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Collectif

Le Civam 26 fait rimer femmes et ruralité

Zoom sur le Centre d'initiative pour valoriser l'agriculture et le milieu rural (Civam) de la Drôme, à l’origine de collectifs rassemblant des femmes du monde rural.

Le Civam 26 fait rimer femmes et ruralité
Les groupes prévoient de se mobiliser le 8 mars à Valence pour la journée internationale des droits des femmes. ©Dégeanreuses

Si depuis des années le réseau des Civam s’investit dans l’accompagnement des femmes agricultrices et du milieu rural, le centre drômois a pris cette mission à bras-le-corps depuis 2022. L’idée de collectifs féminins est née à la suite de la projection du documentaire Les croquantes, réalisé par Isabelle Mandin et Tesslye Lopez la même année. En effet, les 22 et 23 novembre 2022, le Civam 26 avait accueilli la tournée nationale de projections-rencontres à Chabeuil et Dieulefit en partenariat avec la Fédération des œuvres laïques, Culture ciné, La Confédération paysanne et l’Adear.

Près de 270 personnes avaient assisté à ces soirées. Une quarantaine de femmes avaient ainsi exprimé leur intérêt dans la construction d’un projet collectif avec le Civam. C’est ainsi qu’a vu le jour le premier groupe de femmes autour de Chabeuil en 2023, les « Dégeanreuses ». En 2024, un second collectif s’est formé autour de la plaine de la Valdaine. Une cinquantaine de Drômoises y adhérent.

Accompagner et soutenir

D’âges et de métiers parfois différents, elles partagent deux points en commun : ce sont des femmes qui vivent en milieu rural. Une à plusieurs fois par mois, Gaëlle Suzanne, coordinatrice du Civam Drôme, invite les membres des collectifs drômois à se réunir. Ensemble, les participantes choisissent le thème de leur rencontre. « Ça peut être des temps d’échanges, des réunions, des formations pour monter en compétences, des événements… Le Civam est présent pour les accompagner et travailler ensemble sur les questions d’égalité de genre en milieu rural », explique la coordinatrice de l’association. L’écoute et la bienveillance sont de mises lors des rencontres.

Une à plusieurs fois par mois, le Civam Drôme invite les femmes des collectifs drômois à se réunir. ©Civam26

Le Civam a organisé six sessions de formations à destination des femmes agricultrices fin 2024 : mécanique autour de l’utilisation d’une débroussailleuse ou d’un tracteur ou encore sur la confiance et l’estime de soi. « Encourager et lever les freins à l’entrepreneuriat féminin », tel est l’objectif principal de ces groupes soutenus par l’association drômoise. Des sensibilisations sur la place des femmes dans le monde agricole sont aussi organisées lors d’événements et dans des établissements scolaires. D’ailleurs, les groupes prévoient de se mobiliser le 8 mars à Valence pour la journée internationale des droits des femmes.

« En agriculture, les femmes sont invisibilisées »

Après un parcours d’installation de plusieurs années à Salettes, Clélia Chateau, 31 ans, a repris une ferme en maraîchage et en élevage en 2024. « Ce qui m’a poussé à rejoindre ce groupe, c’est cette impression que l’agriculture est un métier d’homme. Mais c’est faux : il y a beaucoup de femmes cachées et invisibilisées. Je ne suis pas une extraterrestre. Dans la représentation sociale agricole, les garçons sont sur des tracteurs et dans les champs... Je n’avais jamais vu de femme sur un tracteur avant l’an dernier. Ça n’est pas possible de se sentir à l’aise si je n’ai pas d’autres représentations qui me mettent en confort, estime la paysanne. C’est important de prendre conscience que c’est aussi un monde de femmes, de sortir de cette logique du toujours plus et toujours plus fort, cette logique masculine et productiviste. Se retrouver entre femmes, c’est montrer qu’on peut travailler à son rythme et que ça a tout autant de valeur ».

Lucie Cugerone, 34 ans a suivi des études d’ingénieure agronome avant de devenir ouvrière agricole en 2018. Actuellement employée à L’EARL Châtenet, à Beaumont-lès-Valence, elle aspire à s’installer en arboriculture. Elle était présente à la création du premier collectif avec le Civam. « Le film m’a donné envie de parler avec d’autres femmes, d’autres agricultrices de certaines problématiques qu’on peut traverser. L’année 2022 m’a menée vers des questionnements autour de la place des femmes dans les fermes. Au lycée, nous étions autant de filles que de garçons et pourtant ce sont toujours des garçons qui s’installent, rapporte Lucie Cugerone. Le groupe de femmes m’a montré ce qu’étaient la sororité et le vivre-ensemble. C’est une idée d’entraide et de soutien qui emmène une certaine force. C’est une solidarité sans faille. Certaines ramènent beaucoup de bibliographies autour du genre. Ces rencontres sont importantes car plein de choses mènent à l’isolement. Les coordinatrices se sont retroussé les manches pour nous accompagner. Les groupes de femmes, c’est important pour accepter que l’on ait besoin de moments entre-soi, d’un lieu cocon pour se donner de l’énergie et de la force. Mais ça ne veut pas dire qu’on souhaite exclure les autres ».

Morgane Eymin