La viande hachée recompose le marché

Notre souci, c'est le revenu des éleveurs », avance Eric Chavrot, le président de la coopérative Dauphidrom. Crise de l'élevage, crise sanitaire, défiance du consommateur vis-à-vis de la viande : le métier de l'élevage bovin n'a fait que se compliquer. D'ailleurs l'activité de la coopérative est en retrait cette année. Aussi, ses responsables multiplient les pistes de valorisation pour tirer des résultats dont profitent les éleveurs.
Lors de l'assemblée générale, qui s'est déroulée dernièrement à Virieu-sur-Bourbre (38), il a été question de contractualisation et de partenariats. Avec la structure aval Sicarev* qui réunit cinq groupements régionaux, Dauphidrom cherche à valoriser au mieux les animaux qui lui sont confiés. La première étape passe par une contractualisation entre l'éleveur et la structure. Les animaux annoncés dégagent une plus value qui va de 10 à 30 centimes. Cette pratique tend à se développer chez les producteurs.
Contractualisation
De l'autre côté de l'abattoir (Saint-Etienne et Roanne pour Sicarev), la coopérative développe les contrats de production, « dans un esprit de filière avec un distributeur », explique le président de Dauphidrom. Il s'agit de répondre à l'essor du steak haché, à l'érosion de la demande en races allaitantes et à la préférence du marché pour les races mixtes ou laitières qui présentent l'avantage du prix. Récemment, le GIE a ainsi contractualisé un marché pour de la viande hachée avec la filière Moy Park de Mc Donald, pour des jeunes bovins montbéliards. L'engagement est d'une durée de deux ans et le prix, calculé avec l'ensemble des partenaires, garanti à l'année. La filière Simply Market, quant à elle, concerne la fourniture de viande de vache charolaise. L'engagement contractuel est de 50 bêtes par semaine pendant trois ans. Le cahier des charges accepte des animaux de moins de 8 ans et abattus dans la zone de production. La grille de prix fixée pour l'année est basée sur les cotations hebdomadaires FranceAgriMer.
« Où va le bœuf ? »
La filière biologique, bien que mesurée, est également porteuse pour Dauphidrom. La coopérative profite de la réforme de vaches laitières issues de troupeaux qualifiés avec les filières bio de Sodiaal et Biolait. Fort de son agrément bio et de celui de l'abattoir de Saint-Etienne, la coopérative fournit 10 à 15 laitières par semaine aux acteurs agréés bio pour répondre à la demande de steaks hachés. Les prix sont fixés à six mois, la plus-value est de 20 centimes en moyenne. Le président de Dauphidrom cite d'autres exemples : la filière Qualité Carrefour (vaches et génisses charolaises), ou celle de Leclerc Bourgoin (charolaises de moins de 8 ans). « Ce sont souvent des contrats qui garantissent un volume ou un prix. Cela ne représente pas encore beaucoup d'animaux et ne va pas sauver la filière. Mais ça a le mérite d'exister et nous pouvons proposer quelque chose aux éleveurs, commente Eric Chavrot. Nous nous appuyons sur l'étude Où va le bœuf ? réalisée par l'Institut de l'élevage pour poser les jalons de la démarche Dauphidrom », poursuit-il. L'étude souligne le boom du steak haché et la dévalorisation des races à viande, notamment sur les marchés de la RHD et de la GMS.
Justement, Dauphidrom compte bien explorer la piste de la restauration hors domicile qui absorbe 61 % des importations françaises. « Il convient de redonner leur place aux productions locales, mais la question des appels d'offre reste compliquée », constate Eric Chavrot.
La force du groupe
Le GIE Sicarev est aussi obligé de la jouer très fine sur le volet des exportations. Même si la traditionnelle filière maigre Deltagro export se porte bien (+ 8 % en 2015) avec plus de 200 000 bêtes vendues. « Toutes les cartes se redistribuent, reprend le président de Dauphidrom. Certains marchés sont remis en cause pour des problèmes sanitaires. Nous jouons sur la diversité et la recherche de nouveaux débouchés. Si certains pays se bloquent, la force du groupe coopératif fait qu'il y a toujours une porte de secours ».
Le dernier grand chantier de Dauphidrom, pour sortir les éleveurs de l'ornière, est de les accompagner sur l'analyse des coûts de production, à l'aide de la méthode de l'Institut de l'élevage. « Cela devient incontournable de disposer de chiffres sur les coûts de production et de savoir sur quels facteurs jouer mais aussi de se comparer à d'autres ».
Enfin, Eric Chavrot souligne l'attitude responsable de Sicarev en plein cœur de la crise bovine, qui a réduit les abattages au mois de juin pour ne pas que les prix s'enfoncent davantage. Résultat, le groupe a réussi à tenir le prix de + 5 centimes pendant quelques semaines, avant que ses propres clients ne se tournent vers d'autres fournisseurs... Une déception. Pour autant, il comprend que les éleveurs demandent des comptes à leur coopérative mais insiste sur la transparence du groupe. Les résultats de Sicarev sont tout juste à l'équilibre avec 0,5 % de marge.
Isabelle Doucet
(1) Le groupe coopératif Sicarev est spécialisé dans l'abattage et la transformation de viande, il possède des filiales d'approvisionnement et de commercialisation.
La viande en chiffres
En 2015, Dauphidrom a commercialisé 16 682 animaux contre 17 235 en 2014. Le repli porte surtout sur l’activité viande (-5 %), alors que l’activité veau progresse.
La coopérative représente 13,7 % de l’activité viande du groupe Sicarev, qui a traité près de
100 000 bovins en 2015.
Dans le cadre du Crof 2015, qui vise à relancer l’engraissement en région, 22 éleveurs ont contractualisé 1 327 animaux, soit 300 de plus qu’en 2014.