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Aides

Le Département solidaire des éleveurs drômois

Le conseil départemental a annoncé la mise en place de trois dispositifs exceptionnels pour soutenir les élevage drômois en difficulté.
Le Département solidaire des éleveurs drômois

110 500 euros d'aides exceptionnelles destinés à toutes les filières d'élevage drômoises confrontées à la crise. C'est ce que viennent d'annoncer le président du conseil départemental, Patrick Labaune, et le vice-président en charge de l'agriculture, André Gilles. Ils l'ont fait le 16 juin au Gaec Berne-Berruyer (ferme de Rivoiron) à Saint-Michel-sur-Savasse, en Drôme des collines. Les accompagnaient Emmanuelle Anthoine, vice-présidente, et Aimé Chaléon, conseiller départemental. Ces aides seront mises au vote de la prochaine assemblée départementale, ce 27 juin. Estimant que tous les éleveurs étaient touchés par la baisse des prix à la production, le Département a décidé d'étendre son soutien à l'ensemble de la filière à travers trois types d'aide que voici.

Trois dispositifs

 

Le premier dispositif est une aide complémentaire au plan de soutien à l'élevage, de 1 000 euros par exploitation laitière. Une aide forfaitaire « de secours » (payée en une fois) par famille d'exploitants en difficulté, subissant la crise. Ce dispositif concerne uniquement les 72 agriculteurs qui ont déposé un dossier dans le cadre du plan de soutien à l'élevage en 2015, en ont été éligibles et bénéficiaires. Soit un total d'aide du Département de 72 000 euros.
Le deuxième dispositif est un appui à la performance des élevages et soutien à la rentabilité. Drôme conseil élevage (DCE) réalise les contrôles de performances et le suivi de troupeau (contrôle laitier) auprès de 71 éleveurs bovins du département. Le Département a décidé de prendre en charge 10 % du coût du contrôle de performance et deux unités de conseil technique personnalisé, soit une aide globale de 28 100 euros. Et la chambre d'agriculture proposera une journée de conseil spécifique personnalisé aux 26 éleveurs laitiers drômois n'adhérant pas à DCE qui la solliciteront. Pour ce conseil, le Département prendra en charge 400 euros par éleveur (soit 10 400 euros en tout), la chambre 50. Et l'éleveur participera à hauteur de 50 euros.

« Une rustine »

 

Eric Juven et Jean-Pierre Chancrin ont présenté l'échelle de valeur du litre de lait pour le saint marcellin et le saint félicien. Ils ont fait remarquer que 0,10 euro de plus par litre (0,45 euro lieu de 0,35) payé aux producteurs sauverait la filière et des centaines d'emplois. 

« Nous sommes conscients que ce n'est que la cerise sur le gâteau », a observé André Gilles. Mais « il n'y a pas de gâteau », ont répliqué les agriculteurs présents. Si l'aide est symbolique, Emmanuelle Anthoine la considère aussi comme un moyen d'attirer l'attention de tous les acteurs de la filière et des consommateurs. « C'est une rustine, a reconnu Patrick Labaune. Je ne suis pas le Père Noël mais là pour vous accompagner. » Et de leur demander : « Dites-nous ce que nous pouvons faire de plus ? ».
Les éleveurs veulent « pouvoir vivre de la vente de leurs produits et non faire l'aumône ». L'un d'eux, Jean-Pierre Chancrin, a déploré la suppression des quotas laitiers. Conséquence de cette décision de l'Union européenne : trop d'offre par rapport à la demande, d'où des prix tirés vers le bas. S'ajoute la concurrence d'autres pays. Et, en plus, la France se met toujours des freins, a fait remarquer Thierry Vigne, lui aussi éleveur. D'autres encore se sont exprimés. Philippe Morel a dit craindre l'hécatombe, « le mal est déjà fait ». Thierry Deygas a constaté la difficulté, aujourd'hui, de s'installer seul : « On est peu payé, on supporte tous les risques de la production et le remboursement des emprunts tombe tous les mois ». Et Eric Juven a dénoncé la pression constante exercée par la grande distribution (qui ne compte aujourd'hui plus que trois centrales d'achat) : « Il faut donner un coup de pied dans la fourmilière. »

Harmoniser, partager

Sylvie Demoulin, conseillère au sein de Drôme Conseil Elevage, a remis au président du Département un document sur le coût de production en élevage IGP saint marcellin. D'une marge positive de 56 euros les 1 000 litres en 2014-2015, les éleveurs passeraient à un déficit de marge de 17 euros en 2015-2016, selon la simulation « mais la réalité pourrait être encore pire ».

