« Le loup nous détruit »

Ils ont l'âge où le loup est réapparu dans les montagnes françaises en commençant à faire ses premières victimes dans les troupeaux... Ils, ce sont les étudiants en deuxième année de master de l'environnement à l'université de Saint-Etienne. Fin de semaine dernière, ils étaient dans la Drôme pour analyser les conséquences du retour du prédateur. Après avoir rencontré des représentants de la Frapna(1), ils se sont rendus au siège de la fédération des chasseurs de la Drôme (FDC), à Crest, le 3 octobre. Ce rendez-vous leur a permis de connaître les actions de l'État sur le loup, d'écouter les témoignages d'éleveurs et d'avoir le point de vue des chasseurs. « En moyenne montagne, le loup est un problème économique, social et environnemental majeur, a dit le président de la FDC, Alain Hurtevent, en accueillant les étudiants. Il faut éviter les clichés qui opposent le "gentil loup" au "méchant berger qui gagne de l'argent avec les indemnités". »
« Aucun extrémisme à réguler »
Dans son exposé, Benoît Picart, chef de la brigade sud à l'ONCFS(2), a mis l'accent sur le statut juridique du loup (espèce protégée) et les moyens très encadrés d'une possible lutte ou destruction (voir encadré). La Drôme fait partie des vingt départements français où il est possible d'en abattre. Un quota national de 36 loups a été fixé. Début octobre, aucun animal n'avait été tué dans la Drôme. Et ce malgré une autorisation de tir de prélèvement donnée fin juillet-début août à Lus-la-Croix-Haute. L'obtention d'un tir de prélèvement renforcé pourrait changer la donne.
Alain Hurtevent a pointé les conditions drastiques qui font des autorisations de prélèvement de « véritables usines à gaz ». « Il faut des arrêtés plus simples à mettre en œuvre sinon, quel que soit le quota de loups fixé, le résultat sera toujours nul », a-t-il indiqué aux étudiants. Et, afin d'éviter les recours systématique devant les tribunaux, il suggère de passer par la voie législative. « Il n' y a aucun extrémisme à vouloir réguler une population animale, a-t-il fait remarquer. Un berger qui s'en va d'une montagne, c'est un biotope qui se ferme et une biodiversité qui recule. »
« Une vie bouleversée »
« Pastoralisme et loup, ce n'est pas compatible », a dit aux étudiants François Monge, co-président de la FDO(3) de la Drôme et éleveur dans le Diois. Après vingt années de présence du loup, il considère que les éleveurs se sont faits bernés sur ce dossier. « On a accepté les mesures de protection, ce qui a entraîné la modification totale de nos pratiques pastorales, a-t-il indiqué, très amer. Cela a créé des contraintes pour les bergers et les éleveurs. Mais les attaques, elles, n'ont fait qu'augmenter. » Il a parlé des difficultés à installer de nouveaux éleveurs, des pressions psychologiques. « Tous les jours, on est en provocation avec le loup, a-t-il dit. On ne peut plus accepter la destruction de nos animaux qui sont notre outil de travail. »
Eleveuse et bergère dans le Haut-Diois depuis plus de trente ans, Micheline Falcon a également exprimé la détresse engendrée par le loup. « Après la première attaque de mon troupeau en 2006, j'ai voulu tout arrêter... Et puis, on rentre dans la lutte mais c'est difficile », a-t-elle confié. Elle a évoqué « une vie bouleversée », « des situations invivables » ou encore « la destruction d'un modèle d'élevage ». « On est impuissant, sans solution, c'est une atteinte à notre outil de travail, à notre vie, a-t-elle ajouté. Je n'arrive pas à comprendre les pro-loups car cet animal nous détruit. » Elle aussi a pointé le risque de désertion des territoires pastoraux. « Les défenseurs du loup nous incitent au final à faire nos valises et à pratiquer l'élevage hors-sol », s'est-elle désolée.
Micheline Falcon et François Monge ont également mis l'accent sur les difficultés à se faire comprendre du reste de la société. « Il y a un clivage car ce sont seulement les éleveurs qui supportent les conséquences de la prédation », a estimé l'éleveuse.
L'après-midi, les étudiants sont allés chez Alain Baudouin, éleveur à Combovin. Après plusieurs attaques, des chiens Bergers d'Anatolie l'aident désormais à protéger son troupeau.
Christophe Ledoux
(1) Frapna : fédération Rhône-Alpes de protection de la nature.
(2) ONCFS : office national de la chasse et de la faune sauvage.
(3) FDO : fédération départementale ovine.
Loup /
Les dispositifs d'intervention
Le loup est une espèce protégée. Mais il existe des dérogations au statut de protection de cette espèce lorsque la pression de prédation sur les troupeaux devient trop forte. La réglementation prévoit différents degrés d'intervention :- l'effarouchement ;
- le tir de défense ;
- le tir de défense renforcé ;
- le tir de prélèvement ;
- le tir de prélèvement renforcé.