Le désherbage alternatif et ses effets bénéfiques

L'abandon des herbicides et la réduction des usages s'accentuent en maraîchage. Il répond à un objectif global de réduction de l'emploi des pesticides en lien avec le plan Écophyto. Actuellement, il faut composer avec d'autres procédés et techniques plus polyvalents que l'application simple d'herbicides. Si le binage ou le buttage sont des principes bien connus et utilisés dans les exploitations maraîchères, d'autres le sont moins, comme la solarisation ou l'occultation. Dans le cadre d'Innov'Action, le choix a été fait de montrer l'alchimie qui existe entre ces techniques et les résultats qu'elles donnent sur une exploitation agricole. On sait que l'agriculture biologique est motrice sur ces techniques alternatives. Aussi le Gaec Terres de Luisandre (Ain), en maraîchage biologique, ouvrait ses portes à une trentaine de professionnels pour expliquer le bien-fondé de telle ou telle technique, ses conditions de réalisations, ses limites, ses complémentarités. Au bout d'une heure dans des conditions très humides, une présentation a été faite à l'abri pour découvrir astuces et matériels adaptés au
désherbage alternatif, commentés par Joseph Templier de l'Atelier Paysan. Pour finir ce tour d'horizon, une dizaine de matériels était présentée.
La destruction des adventices
Il y a trois grands principes de destruction des adventices : priver la plante de lumière ; sectionner la tige ; provoquer la mort de la cellule par très forte température. Au Gaec Terres de Luisandre, la réussite de la gestion de l'enherbement réside dans l'application de ces trois grands principes déclinés en différentes techniques, qui ont bien l'effet escompté, mais aussi d'autres effets bénéfiques secondaires.
Cultures intermédiaires ou couverts végétaux
Le semis de cultures intermédiaires peut permettre de réduire le stock de semences en stimulant la germination des plantes adventices qui seront ensuite étouffées par ce couvert végétal. Il est mis en place rapidement après la culture précédente, et son implantation est soignée (période favorable, espèce adaptée, irrigation éventuelle, densité suffisante...), afin que son développement soit plus rapide que celui des mauvaises herbes. Son broyage est impératif avant la montée à graines pour éviter des germinations ultérieures indésirables. Il est essentiel de choisir des espèces à croissance rapide (crucifères, sorgho fourrager, sarrasin...) et adaptées au contexte (climat, sol, période). Les légumineuses (vesce, trèfle) sont intéressantes mais doivent être associées à des graminées (seigle, ray-grass italien...) qui germent plus vite et couvrent plus rapidement le sol.
Effets bénéfiques secondaires
Les effets bénéfiques secondaires permettent notamment d'augmenter la fertilité des sols : fourniture d'azote à la culture suivante par fixation de l'azote atmosphérique ou par prélèvement des reliquats dans le sol. Globalement, la production d'une tonne de biomasse aérienne restitue jusqu'à quelques dizaines d'unités d'azote. L'association d'espèces à systèmes racinaires complémentaires (systèmes fasciculés et pivotants) permet de structurer le sol sur plusieurs couches et de l'aérer. La couverture du sol limite l'érosion et la battance des sols. De plus, il y a un maintien de la matière organique du sol, par des couverts à rapport C/N important. Les graminées sont ainsi bien adaptées à cet objectif.
Faux semis
Le faux semis est la base du désherbage en maraîchage biologique. Il permet de réduire le stock de semences de plantes adventices dans les 4 à 5 premiers centimètres avant la mise en culture. Ce « déstockage » impose d'anticiper la mise en place d'une culture, afin de disposer d'une durée suffisante pour sa réalisation. Dans des sols très enherbés, la pratique de 2 ou 3 faux semis successifs est recommandée et peut réduire la levée des adventices de plus de 70 %. Le faux semis consiste à préparer le lit de semences plusieurs semaines avant la mise en place de la culture, à l'arroser pour faire lever les graines de mauvaises herbes et à les détruire avant le semis ou plantation de la culture.