 

La clé du problème, « c'est la recherche de mesures structurelles, l'harmonisation des charges et le partage de la marge dans la filière, a confié le directeur de la DDT, Philippe Allimant. Sylvie Demoulin, conseillère au sein de Drôme Conseil Elevage, a remis au président du Département un document sur le coût de production en élevage IGP saint marcellin. D'une marge positive de 56 euros les 1 000 litres en 2014-2015, les éleveurs passeraient à un déficit de marge de 17 euros en 2015-2016, selon la simulation « mais la réalité pourrait être encore pire ».
Le président du Département a encore confié : « J'ai entendu vos remarques, compris vos messages. Je suis à votre écoute. Et je suis aussi député... »

Annie Laurie
Lait de vache / Le regard d'Hervé Berne, éleveur à Saint Michel-sur-Savasse, sur la conjoncture de la filière bovins lait.
Hervé Berne : « Le problème, c'est le prix de base »
« En 2015, le manque à gagner de notre atelier lait s'est élevé à 72 000 euros, explique Hervé Berne. Cette année, si le prix ne remonte pas, le trou sera de 90 000 euros. »
Hervé Berne est en Gaec avec ses frères Frédéric, Fabrice et Joël Berruyer. Ils exploitent 155 hectares, élèvent 100 vaches montbéliardes (en stabulation toute l'année sauf les génisses), 25 charolaises sans compter les animaux de renouvellement. S'ajoutent 33 000 poules pondeuses reproductrices. L'élevage laitier est équipé de robots de traite (deux), repousse-fourrage (un) et nettoyeur (un). 850 000 litres de lait (95 %) sont collectés annuellement par la Fromagerie alpine à Romans et 75 000 vendus à une tierce personne (pour la transformation). De la viande de veaux et vaches est vendue en direct (à la ferme et en magasins). Et, pour limiter les charges de mécanisation, le Gaec adhère à quatre cuma.
L'inquiétude est grande
« En lait de vache, 2012 et 2013 ont été difficiles, explique Hervé Berne. 2014 a été une bonne année, même si elle n'a pas permis de récupérer totalement. Mais, depuis dix-huit mois, nous souffrons terriblement. Nous avons perdu 80 euros par tonne de lait sur le prix de base en 2015 et encore 30 en 2016, soit 110 en tout. Depuis le début de cette année, il est de 285 euros à la Fromagerie alpine, qui s'est engagée à ne pas descendre en dessous mais qui tient comme elle peut. Pour les autres, il est de 260 euros. Le problème, c'est le prix de base. En 2015, le manque à gagner de notre atelier lait s'est élevé à 72 000 euros. Nous avons pu le compenser par d'autres activités mais sans pouvoir investir, comme nous l'envisagions, dans une nurserie pour les veaux. L'évolution de l'entreprise est bloquée. Cette année, si le prix ne remonte pas, le trou sera de 90 000 euros et les autres activités ne pourront le boucher. Se posera alors la question de la poursuite de notre atelier laitier. Et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Cela mettrait également en péril d'autres maillons de la filière, comme les fournisseurs, vétérinaires... Aujourd'hui, l'inquiétude est grande, pour le lait mais aussi pour la viande. »
A.L.

 

Réactions / Points de vue de responsables professionnels sur les aides annoncées par le Département pour l'élevage drômois.
Ce qu'ils en pensent
« Aujourd'hui, il faut prendre toutes les mesures mises en place, note Didier Beynet, président de la FDSEA, en remerciant le conseil départemental pour ce geste. Même si ce n'est pas assez pour relever la filière, c'est quand même un plus. Il ne faut pas s'en priver. » Et il conseille aux éleveurs ayant encore la possibilité d'entrer dans le cadre du plan de soutien de l'élevage de constituer un dossier.
Pour Thierry Ageron, élu chambre d'agriculture en charge de la filière des bovins lait, « c'est surtout un soutien moral. Le conseil départemental a pris conscience de la gravité de la situation. L'aide ne permettra pas d'éponger les dettes des éleveurs. Mais le Département n'était pas obligé de la donner. Au nom des producteurs de lait, je les remercie. »
« Le soutien annoncé par le Département ne révolutionnera pas les choses, estime Thierry Deygas, président de Drôme conseil élevage (DCE) et éleveur de chèvres. Mais il pourra aider certains éleveurs à continuer les contrôles de performance et le suivi de leur troupeau, outils de pilotage de leur exploitation. C'est un petit plus. Cela montre aussi une prise de conscience du problème. Il faut vraiment espérer que 2016 soit la dernière année comme ça car tous les éleveurs de vaches laitières qui arrêtent ne seront pas remplacés. » A l'image de la filière caprine, qui « après avoir traversé une crise de 2010 à 2013, va mieux aujourd'hui mais peine à regagner des producteurs. »
Christophe Bellier, vice-président de DCE et producteur de lait de vache, salue le soutien du Département, notamment les actions avec DCE. Pour lui, « ce soutien financier est à prendre, même s'il ne réglera pas le problème de fond ». Et de s'inquiéter : « Que ferons-nous dans six mois, quand les trésoreries des exploitations seront encore plus affaiblies ? La crise va durer. Comment allons-nous tenir ? C'est le marché qui en est la cause. »
Propos recueillis par Annie Laurie

 

Autres soutiens du Département à l'élevage /

- Aide à la modernisation (425 000 euros pour touts les filières en 2015).
- Soutien aux organismes pour les IGP, aux structures de développement de l'agriculture bio, des projets de valorisation à la ferme et en vente directe.
- Soutien de Drôme conseil élevage (DCE) et du groupement de défense sanitaire (GDS).
- Un plan de soutien à l'élevage se met progressivement en place cette année en partenariat avec la fédération départementale ovine et la chambre d'agriculture.