Le changement climatique, catastrophe ou opportunité ?

Depuis que l'alerte a été lancée, les avis sont partagés. Il y en a qui nourrissent de légitimes inquiétudes et d'autres qui, loin de s'alarmer, considèrent le réchauffement comme une excellente chose. C'est le cas de certains viticulteurs, comme Jean-Pierre Achard, producteur de clairette installé au pied du Vercors, qui se réjouit de finir ses vendanges en septembre et de voir le degré d'alcool de sa production augmenter par la grâce de la météo. Pour tirer les choses au clair et proposer des stratégies d'adaptation, l'Isrtea (1) a lancé un important programme de recherche dans le Vercors. Pourquoi le Vercors ? Parce que ce territoire est jugé représentatif des espaces de moyenne montagne, particulièrement sensibles au réchauffement climatique. Depuis un an, le projet Adamont associe donc chercheurs, techniciens, exploitants, acteurs du tourisme et représentants de quatre parcs naturels régionaux (Vercors, Chartreuse, Bauges et Baronnies) dans un objectif commun : mettre en évidence les impacts du changement climatique sur les principales activités socio-économiques et imaginer des pistes d'adaptation.
Stocker l'eau
Au printemps dernier, à Saint-André-en-Royans, les chercheurs ont réuni une vingtaine d'acteurs de terrain pour recenser observations objectives et craintes supposées. Au mur, le schéma simplifié d'un territoire de moyenne montagne, avec ses paysages et ses ressources. A chacun d'y placer un ou plusieurs post-it, illustrant les effets réels ou craints du changement climatique sur les milieux et les activités. Installé entre Vercors et Baronnies, Jean-Pierre Achard constate une sécheresse estivale plus marquée et des orages plus fréquents. Mais comme son exploitation est en bio, il ne déplore « pas de conséquence dramatique sur la vigne. L'orage n'a pas d'effet dévastateur, grâce à l'herbe. Le sol s'enrichit en eau et n'est pas érodé ». Christophe Bellier, éleveur et producteur de noix à Sainte-Eulalie-en-Royans, ne vit pas les choses de la même manière. « Après la sécheresse de 2003, nous avons eu du mal à retrouver notre production. Les arbres qui étaient sur des parcelles non irriguées ont souffert. A l'avenir, aurons-nous la capacité de faire des réserves pour stocker l'eau ? », s'inquiète-t-il.
Qui va débroussailler tout ça ?
L'élevage n'est pas épargné non plus. Entre les sécheresses récurrentes, la « peur de voir apparaître de nouveaux insectes porteurs de maladie », les risques liés à la propagation de la FCO, l'abandon de certains quartiers d'alpage et l'embroussaillement, les problématiques sont complexes et les craintes réelles. « Sur nos alpages, le genévrier rampant envahit tout, déplore Jean-Luc Faure, maire de Bouvante. Aucun animal ne le mange. On en est à se demander qui va débroussailler tout ça et comment ça va impacter la filière élevage. » Baptiste Nettier, en charge du développement des territoires montagnards à l'Irstea pose la question autrement : « Est-ce que les éleveurs de la plaine vont moins monter en alpage à cause des maladies et du loup ou bien au contraire vont-ils monter davantage pour aller chercher de l'herbe ? » Il est vrai que le réchauffement climatique pose un réel problème aux animaux, et donc aux éleveurs. Pour Patrick Pellegrin, d'Isère conseil élevage, « le bon côté, c'est que les bêtes pâturent plus tôt. Mais l'été, elles restent à l'intérieur : la chaleur, ça cogne. Du coup, ce qu'on a gagné au printemps, on le perd en été. » D'autant que les vaches ont du mal à s'adapter aux fortes chaleurs.
Contraintes contradictoires
De son côté, Zacharie Belle, éleveur à Bouvante, s'inquiète de ce que « les contraintes administratives sont en contradiction avec les aléas climatiques et que l'on ne puisse plus faire ce qu'il est logique de faire », faisant allusion à l'interdiction de retourner les prairies permanentes. « Concrètement, comment faire pour nourrir ses bêtes ? Ne vaut-il pas mieux dégrader un peu le sol localement plutôt que de faire venir du fourrage de loin ? » Les techniciens suggèrent une piste alternative : la reconquête des surfaces intermédiaires, abandonnées, et un nouvel intérêt pour les surfaces de parcours embroussaillés. « Ça peut intéresser les éleveurs, mais aussi la collectivité (lutte contre les incendies), le tourisme, et donc l'économie », avance Jean-Luc Langlois, du parc naturel du Vercors. Reste à savoir qui acceptera de prendre en charge le coût de ce surcroît de travail.
Marianne Boilève
(1) Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.