Effets bénéfiques secondaires : le fait d'aérer le sol intensifie la minéralisation. En fonction de la teneur du sol en matière organique, 30 à 40 U de NO3 peuvent être rendues disponibles pour la culture suivante.
Occultation
L'occultation consiste à recouvrir le sol préalablement préparé et humidifié par un film opaque avant la mise en culture. Les graines germent mais les plantules meurent rapidement en l'absence de lumière. Le film choisi est une toile tissée noire ou bien un film plastique noir. Il convient de bien ancrer ce film, notamment en région ventée, pour qu'il reste plaqué au sol durant toute l'opération (4 à 6 semaines suffisent au printemps).
Effets bénéfiques secondaires : améliore le réchauffement du sol, évite que les sols se gorgent d'eau en période hivernale, protège de l'érosion, si la couverture est imperméable, ce qui permet de reprendre les sols plus tôt en semant directement.
Solarisation
C'est un procédé de désinfection thermique. Il consiste à élever la température du sol à l'aide d'un film polyéthylène transparent (épaisseur 30 à 50 µ spécial solarisation) après avoir fait le plein du sol en eau. L'élévation de température jusqu'à 40 à 50 °C à 10 cm de profondeur détruit les graines dans la couche superficielle du sol. L'ensoleillement doit être soutenu durant au moins 1 mois sous abris et 1,5 mois en plein champ, ce qui impose de réaliser la solarisation entre mai et juillet. Cette technique est efficace sur des espèces souvent préoccupantes : amarante, capselle, chénopode, morelle, mouron... En cas de conditions trop fraîches, elle peut être complétée par une occultation, en posant le film opaque par-dessus la solarisation.
Effets bénéfiques secondaires : détruit la plupart des champignons pathogènes présents. Des effets réducteurs sont également observés sur certains ravageurs du sol et nématodes.
Paillage
Les films plastiques en polyéthylène (PE) et bâches tissées sont les principaux paillages utilisés pour limiter les adventices. La pose est manuelle ou mécanisée. Une large gamme est proposée avec différentes épaisseurs et largeurs, avec possibilité de microperforations (perméabilité à l'irrigation) et macroperforations pour les trous de plantation. Les couleurs utilisées sont le noir et l'opaque thermique (vert ou marron). Les films biodégradables sont utilisés en maraîchage depuis plus de dix ans. Ils sont surtout élaborés à base de deux matières premières : amidon de maïs et co-polyester d'origine pétrolière. Ils peuvent être enfouis dans le sol ou compostés après usage. Les mulchs végétaux sont des matériaux bruts (paille, écorce de pin, broyat de branches de type BRF), apportés en couche épaisse pour garantir une action suffisante contre les plantes adventices. Ils peuvent induire un refroidissement des sols, des « faims d'azote » lors de leur décomposition et favoriser la présence des gastéropodes et des rongeurs.
Effets bénéfiques secondaires : ils permettent de réduire l'évaporation et de réchauffer le sol (paillage plastique). Ils protègent les sols de l'érosion et de la battance.
Le désherbage mécanique
Il permet la suppression des plantes adventices par trois actions : sectionnement des racines, arrachage des plantules, étouffement par buttage. Très efficace lorsqu'il est bien maîtrisé, il impose un choix judicieux du matériel et une bonne gestion des conditions d'humidité et de structure du sol, et surtout du stade des plantes adventices et de la culture. Les lignes de culture doivent être bien rectilignes et parallèles avec un écartement des rangs adapté au matériel utilisé.
Effets bénéfiques secondaires : il permet de réduire l'évaporation en cassant les capillaires en surface. Il aère le sol, créant des conditions favorables au développement des micro-organismes et de ce fait à la minéralisation.
Jean-Daniel Ferrier - Chambre d'agriculture de l'Ain et Rémi Colomb – AdaBio (Pôle conversion bio de Rhône-Alpes).