La volaille impactée par la pandémie de Covid-19

«Les producteurs de volaille de Bresse ont été les premiers à se casser la figure. 90 % du marché s'est effondré », indique Sandie Marthoud, présidente de la section avicole à la chambre d'agriculture de l'Ain. Les premières semaines, cette filière, qui vit essentiellement d'exportation, pour des pièces vendues en boucherie ou en restauration, a dû rapidement baisser le prix de vente aux abattoirs pour procéder à des congélations de masse.
La volaille de Bresse souffre
« Il y a 15 jours, entre 7 000 et 8 000 volailles ont été surgelées dans l'Ain. Aujourd'hui, la situation semble être revenue à la normale, grâce à la bonne dynamique de la vente directe. Nous avons mis en place des actions avec la GMS pour continuer à avoir nos têtes de gondoles dans les magasins. Au début, les prix ont été bradés mais il fallait bien sortir nos poulets », tempère-t-elle. Pour limiter la casse, il y a deux semaines, 8 000 poussins ont été condamnés dans certains couvoirs de 20 000 poussins en volaille de Bresse dans le département... « Des pertes sèches dramatiques pour ces petites entreprises », regrette-t-elle. Les éleveurs se préparent déjà à la prochaine vague qui devra s'écouler entre la semaine 22 et la semaine 24, soit du 25 mai au 14 juin, des mises en place ayant eu lieu en janvier dernier. « Nous espérons que le consommateur sera au rendez-vous, nous faisons beaucoup de communication sur les réseaux sociaux pour l'informer de cette situation extraordinaire ». Dans le département de l'Ain, la pintade connaît elle aussi des temps difficiles. « Elle ne s'est pas bien vendue pour Pâques et son principal débouché, la restauration hors domicile, est à l'arrêt. Nous constatons déjà moins 10 % sur les ventes et les mises en place dans les élevages vont commencer à réduire », ajoute l'éleveuse de volailles installée à Sainte-Julie dans l'Ain.
Poulet : des disparités selon les départements
Le poulet connaît des réalités hétérogènes selon les départements. « Pour le standard, les ventes sont relativement stables. Le consommateur continue d'acheter des filets de volaille. Les cuisses sont plus difficiles à placer car elles partaient beaucoup en restauration collective. Pour le label, cela dépend des semaines. Nous avons demandé à la GMS de remettre en avant nos productions locales et de mieux référencer nos marques régionales », explique Louis Accary, membre du bureau de la confédération française avicole (CFA), producteur de volailles à Versaugues en Saône-et-Loire. « Pour le moment les abattoirs congèlent, la situation n'est pas catastrophique mais il ne faut pas que ça dure trop longtemps. Cela serait un non-sens total d'arriver à l'équarrissage des animaux ! » ajoute-t-il. Dans le département, les poulets certifiés élevés à 56 jours ont du mal à trouver des débouchés, pénalisés par la fermeture des rôtisseries. Du côté du département de l'Ain, la filière avicole ne connaît pas de pertes particulières, que ce soit en poulet standard ou labellisé. « Le poulet standard continue à bien s'écouler. Le label aussi car nous n'avons pas assez de standard. La demande reste très présente, notamment en Fermiers de l'Ain. La seule différence, c'est que nous sortons des poulets à 1,9 kg au lieu de 2,4 kg. Nous n'avons plus le temps de les faire vieillir. Au bout du compte, nous aurons des résultats techniques moins bons mais nous sortirons presque huit lots à la place de sept par an », précise Sandie Marthoud.
L'Auvergne tire son épingle du jeu
En Auvergne, « les poulets standard et label partent même s'il commence à y avoir un surcoût lié à l'augmentation du prix des matières premières (ndlr tourteau, blé) qui ne se répercute pas en GMS. Tous les producteurs nous disent qu'ils travaillent en dessous des marges, avec des baisses de moins 70-80 % », souligne Jacques Force, éleveur dans le Puy-de-Dôme, président du Cofil avicole auvergnat. « La force dans nos départements très ruraux, ce sont leurs circuits commerciaux de proximité. Nous avons beaucoup de boucheries traditionnelles et des abattoirs qui font du service d'appoint. Les mouvements de population ont aussi joué en notre faveur. Beaucoup de Parisiens et de Lyonnais sont revenus dans leur département. En plus, le poulet fermier d'Auvergne, c'est une vraie locomotive, il n'a pas perdu sa réputation », se réjouit-il. Dans cette période de crise imprévisible, les œufs sont les grands gagnants. « Alors qu'habituellement, la demande en œufs plein air est très présente, il y a aujourd'hui énormément de demande sur le code 3, c'est-à-dire l'élevage en cage. Nous sommes sur une hausse de 20 % à l'échelle nationale », indique Sandie Marthoud. Rien de surprenant pour Jacques Force : « Toutes les personnes qui mangent habituellement dans les entreprises cuisinent beaucoup plus chez eux ». Une demande croissante qui se répercute aujourd'hui aussi sur le marché des ovoproduits.
Alison Pelotier