« Le Chatelard 1802 », l’histoire d’une success-story lavandicole

Le Chatelard à Saint-Auban-sur-l'Ouvèze, c'est un quartier de la commune des Baronnies drômoises qui donne son nom à une ferme dont l'ancienneté de construction est attestée par une pierre gravée au-dessus de l'entrée principale. Là, depuis deux siècles, de générations en générations, la famille Montaud y cultive la lavande. La grand-mère, Yvonne, doyenne du village toujours vaillante à 90 ans, se souvient de l'époque où la lavande était coupée à la faucille et ramenée à la ferme à dos de bêtes. Après guerre, avec la mécanisation, son fils, Yves Montaud, et son épouse, Marie-Hélène, concentrent l'activité de la ferme sur la production de matière première. Fleurs de lavande et lavandin en sacs de 50 kg et huile essentielle de lavande et lavandin en bidons de 25 litres sont vendues à des négociants ou transformateurs.
Plus de 1 000 articles
A la fin des années 1990, après leurs études, les trois fils d'Yves et de Marie-Hélène vont faire prendre un tournant stratégique à l'exploitation agricole et lui donner une toute nouvelle dimension. En 2000, l'aîné, Sébastien, alors tout juste diplômé de l'Edhec*, a l'idée de créer une entreprise artisanale « Le Chatelard 1802 » vouée à la production, sur place, d'une gamme de produits finis (sachets de lavande et lavandin). Ils se répartissent les tâches : à Benoit la production agricole, à Christophe la production manufacturière, à Sébastien la direction commerciale. A l'origine, l'objectif des frères était de permettre un écoulement plus facile et plus rentable de la production de lavande assurée à la ferme par les parents. Rapidement, le catalogue des articles de produits provençaux fabriqués à Saint-Auban se diversifie et s'enrichit : sachets de lavande et lavandin, savons aux différentes essences, eaux de toilette, parfums d'ambiance, bougies, diffuseurs de parfums, etc. Le Chatelard acquiert rapidement une véritable notoriété sur le marché des produits « cadeaux senteurs ». De sorte qu'en 2015 la collection est constituée de plus de 1 000 articles...
Un développement tous azimuts
« 2005 a été une année charnière, explique Sébastien Montaud. La construction de l'usine actuelle et de la savonnerie, cette dernière représentant aujourd'hui 50 % des ventes, a permis d'élargir considérablement notre catalogue et de toucher un public plus large. Nos produits véhiculent des images de lavande, de senteurs et de Provence. Ils sont issus d'un artisanat traditionnel "100 % made in France", fabriqués avec des produits naturels, locaux, de qualité et un packaging haut de gamme. Ils ont rapidement séduit, tant en France qu'à l'étranger, la clientèle d'un marché grand public ouvert sur le luxe et la beauté. »
En quinze ans, l'entreprise familiale s'est en effet développée tous azimuts. La ferme en Gaec est passée d'une douzaine d'hectares en 1990 à quarante-cinq aujourd'hui de lavande et lavandin. La totalité de la production (environ 40 tonnes) représente 60 % des besoins en matières premières de l'entreprise de transformation. Le reste est assuré par un approvisionnement auprès des lavandiculteurs voisins. L'usine, la savonnerie, les entrepôts, les bureaux et le show-room de Saint-Auban couvrent aujourd'hui plus de 2 500 mètres carrés. L'entreprise emploie localement 45 personnes (dix administratifs et commerciaux, vingt en production atelier et logistique/expédition et quinze à domicile).
« Nous avons tout d'abord commencé à commercialiser nos produits dans le grand quart Sud-Est de la France, via des détaillants multimarques, précise Sébastien Montaud. Le concept ayant fait tâche d'huile, un millier de magasins partenaires commercialise aujourd'hui en France et autant à l'étranger les articles issus de nos ateliers. » En 2012, une nouvelle étape a été franchie avec l'ouverture des premiers magasins propres ou franchisés. On en compte actuellement dix en France : à Grasse, Vaison-la-Romaine, Montbrun-les-Bains, Nice, Arles, Aix-en-Provence, Les Baux-de-Provence, Canne, Saint-Paul-de-Vence et Saintes-Maries-de-la-Mer. En 2013, huit autres ont été ouverts en Corée du Sud, en coopération avec un partenaire local.
Pendant ces quinze ans, le chiffre d'affaires parti de zéro a suivi une courbe de croissance exponentielle à deux chiffres pour dépasser aujourd'hui le cap des cinq millions d'euros, dont un tiers est réalisé à l'export.
Une entrée en bourse
Fort de ce spectaculaire développement, Sébastien Montaud a annoncé le 29 avril que l'entreprise familiale allait faire son entrée en bourse dans les semaines à venir. L'objectif est d'arriver à lever quelque deux millions d'euros de capitaux afin de poursuivre une croissance autour de deux axes principaux. Le premier consiste à renforcer la présence de l'entreprise à l'international, notamment en Europe du Nord et de l'Est, ainsi que sur les marchés du Sud-Est asiatique et des pays émergents (Chine, Brésil, etc.). Le second est d'accélérer l'ouverture de boutiques franchisées dans les grandes agglomérations françaises à fort passage (une vingtaine à l'horizon 2020) : à Paris, Lyon, Lille, Strasbourg, Bordeaux... Ceci afin d'appuyer l'image de la marque et d'organiser un réseau de distribution fiable et pérenne.
Avec pour exemple et ligne de mire « l'Occitane en Provence », devenue en quarante ans le mastodonte du secteur, la petite entreprise familiale de Saint-Auban-sur-Ouvèze se donne aujourd'hui les moyens de jouer dans la cour des grands sur un marché international de plusieurs milliards d'euros.
Alain Bosmans
* Edhec : école des hautes études commerciales du Nord.