Le génome de la truite arc-en-ciel séquencé

Très répandue dans les piscicultures françaises et sur les étals des poissonniers, la truite arc-en-ciel représente 92 % de la production de truite française et une grande part de la production piscicole nationale. Introduite en Europe pour l'aquaculture, elle est une des espèces aquacoles les plus étudiées au monde. Autre particularité, c'est le premier salmonidé dont le génome complet a été séquencé. En clair, son code génétique a été décodé dans son intégralité. Cette découverte ouvre des perspectives importantes pour l'aquaculture. « Depuis toujours, les éleveurs essaient d'améliorer les performances de leur cheptel en sélectionnant les meilleurs animaux, explique Jean-Christophe Cormorèche, directeur de l'association pour le développement de l'aquaculture en Rhône-Alpes (Adapra). Aujourd'hui, les pisciculteurs souhaitent, par exemple, optimiser le rendement du filetage de la truite. Il est bon de noter que près de la moitié de chaque truite n'est pas consommée. Les déchets sont valorisés en aliments pour chiens et chats (pet food). Un meilleur rendement signifierait pour les producteurs une meilleure rentabilité. Ainsi, comme pour tout élevage, la génétique permettra de sélectionner des poissons par exemple pour leur conformation, leur taux de reproduction, leur résistance à certaines pathologies... Il s'agira à terme d'un véritable outil au service de la profession. Par ailleurs, ajoute-t-il, la sélection génétique permettra de comprendre ce qui est maîtrisable ou non ». Pour Yann Guiguen, directeur de recherche à l'Inra à Rennes, qui a coordonné le
séquençage du génome : « Les avancées technologiques au service de l'aquaculture sont souvent le résultat d'innovations scientifiques. Le séquençage du génome de la truite est à ce titre une avancée importante. Il permettra, de façon générale, de donner un coup d'accélérateur pour les recherches en aquaculture car la séquence de ce génome est une ressource centrale pour toutes nos études. »
Une ressource pour l'évolution des génomes
Par ailleurs, ce résultat publié le 22 avril dans Nature communications, propose un nouveau scénario d'évolution des génomes de vertébrés.
« Les duplications complètes ou le doublement soudain du contenu en chromosomes des vertébrés sont des événements rares qui ont profondément façonné le contenu et la structure des génomes, y compris celui de l'Homme. Mais les mécanismes d'évolution d'un génome suite à un tel événement restent mal connus chez les animaux, en particulier les étapes qui se déroulent au cours des quelques dizaines de millions d'années qui suivent la duplication », explique-t-on à l'Inra. La truite arc-en-ciel est de ce point de vue une espèce particulièrement intéressante. Son génome s'est, en effet, entièrement dupliqué il y a seulement 100 millions d'années. « La majeure partie des poissons osseux a connu un événement de duplication complète de leur génome qui est beaucoup plus ancien, il y a 300 millions d'années », remarque Yann Guiguen.
Cette étude a surtout prouvé que l'évolution d'un génome de vertébré après duplication complète est un phénomène lent et progressif contrairement à ce que pensaient les scientifiques jusqu'à présent. En effet, l'hypothèse communément admise stipulait que l'évolution d'un génome suite à une duplication complète implique une évolution rapide de sa structure et de son contenu en gènes. En dépit des 100 millions d'années qui se sont écoulées, les deux copies issues de la duplication complète du génome de la truite arc-en-ciel sont, en effet, étonnamment restées très semblables. Le contenu en gènes est lui-même resté très conservé, avec notamment de nombreux cas montrant que les deux copies du gène ancestral sont encore présentes et fonctionnelles.
Marie-Cécile Chevrier
Plus information : L'article complet sur la découverte : The rainbow trout genome provides novel insights into evolution after whole-genome duplication in vertebrates, Nature Communications, sur dx.doi.org/10.1038/ncomms4657
En savoir plus
Genesalm : une cartographie des populations sauvages de truites françaises (fario) a été présentée en octobre 2009. Ce programme Genesalm a mis pour la première fois en évidence huit souches différentes composant la lignée méditerranéenne et deux pour la lignée atlantique. Objectif : restaurer les populations de truites en voie de disparition et de rempoissonner les rivières pour la pêche de loisir dans le respect total de l’environnement. En effet, connaître avec précision la répartition des différentes souches de truite dans l’Hexagone, permet de mieux les protéger, mieux les gérer et surtout éviter les pollutions génétiques. Les pisciculteurs, quant à eux, adapteront les souches d’élevage en fonction des régions. Le programme Genesalm établit également un état des lieux des individus par région et par souche.
Définition : La duplication complète de génome correspond à un doublement soudain du contenu en chromosomes. Elle peut servir de moteur à l’évolution car certains gènes se perdent tandis que d’autres peuvent évoluer vers de nouvelles fonctions.
État des lieux : Rhône-Alpes en manque de poissons d’élevage
Rhône-Alpes est la quatrième région piscicole en termes de production derrière l’Aquitaine, la Bretagne et la Haute-Normandie. Chaque année, 3 161 tonnes* de salmonidés, dont 2 944 tonnes de truites arc-en-ciel, sont produites en Rhône-Alpes. « Avec les nombreux lacs, étangs ou encore rivières, il existe une véritable tradition du poisson. Nous sommes la quatrième région piscicole française en termes de production derrière l’Aquitaine, la Bretagne et la Haute Normandie », explique Jean-Christophe Cormorèche, directeur de l’association pour le développement de l’aquaculture en Rhône-Alpes (Adapra). Trois entreprises produisent près de 75 % de la production régionale. « Font Rome qui possède trois sites de production en Ardèche et dans la Drôme, la pisciculture Murgat qui exploite un site en Isère et la pisciculture Petit dont les sites de production sont dans l’Ain, en Savoie, dans l’Isère et dans le Jura. Ces sociétés sont principalement orientées vers les marchés de consommation, les grandes surfaces. Il existe ensuite une multitude de petites entreprises qui s’adressent à un marché plus local. » Les étangs piscicoles en Rhône-Alpes occupent un peu plus de 13 000 ha en eau (1 600 ha en Forez, 11 600 ha en Dombes). Ce sont près de 1 000 tonnes de poissons d’étangs qui peuvent être produites dans la région avec un fort pourcentage représenté par la carpe (600 tonnes). Toutefois, aujourd’hui partout en France, la production n’arrive plus à faire face à la demande. « La production a diminué en Rhône-Alpes pour arriver à une stagnation ces dernières années. Beaucoup de piscicultures ont disparu faute de repreneur. Une réglementation très complexe, le manque de références du fait de la petite taille de la filière où seulement 365 entreprises interviennent au niveau national, peuvent parfois faire peur aux jeunes qui souhaitent s’installer et surtout aux banques qui devraient les accompagner. Pourtant, aujourd’hui, la demande notamment en produits locaux existent et nous n’arrivons pas à y faire face », analyse le directeur de l’Adapra. La recherche pourrait être source de solution. « Aujourd’hui, en améliorant les performances des élevages, il est possible de produire autant de poissons avec moins de nourriture et avec un niveau de rejet dans le milieu naturel identique. Il serait donc possible d’augmenter les quotas de production qui sont calculés en fonction de l’incidence sur le milieu récepteur. Un facteur qui pourrait aider au renouvellement des générations en pisciculture. »M. – C. C.* Source : recensements de la salmoniculture 2007