Accès au contenu
Droit rural

Le chêne centenaire et la loi

Avant d’arracher des arbres ou des haies pour, par exemple, améliorer l’exploitation d’un fonds, mieux vaut connaître la réglementation.
Le chêne centenaire  et la loi

Question : Je suis locataire de plusieurs parcelles qui forment un tènement important. Toutefois, les terres sont séparées par des haies, des rigoles, des fossés, etc. Pour améliorer l'exploitation, je souhaite supprimer certains arbres dont notamment un chêne centenaire. J'en ai parlé au propriétaire qui n'est pas du tout d'accord. Quel est mon droit en tant que locataire de ces terres ?
Réponse : Les travaux que vous envisagez, sont connus sous le terme de suppression d'obstacles à la réunion de parcelles. Ces travaux font l'objet d'une règlementation codifié à l'article L. 411-28 du code rural. Or, cet article a évolué dans le temps.
En effet, avant la loi n° 95-101 du 2 février 1995, les travaux qui consistaient à faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent dans le but de réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, et ce afin d'améliorer les conditions de travail, pouvait être engagés librement par le preneur.
Or, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le propriétaire est le seul maître de la configuration du fonds et des considérations écologiques et paysagères qui s'y attachent. Le preneur ne peut donc procéder à la réunion de parcelles qu'avec l'accord du bailleur.
Toutefois, cette autorité du propriétaire est limitée par l'autorité de l'administration qui est susceptible de prononcer la protection, par exemple de boisements linéaires, haies et plantations d'alignement. Dans ce dernier cas, la destruction devra faire l'objet d'une autorisation préfectorale. Le préfet peut également mettre en place un arrêté de biotope et interdire la destruction des talus et des haies.
En absence de règlementation particulière, le preneur doit notifier son projet de travaux par lettre recommandée avec accusé de réception et le bailleur dispose d'un délai de deux mois à partir de la réception du courrier pour s'opposer à la réalisation des travaux prévus. L'absence de réponse écrite du bailleur dans le délai de deux mois, vaut accord. En cas d'opposition du propriétaire, les textes ne prévoient pas la possibilité de demander l'accord au tribunal. Ainsi, le refus des travaux s'impose au preneur.
Les travaux entrepris sans l'accord du bailleur ou au mépris de son opposition sont irréguliers et engagent la responsabilité du preneur. Les préoccupations environnementales de la loi invitent à privilégier une réparation en nature. Le bailleur doit pouvoir exiger la remise en état des lieux plutôt que de simples dommages et intérêts pour dégradations. En revanche, s'il a autorisé le preneur à procéder aux travaux, il ne peut exiger en fin de bail qu'il remette les lieux loués dans leur état primitif. De même, le non-respect du droit du propriétaire, pourrait aboutir dans une résiliation du bail pour agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds.
En conclusion, et en tenant compte du fait que les juges du fond apprécient souverainement si l'arrachage correspond aux travaux définis par l'article L. 411-28, il est dans tous les cas préférable d'avoir un accord écrit du propriétaire pour toute intervention sur les terres louées. 

Le service juridique rural de la FDSEA 26, Nathalie Kotomski