" Le discours politique n'est pas à la hauteur des enjeux agricoles "
Le syndicalisme agricole majoritaire se mobilise massivement à partir de cette semaine. Quelles sont les problématiques auxquelles est confrontée l'agriculture ?
Michel Joux : « Il y a en a trois. D'abord, un manque de rentabilité suffisante, et ce depuis de nombreuses années. La rémunération des agriculteurs n'est pas à la hauteur de l'investissement et des enjeux. Ensuite, un manque de reconnaissance de la part de nos concitoyens, mais aussi des pouvoirs publics, pour tous les efforts faits par l'agriculture. Les Français aiment leurs agriculteurs, et en même temps dénigrent ce qu'ils font. La défiance est permanente, sur les traitements, le bien-être animal... Enfin, une situation climatique compliquée, qui ne fait qu'aggraver les deux premiers problèmes. »
Que reprochez-vous au discours politique ?
M. J. : « Pour nous, le gouvernement ne travaille pas pour l'agriculture. Nous avons une agriculture qui est forte. Pour autant, on nous parle de montée en gamme : cela signifie-t-il que nous ne faisons pas de bons produits ? On nous demande de nous passer des produits phytosanitaires : cela veut-il dire que nous en utilisons trop ? Tous les jours, on nous martèle que nous ne sommes pas bons, c'est devenu insupportable ! »
Qu'attendez-vous de la mobilisation de cet automne ?
M. J. : « Nous voulons créer un rapport de force pour obtenir des mesures concrètes pour davantage de rentabilité directe pour nos exploitations, une meilleure prise en compte et une reconnaissance pour ce que nous faisons de bien. Nous voulons aussi avancer sur tous les sujets importants pour l'agriculture : le budget européen ; les retenues d'eau face aux aléas climatiques ; la lutte contre la prédation... Sur les États généraux de l'alimentation, l'encadrement législatif n'est pas à la hauteur des enjeux. Sur les accords internationaux, avec le Ceta et le Mercosur, la position de la France est incohérente. Nous avons besoin de solutions et de réponses claires si nous voulons pouvoir relever les défis auxquels l'agriculture peut répondre. Car, aujourd'hui, l'agriculture est une solution pour notre économie, notre société et notre environnement. Et nous voulons que la parole politique, notamment celle de notre président [de la République], nous rappelle plus souvent que nous avons la plus belle agriculture du monde. »
Que prévoyez-vous dans les prochaines semaines ?
M. J. : « Plusieurs départements ont déjà bougé en septembre. Après l'appel à des blocages le 8 octobre, nous voulons faire monter la pression avec d'autres actions en octobre, si nécessaires plus musclées. Une mobilisation d'ampleur nationale est prévue le 22 octobre. Tout dépendra des retours du gouvernement sur les demandes de la profession. »
Propos recueillis par Sébastien Duperay
Ailleurs / La mobilisation monte en puissance
AinEnviron 120 militants ont répondu ce mardi à l’appel de la FDSEA et de Jeunes agriculteurs de l’Ain. Ils ont organisé des barrages filtrants sur quatre grands carrefours giratoires du département avec comme slogan : « N’importons pas la nourriture dont nous ne voulons pas ! »
Allier
Mardi après-midi, une trentaine d’agriculteurs a investi le rond-point de Montmarault, à la sortie de la RCEA (Route centre Europe Atlantique) et du péage de l’A71. L’objectif : interpeller les Français sur les attaques subies par l’agriculture dans les médias nationaux et dans la société en général, ainsi que sur les décisions du gouvernement qui vont à l’encontre de la profession. L’opération s’est déroulée dans le calme jusqu’en fin d’après-midi.
Ardèche
Des agriculteurs de la FDSEA et des JA 07 ont organisé une visite d’exploitation en présence du préfet Françoise Souliman. Ils se sont rendus à Saint-Laurent-sous-Coiron, au Gaec allaitant de Luche. Les sujets évoqués : sécheresse et grêle en Ardèche, ainsi que les préoccupations nationales (Ceta, Agribashing, ZNT…).
Cantal
Une opération escargot a été organisée à Aurillac, qui était toujours en cours mardi en fin d’après-midi. 120 agriculteurs participaient à la mobilisation. Une première action s’était déroulée le 5 octobre, dans l’arrondissement de Saint-Flour.
Isère
Une trentaine d’agriculteurs issus des rangs FDSEA et JA 38 a bloqué le rond-point à la sortie de l’autoroute A43, à la Tour-du-Pin. Ils ont distribué des tracts aux automobilistes portant le message « France, veux-tu encore de tes paysans ? » Ils ont été reçus en fin de matinée par la sous-préfète de l’arrondissement, Caroline Gadou, avec laquelle ils ont notamment échangé sur le Ceta et les ZNT.
Loire
Près de 150 agriculteurs étaient mobilisés en trois points : Saint-Étienne, Feurs et Roanne. Ils ont distribué, aux abords des ronds-points, des tracts aux usagers de la route : « N’importons pas l’alimentation que nous ne voulons pas » ; « France, veux-tu encore de tes paysans ? » « Non au Ceta, non au Mercosur, non aux importations distorsives ! »
Haute-Loire
Près de 80 agriculteurs se sont rassemblés en milieu de matinée sur l’A75. Certains sont venus en tracteurs. Un barrage filtrant a été mis en place au niveau de la sortie Espalem-Blesles (22), à proximité de Brioude. Les manifestants ont également contrôlé la marchandise des camions circulant sur cet axe. L’action a été levée autour de 15 h.
Puy-de-Dôme
À l’appel de la FNSEA 63 et de JA 63, près de 200 agriculteurs se sont retrouvés sur les quatre sites de blocages du département : Beaumont, Thiers, Issoire et Riom. 60 tracteurs ont été positionnés sur des axes routiers stratégiques.
Rhône
À Belleville, aux Ponts Tarrets et à Brignais, 150 agriculteurs rhodaniens ont répondu présent à l’appel à mobilisation de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs. Tous ont poussé un cri de détresse : « France, veux-tu encore de tes paysans ? »
Savoie
Les syndicats FDSEA des Savoie et JA 73 ont reçu les journalistes sur une exploitation pour présenter les revendications professionnelles, dont la prédation du loup. Mais la discussion a surtout porté sur le projet de charte de bon voisinage, le soutien nécessaire aux agriculteurs et le bien-vivre ensemble.
S. D.
