Lait : vers un retour à l'équilibre ?

Chamboulée depuis la mi-mars, la filière laitière semble être sur la voie du retour à la normale, selon les analystes de l'Idèle. La collecte laitière a amorcé précocement sa baisse saisonnière. Elle a nettement fléchi en mai (-1,4 % par rapport à 2019), d'après les sondages hebdomadaires de FranceAgriMer, après avoir marqué le pas en avril (- 0,2 % par rapport à 2019). « Rappelons qu'au premier trimestre, elle avait progressé de + 1,2 % par rapport à 2019 (effet année bissextile neutralisé), retrouvant ainsi le niveau moyen des cinq années précédentes. La bonne qualité des fourrages et le bon prix du lait avaient alors stimulé la production malgré un cheptel laitier réduit d'un hiver à l'autre (- 1,6 % par rapport à 2019) », explique Gérard You du département économie. L'arrêt de la croissance de la collecte début avril puis la baisse saisonnière précoce tiennent pour une part à des raisons météorologiques. Les précipitations réduites depuis le confinement et les nuits fraîches de début avril ont visiblement ralenti la production herbagère dans de nombreuses régions. Elles ont, en revanche, permis aux éleveurs de réaliser les ensilages d'herbe dans de bonnes conditions, même si les rendements ont été décevants dans les régions de l'Est (Lorraine, Bourgogne) et du Sud-Est, confrontées depuis janvier à des déficits hydriques importants.
Le dispositif du Cniel a porté ses fruits
L'arrêt de la croissance semble aussi découler des signaux de modération envoyés par de nombreux collecteurs. Des éleveurs ont écourté des lactations et davantage réformé. « 22 000 éleveurs ont réduit de - 2 à – 5 % leurs livraisons d'avril, ce qui témoigne du succès du dispositif d'incitation à la modération mis en place par le Cniel », relève Gérard You. D'après les données de SPIE-BDNI, les effectifs réformés ont bondi de + 9 % en mars et + 3 % en avril d'une année sur l'autre, tandis que les entrées en lactation ont reculé de 2 %. En somme, le bilan mensuel a été plus négatif que la normale. Ainsi, l'effectif de vaches laitières a enregistré une baisse saisonnière plus prononcée, passant de - 1,5 % au 1er mars à - 1,8 % au 1er mai. Après avoir été relativement stable et plutôt élevé en janvier et février (353 €/1 000 litres), le prix du lait standard (moyenne nationale toutes qualités confondues) a fléchi depuis mars à 344 €/1 000 litres, passant sous le bon niveau de 2019. L'évolution du prix du lait d'un printemps à l'autre différera selon les collecteurs. Plusieurs groupes laitiers (Eurial, Savencia, Sodiaal et Terra Lacta) appliquent un malus ou pénalité sur le prix du lait payé au printemps pour modérer la collecte printanière, compensé dans certains cas d'un bonus sur le prix payé en été pour encourager la production lors du creux saisonnier. Après avoir maintenu inchangé le prix de base en avril et mai, Lactalis annonce pour juin une baisse de
10 €/1 000 litres. « L'évolution du prix du lait diffèrera aussi selon les bassins laitiers. En Franche-Comté, il devrait se maintenir. En revanche, il risque de baisser dans le Massif central avec des écarts croissants entre les éleveurs, selon le profil laitier de leur collecteur-transformateur », prédisent les analystes de l'Idèle.
Sophie Chatenet