Le Cellier des Dauphins se lance dans le « sans sulfites »

C'est à l'occasion du salon Millésime bio, qui s'est déroulé il y a quelques semaines à Montpellier, que l'Union des vignerons de Côtes-du-Rhône (UVCDR) - mieux connue pour sa marque emblématique « Cellier des Dauphins » - a dévoilé le lancement d'un vin bio sans sulfites. Rien d'étonnant en somme. En effet, l'UVCDR est présente depuis quelques années sur le marché bio, qui représente d'ailleurs aujourd'hui près de 10 % du chiffre d'affaires bouteilles (un million de cols).
Un travail lancé en 2014
« Nos vignerons sont sensibilisés au bio. Les terres sont transmises de générations en générations », note James Fuselier, directeur marketing et communication de l'UVCDR. Avant de poursuivre : « Nous exportons pas mal en Europe du Nord. Un produit bio va aussi être l'opportunité d'apporter une expérience organoleptique. Le vin va avoir une expression spécifique ».
Une étape supplémentaire est ainsi franchie avec le lancement de cette nouvelle cuvée sans sulfites. Il faut dire que chaque année, vignerons et œnologues réfléchissent ensemble aux prochaines tendances. « Nous avions cette idée novatrice, une carte à jouer sur le sujet. Nous nous sommes ainsi lancés lors du millésime 2014, qui n'a pas forcément été facile à travailler en Côtes-du-Rhône », raconte Guillaume Valli, responsable œnologie à l'UVCDR. Pour autant, il savait qu'il pourrait compter sur le modèle coopératif et ses atouts, à savoir le nombre de vignerons et la capacité de sourcing qui allait lui permettre de trouver les raisins adéquats.
Une centaine d'hectolitres
La première production restera humble, avec une centaine d'hectolitres, sans aucune ambition commerciale. Bien des paramètres allaient en effet devoir être pris en compte comme l'état sanitaire qui doit être parfait, l'absence de raisins altérés, l'homogénéité de la maturité, etc. Le SO2 ne pouvant être utilisé lors de la vinification, un travail sur la prévention de l'oxydation a aussi été mené. D'où le choix de cépages tolérants, tels la syrah, le mourvèdre ou encore le grenache. « Le grenache est un cépage dominant dans la région, on ne pouvait pas s'en passer », indique encore Guillaume Valli.
Cette première expérience, réalisée avec une cave implantée dans le Vaucluse (Sérignan-du-Comtat), fonctionnera plutôt bien. « Les étapes de vinification se sont bien passées et la mise en bouteilles s'est déroulée au printemps. En mars 2015, nous avions même trouvé un client intéressé. Les 10 000 bouteilles ont donc été vendues en France et les consommateurs étaient contents », relate l'œnologue. Le challenge sera renouvelé l'année suivante, en élargissant le sourcing. La cave de Richerenches entre à son tour dans la danse. Objectif visé : 50 000 bouteilles. « Nous avions une année de recul, une possibilité de tri plus large, nous étions aussi moins contraints par l'état sanitaire du fait du millésime », note-t-il aussi.
Trois années de tests
La production partira à l'export. « Cela nous a permis de valider le process au complet, voir comment cela tenait au transport. La coopérative a fait appel au Laco - à Suze-la-Rousse - qui a réalisé un suivi microbiologique, afin de vérifier s'il n'y avait pas de possibilité d'altération organoleptique. La microbiologie nous permet de prévenir chaque potentiel de déviation. Nous devons nous assurer de l'état du vin très en amont », ajoute-t-il.
L'année 2016 sera l'année de la confirmation, avec la collaboration de quatre caves (dont Puyméras et Vinsobres). Enjeu : arriver à transformer l'essai sur une certaine volumétrie et réaliser 130 000 bouteilles. « Le profil est très joli en cuve, avec un fruit qui s'est peu atténué, des notes de fruits rouges, cassis, cerises noires », note-t-il aussi. Une cinquième cave, à savoir celle de Nyons, a depuis rejoint l'aventure.
Après trois années de tests, Guillaume Valli reconnaît que ce produit demande un travail on ne peut plus méticuleux. Il implique également une certaine coordination : les récoltes doivent ainsi se dérouler lors de la même journée, tout comme l'apport. La cuve doit être adaptée en termes de volume, et être désinfectée auparavant.
Commercialisation en avril
Cette cuvée sans sulfite renverse également la logique qui consiste à mettre en bouteille lorsque le client passe commande. « C'est le vin qui dicte à quel moment il faut le mettre en bouteille. Il faut l'y mettre assez tôt », note encore Guillaume Valli.
James Fuselier paraît en tout cas confiant quant à ce nouveau produit. Pour cette première année, l'objectif sera de commercialiser 150 000 cols auprès de la GMS. Cela dépendra toutefois du nombre d'enseignes qui accepteront de référencer ce nouveau produit. Seule la France sera pour le moment concernée. « C'est un produit précieux, rare. On commence donc par notre premier marché qui est la France », précise-t-il. Selon lui, d'autres pays pourraient à terme être intéressés. « Je pense que ce sera le cas car la thématique "sans sulfites ajoutés" intéresse aujourd'hui de nombreux clients. Le fait qu'une marque connue signe ce genre de produit est un facteur de qualité important », note-t-il aussi. La commercialisation de ce rouge sans sulfites pourrait débuter dès le mois d'avril. En coulisses, on s'active déjà pour proposer un rosé...
Aurélien Tournier