Le goût du défi de Juan Carlos Asencio
Installé officiellement depuis 2016 en arboriculture à Bourg-lès-Valence, Juan Carlos Asencio est parti de zéro. Aujourd’hui, malgré les contraintes, il assure une production sur quinze hectares.

Devenir arboriculteur, Juan Carlos Asencio n’y songeait pas lorsqu’il était encore étudiant au lycée du Valentin près de trente ans en arrière. Lui s’imaginait plutôt dans la vente, acheteur en fruits et légumes. Aujourd’hui, la production de fruits représente son cœur de métier. L’arboriculteur, installé depuis 2016 à Bourg-lès-Valence, produit de la marchandise sur quinze hectares. Pêches, abricots, pommes, prunes… Il s’est diversifié au fil des années pour mener à bien son activité.
Parti de zéro
Très vite, le Bourcain a compris qu’il n’entrerait pas dans le cercle très fermé des acheteurs. Il a finalement rejoint l’Inrae en tant que technicien agricole. En 2007, sa femme Annie s’installe à Saint-Marcel-lès-Valence et lui devient conjoint collaborateur. « Nous avons démarré de zéro avec un verger de trois hectares d’abricotiers, se rappelle l’arboriculteur. Il était dans un état sanitaire pitoyable, infecté de bactériose et de sharka ». En 2010, Juan Carlos et Annie Asencio deviennent propriétaires de trois hectares. Une année plus tard, ils s’installent à Bourg-lès-Valence et font face à la problématique du conditionnement : « Le nerf de la guerre », estime l’agriculteur. La construction d’un bâtiment s’impose en 2013. « Une vraie galère » aux airs des « douze travaux d’Astérix », ironise-t-il. Fils d’ouvrier agricole, Juan Carlos Asencio a pu compter sur le réseau de son père. « C’est une chance car comme j’ai grandi avec lui, j’avais aidé les uns et les autres pour les récoltes et les travaux agricoles », rapporte-t-il.
Ses voisins l’ont aidé à assurer les premiers traitements sur les vergers. Une installation difficile qui a contraint le couple à se faire héberger par des amis durant plusieurs mois. Un réseau d’entraide qui a « facilité l’installation », selon lui. Déjà à l’époque, l’accès au foncier n’était pas une mince affaire. « Les gens sont attachés sentimentalement à leur terre. Ils préfèrent la louer, estime Juan Carlos Asencio. À Bourg-lès-Valence, territoire rural, beaucoup pensent que des immeubles vont se construire ». La complexité pour démarrer : « Démontrer que nous pouvions le faire. J’ai dû faire mes preuves alors que beaucoup ont tenté de nous dissuader ». La dotation d’installation ? « Avec 12 000 euros, vous n’allez pas loin. En plus, nous ne pouvons pas cumuler la dotation et un emploi. Pour moi, elle a été utile car j’ai repris l’exploitation de ma conjointe déjà installée », déclare le père de famille.
Aller jusqu’au bout
Pour bâtir son entreprise, Juan Carlos Asencio a explosé le compteur avec un travail de 3 500 heures par an et de dix jours de vacances dans l’année. « Avec la tête dans le guidon, nous avons réussi. Mais je n’ai pas vu grandir mes enfants. Et aujourd’hui, l’un d’entre eux fête ses vingt ans, regrette l’arboriculteur. C’est la famille qui paie les conséquences ». L’installation n’a pas été la seule contrainte. Les aléas climatiques ont contribué à faire du métier de Juan Carlos Asencio un combat du quotidien. « Nous sommes toujours dans le défi et j’irai jusqu’au bout », affirme le Bourcain de 46 ans. L’arboriculteur mène une lutte permanente pour s’adapter au climat changeant. « Chaque semaine avant les récoltes il y a un risque de grêle. Nous sommes en vigilance toute l’année. Avant, les périodes de gel démarraient en novembre alors qu'aujourd’hui, c’est de plus en plus tardif et violent », s’inquiète l’agriculteur. S’équiper ? « Les coûts d’achat de canons, filets ou tours anti-gel se répercuteraient sur le prix des produits, avance-t-il. À la place, j’achète des cierges pour prier à la messe ».
Aujourd’hui, sur quinze hectares, dont deux tiers en location, il produit 80 % de fruits. ©ME-AD26
Impossible d’investir davantage pour l’agriculteur, il doit encore rembourser des crédits sur ses dernières acquisitions de terres et de matériels. Pour s’en sortir, il s’est diversifié. « Nous sommes passés de l’abricot à la pêche. Toujours à contre-pied. En 2010, les gens nous traitaient de fous lorsque nous nous sommes lancés dans la pêche. C’était l’époque de la prime à l’arrachage », raconte Juan Carlos Asencio. Pour lui, la veille sanitaire fait partie de ce métier qui lui apporte de « l’autonomie et de la liberté ». Aujourd’hui, sur quinze hectares, dont deux tiers en location, il produit 80 % de fruits. Le gros de son activité reste en été avec près de 80 tonnes de pêches, abricots et nectarines qu’il vend à des grossistes ou aux GMS. Durant cette période, il a recours aux travailleurs saisonniers, une main-d’œuvre de plus en plus difficile à trouver car « la récolte se fait de plus en plus tôt ». Depuis 2019, l’agriculteur cultive aussi des légumes de saison qu’il vend en direct. L’exploitation, qui fonctionne sans herbicide et glyphosate, est labellisée Haute valeur environnementale.
Morgane Eymin
La vente directe à la ferme
L'arboriculteur organise un marché de Noël vendredi 13 décembre sur son exploitation. ©JCA
Juan Carlos Asencio organise des marchés sur son exploitation depuis 2016. Le point de vente sur la ferme est ouvert toute l’année, les vendredis et samedis. « Il y a une demande, les gens veulent du local », rapporte ce dernier. D’avril à décembre, chaque deuxième vendredi du mois, il accueille une douzaine de producteurs et d’artisans en fin de journée. Des rendez-vous, parfois ponctués d’animations musicales, qui peuvent rassembler jusqu’à 700 visiteurs. Le 13 décembre, l’arboriculteur organise un marché de Noël. L’occasion pour Juan Carlos Asencio de se « diversifier et de créer du lien social ». En parallèle, il est aussi présent sur la marché de la place Saint-Jean à Valence, les mardis soir. Enfin, depuis 2020, le producteur fait partie du réseau Bienvenue à la ferme et depuis 2023 au réseau de Ferme en ferme.