Lavande et lavandin : l’essor des plants sains

Face au développement de la filière plantes à parfum, médicinales et aromatiques (Ppam) et aux nouveaux besoins exprimés par les producteurs - durabilité des cultures, caractéristiques agronomiques, résistances aux ravageurs et maladies comme le dépérissement notamment - la recherche et l’expérimentation se doivent de proposer des réponses, même partielles ou incomplètes. Il faut dire que la filière est portée par un regain d’intérêt pour les Ppam, soutenues par une demande des industriels de la cosmétologie, entre autres, qui cherchent à s’approvisionner localement afin de répondre à un marché des huiles essentielles en plein boom. Résultat, des surfaces qui explosent, notamment dans le Sud-Est, au détriment du blé dur.
Un réseau de recherche agronomique appliquée
Pour répondre aux attentes des producteurs, le réseau de recherche agronomique appliquée de la filière repose aujourd’hui sur le conservatoire national des plantes à parfum, médicinales et aromatiques (CNPMAI, Milly-la-Forêt), l’institut technique interprofessionnel (Iteipmai, Chemillé-en-Anjou) et le centre régionalisé interprofessionnel d’expérimentation en plantes à parfum (Crieppam, Manosque). Ce dernier, qui œuvre en réseau avec le conservatoire national et la chambre d’agriculture de la Drôme, travaille sur plusieurs volets : agronomique, récolte et transformation, diffusion de l’information, filière plants sains.
« La lavande vraie, Lavandula angustifolia, se développe à une altitude comprise entre 600 et 1 400 mètres et intéresse principalement la parfumerie fine et l’aromathérapie ; les populations sont issues de semis ou de variétés clonales car la lavande vraie offre la possibilité de faire du bouturage. La lavande aspic, Lavandula latifolia, très peu cultivée en France, s’épanouit a une altitude plus faible et intéresse davantage la recherche dans un but d’aromathérapie plutôt que de parfumerie », note Magali Pellissier, du Crieppam. Le lavandin, principalement cultivé en France, est issu du croisement de ces deux lavandes. Stérile, il est multiplié par bouturage, ce qui explique que l’essentiel des plantations se fasse avec des variétés clonales.
Casser le cycle de la contamination
Au début des années 2000, la production de plants de lavandes et lavandins était essentiellement fermière, « avec une multiplication par bouturage en racines nues ou semis » (lavandins stériles et clones de lavandes). Mais l’apparition puis l’expansion de la maladie du dépérissement - liée à la présence du phytoplasme du stolbur transmis par la cicadelle hyalesthes obsoletus - a contraint les pépiniéristes et les obtenteurs à revoir leur stratégie. C’est ainsi qu’est née l’idée de constituer « une filière plants sains afin d’enrayer l’expansion du dépérissement dans les zones de production traditionnelles et éviter de l’introduire dans les nouvelles zones de plantation ».
Pour rappel, ce dépérissement vient de l’obstruction des canaux de phloème par les bactéries sans parois du phytoplasme du stolbur, entraînant une forte mortalité au bout de la troisième année de plantation. « Il fallait casser ce cycle de contamination car, quand la maladie est présente dans les plants mères, elle est transmise aux jeunes plants par la technique de multiplication du bouturage. D’où l’idée de cette filière plants sains pour éviter la transmission de la maladie. »
Pensée au début des années 2000, elle prend véritablement son essor en 2008-2009. Dix ans après, ces chiffres se sont envolés (voir encadré). « Aujourd’hui, ces plants sont principalement produits en agriculture conventionnelle, dont 11 à 12 millions en racines nues et 656 000 en mini-mottes. Cependant, la part du bio tend à s’accroître avec 349 000 plants en racines nues et 343 000 en mini-mottes », note la spécialiste du Crieppam.
L’association des pépiniéristes de plants sains lavandula (APPSL), présidée par Jean-Michel Mounier, regroupe 36 membres depuis cette année. « Elle a pour rôle de défendre les attentes des pépiniéristes et de participer à son développement, en proposant notamment des formations conçues avec le Crieppam. Elle permet aussi de vulgariser nos pratiques et les avancées techniques, d’améliorer par la concertation et le dialogue nos cahiers des charges et, plus généralement, de faire grandir la filière », explique le pépiniériste installé à Châteaurenard (SARL Le tilleul).
Gagner deux ans
Bien évidemment, cette filière plants sains ne signifie pas la fin du dépérissement. « Mais elle permet de gagner en moyenne deux ans sur l’apparition des symptômes de la maladie ». En effet, le plant n’est pas la seule source de contamination : l’insecte y est aussi pour beaucoup et peut contaminer un plant sain par simple piqûre. « Cette filière fait partie de la boîte à outils des lavandiculteurs pour baisser la pression, tout comme les essais de couverts inter-rang, qui viennent perturber le comportement de l’insecte ou modifier les conditions climatiques de la parcelle, la rendant ainsi moins attractive pour le ravageur. »
Céline Zambujo
En cinq ans, le parcellaire des Ppam a augmenté de 10 000 hectares (ha) en lavandin et de 2 000 en lavande, portant à 20 500 ha les surfaces en lavandin (dont 85 % de grosso) et à 5 500 celles de lavande (51 % en lavande de population et 49 % en lavandes clonales).
Plants sains
- En 2008-2009 : deux millions de plants commercialisés, dont
431 700 de lavande de population, 167 900 de lavandes clonales et 2,3 millions de lavandin.
- En 2018-2019 : 734 700 plants de lavande de population, 1,2 million de plants de lavandes clonales et 12,5 millions de plants de lavandin.
Comment fonctionne la filière plants sains ?
L’association des pépiniéristes de plants sains lavandula (APPSL) rassemble aussi les organismes en charge de la sélection, dont le Crieppam, et des partenaires techniques. « Le matériel végétal est assaini par le laboratoire Vegenov à partir du méristème, le tissu cellulaire de croissance », explique Magali Pellissier, du Crieppam. Puis, le laboratoire envoie les pieds « grand-mères » au Crieppam, qui les multiplie sous serre et sous filet insect-proof pour obtenir les pieds mères. Ces derniers sont ensuite distribués aux pépiniéristes, qui les mettent alors sous serre pour une production de plants nus et de mini-mottes à plus grande échelle, dans le respect d’un cahier des charges. L’ensemble est ensuite vendu aux producteurs. « Ce travail se fait en étroite relation avec l’Iteipmai - qui a développé des lavandes de populations et propose également aux pépiniéristes des semences de lavandes, bien évidemment saines de toute maladie - le tout étant contrôlé par le Gnis. »
C. Z.