Le cadre strict de la viande transformée à la ferme

Transformer sa viande à la ferme. Une pratique qui s'installe de plus en plus dans les exploitations agricoles de la région. Suite aux crises successives de la vache folle et de la fièvre catarrhale ovine, la méfiance des consommateurs vis-à-vis de la grande distribution a poussé certains éleveurs à commercialiser leurs produits sans intermédiaire. Pilotée par le CERD Bourgogne, l'étude « Référence sur les circuits courts » donne les clés pour réussir l'aménagement d'un espace respectant le cadre réglementaire imposé par l'État.
Le principe de « la marche en avant »
Surface lisse, nettoyable, étanche et non toxique. Voici les règles de base à appliquer pour aménager un atelier de transformation sur son lieu de travail. Selon une enquête conduite par le centre d'étude bourguignon auprès de 39 agriculteurs dont 21 en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), 48 % des éleveurs ont installé un espace sur site et 26 % font appel à un prestataire externe. Le rendement moyen à la découpe varie de 69 % à 78 % selon les animaux, le transport à l'abattoir étant généralement réalisé par l'agriculteur à 37 kilomètres en moyenne de son exploitation. Côté hygiène, les professionnels respectent le principe de la « marche en avant ». « Un déchet ne doit jamais se retrouver en contact avec un produit sain », explique Françoise Morizot-Braud, ingénieur en agroalimentaire et directrice du CERD. D'autres travaux conduits en France entre 2011 à 2013 auprès de 500 exploitations ont permis de comprendre pourquoi les éleveurs investissent dans cette démarche. Résultat : le coût du matériel et des charges n'est pas leur motivation première. « Ils cherchent avant tout à maîtriser leur produit jusqu'au bout. L'atelier collectif permet de partager des préoccupations sur la réglementation sanitaire. Néanmoins, l'impact financier sur l'exploitation est sensiblement le même, qu'il soit partagé ou individuel », ajoute-t-elle. Certains y renoncent par manque de temps. « L'activité peut vite devenir chronophage si elle est gérée seul ».
Trois bacs à déchets
Pour les professionnels qui participent à la découpe ou à l'emballage, une formation à l'hygiène et un certificat médical sont nécessaires avant toute installation d'atelier de transformation à la ferme. Une fois l'abattoir agréé CE, l'exploitant achemine la carcasse jusqu'à l'atelier de découpe avec obligation de maintien de la chaîne du froid à 7°. Le lieu peut avoir un statut sanitaire CE ou simplement être déclaré auprès de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP). Dans ce dernier cas, une dérogation peut être obtenue pour vendre à des intermédiaires à un rayon de 80 km. La gestion des déchets, elle, passe par l'utilisation de trois bacs indispensables au maintien de l'hygiène : un pour les matériaux à risques spécifiés (cervelle, yeux et moelle épinière chez les bovins de plus de 24 mois, colonne vertébrale chez ceux de plus de 30 mois...) ; un pour les sous-produits animaux comme le contenu de l'appareil digestif, les matières animales issues d'eaux résiduaires et les cadavres impropres à la consommation humaine ; un troisième pour les sous-produits issus d'animaux sains et aptes à l'abattage (plumes, viscères, sang, os...).
« L'agriculteur devra aussi s'équiper d'un système de traitement des eaux usées pour filtrer toutes les impuretés », précise Françoise Morizot-Braud. La vente au détail de produits nus impose les mêmes obligations que la boucherie traditionnelle : la dénomination des morceaux, l'affichage des prix, leur récapitulatif sur un tableau général et un ticket de caisse sur lequel figurent le poids et le coût total du morceau vendu.
Alison Pelotier