de communes de petites tailles situées sur le trajet. À termes, le transport par car pourrait prendre plus de place, notamment via des compagnies privées, après le vote récent de la loi Macron.
Camille Peyrache
Les nouveaux projets ferroviaires à la traîne
Faire aboutir un nouveau projet de ligne ferroviaire est une bataille de longue haleine. En témoignent deux serpents de mer en région Rhône-Alpes : le Lyon-Trévoux et le Lyon-Turin. Le premier est un projet de transport périurbain porté par des citoyens regroupés au sein du collectif des transports en Val de Saône (CTVS) qui souhaite depuis 1992 la réouverture de la ligne de tram-train Trévoux-Sathonay-Lyon. La remise sur les rails de cette ligne coûterait environ 120 millions d’euros pour les infrastructures.Pour la première fois, une collectivité publique s’est engagée en mars 2015 à participer au financement de l’infrastructure. La Région Rhône-Alpes a ainsi inscrit au contrat de plan État-Région 2015-2020 son engagement à financer à hauteur de 50 % les travaux de remise en service des infrastructures ferroviaires, sans compter les investissements ultérieurs nécessaires pour les rames. Jean-Jack Queyranne a souhaité un démarrage des travaux à l’horizon 2020. Le président du conseil régional a rappelé qu’en l’absence de soutien de l’État, ce projet ne pourra être financé sans l’aide substantielle de la Métropole de Lyon. Aussi, « en première phase et afin de finaliser les études de faisabilité, il faut engager dix millions d’euros, a indiqué Jean-Jack Queyranne. La Région en apporte cinq. » La balle est maintenant dans le camp de Gérard Collomb et des élus de la Métropole de Lyon.
Un train sous les Alpes
Autre projet d’une tout autre complexité, qui lui aussi date de plus de 30 ans, le Lyon-Turin. Même si fin février, le président François Hollande et le Premier ministre italien ont annoncé le premier coup de pioche en 2016, les obstacles à la construction de cette ligne ne sont pas levés. D’abord, le financement de la partie française n’est toujours pas ficelé. La Cour des comptes estime le coût total de la ligne à 26 milliards d’euros, le seul tunnel de 57 km sous les Alpes est estimé à 8,5 milliards d’euros. Par ailleurs, la validité du projet actuel est toujours très contestée en France comme en Italie. Ainsi, Bertrand Plancher, ancien député, en charge de l’écologie à l’UDI, estime que « le coût énorme du Lyon-Turin ne se justifie plus au vu des chiffres des échanges économiques entre la France et l’Italie. Le trafic de marchandise a été divisé par 30 % entre 1998 et 2011. Il faut abandonner ce projet et investir sur des projets locaux comme la décongestion du nœud ferroviaire lyonnais ou la modernisation de la ligne existante du Mont-Cenis. » Par ailleurs, deux députés européens français ont saisi l’office français européen, qui a ouvert une enquête début février sur de possibles conflits d’intérêts en France dans la passation de marchés publics, et, côté italien, des soupçons de liens avec la mafia...
C. P.