Le docteur Christian Beaume, un irremplaçable médecin de campagne

Issu d'une vieille famille d'agriculteurs des Hautes Baronnies et né à Dignes voilà 64 ans, Christian Beaume a fait ses études à Nice où il a commencé à exercer. Alors jeune médecin, il s'installe à Séderon (Drôme) en février 1983 pour se rapprocher de ses origines familiales. Trente-deux ans plus tard, le docteur Beaume est toujours le toubib de Séderon. Il y est le seul médecin d'un bassin versant qui compte une douzaine de communes et près de 1 500 habitants répartis sur un territoire s'étendant sur trois vallées. Un rôle d'autant plus important que le cabinet du médecin de Séderon est également une « pro-pharmacie »*, que ses déplacements et visites aux malades constituent quelque 30 % de ses activités. Et, depuis son installation à Séderon, il est également pompier volontaire médecin avec aujourd'hui le grade de commandant. Lorsque l'on saura que le docteur Beaume fut aussi maire de ce chef-lieu de canton pendant dix-neuf ans (de 1989 à 2008), on ne s'étonnera pas de constater qu'il n'a pas pris plus de trois jours de vacances d'affilée en 32 ans !
Un poste à plein temps
« Etre médecin à Séderon est vraiment un poste à plein temps qui nécessite d'être disponible 24 heures sur 24 et 365 jours par an, explique le docteur Beaume. La clientèle résidente toute l'année y est plutôt âgée et vieillissante. Elle conduit de moins en moins et ne dispose pas de moyens de transport efficaces. De Pâques à la Toussaint, constate-t-il, la population augmente sensiblement avec deux mois de rush l'été. Mais elle reste géographiquement très éparpillée sur un territoire de moyenne montagne, ce qui m'amène à parcourir plus de 30 000 km par an et par tous les temps. » Le docteur Beaume effectue en moyenne une quinzaine d'actes par jour et jusqu'à vingt-cinq les jours les plus chargés. Grâce notamment à la « pro-pharmacie », la rémunération du cabinet est tout à fait honorable. Le chiffre d'affaires annuel pour la seule médecine tourne autour de 134 00 euros et, avec la pharmacie, le cabinet a dépassé les 330 000 euros en 2014... Alors, s'il y a du sacerdoce à être médecin de campagne à Séderon, le poste est tout de même rémunérateur. Il est aussi très gratifiant dans ses rapports avec la population. Celle-ci apprécie grandement sa présence et ne manque pas de lui manifester son attachement. « Au bout de 32 ans d'exercice de la médecine en milieu rural, tous mes clients sont des amis, presque de ma famille. Je sais tout d'eux, confie-t-il. Alors, même si j'ai maintenant envie de prendre ma retraite, je ne peux pas les laisser comme cela, sans assurer ma succession. »
Une succession problématique
« Pour l'heure la chose n'est pas encore d'actualité, annonce Christian Beaume. J'avais d'abord prévu de prendre ma retraite en septembre prochain. Mais la population souhaite que je reste et je suis encore suffisamment en forme pour prolonger au moins jusqu'en juin 2016 ou même un peu au-delà. » Mais à Séderon on s'inquiète déjà. En ces temps de désertification médicale des zones rurales isolées, on se doute que trouver un successeur au docteur Beaume ne sera pas chose aisée. Une maison médicale a beau avoir été ouverte à Séderon en octobre 2013 (qu'il partage avec deux infirmières et deux kinésistes), d'autres difficultés administratives persistent. Il s'agit notamment du classement par l'Agence régionale de santé Rhône-Alpes du canton de Séderon en « zone fragile », ou encore du rétablissement des permanences de soins ambulatoires (PDSA supprimées en 2014). Deux mesures incitatives à l'établissement d'un nouveau médecin qui sont prévues mais pas encore actées. Or, Christian Beaume est catégorique : « Il est absolument fondamental qu'il y ait un médecin permanent à Séderon. Le poste ne pourra pas être assuré par des médecins vacataires, qui viendraient donner des consultations quelques demi-journées par semaine. Cela signifierait la mort de ce centre névralgique au cœur de trois vallées. »
Alain Bosmans
* Docteur en médecine qui, dans les agglomérations dépourvues de pharmacien, est autorisé à posséder un dépôt de médicaments et à les délivrer à ses malades.