Le lycée horticole d'Ecully s'équipe d'un micro-méthanisateur urbain

Des biodéchets valorisés près de chez soi. C'est le défi que s'est lancé l'Irstea1, institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture. Avec ses quatorze partenaires, elle vient de lancer le premier site de démonstration de micro-méthanisation au lycée horticole d'Ecully (Rhône), trois ans après le lancement du projet européen Decisive. Financé à hauteur de 7,7 millions d'euros, celui-ci a été retenu lors de l'appel à projet du programme européen H2020. Son objectif ? Faire émerger des solutions innovantes de gestion des déchets urbains.
Au plus près du déchet
« Aujourd'hui, ils sont collectés puis exportés assez loin de leur lieu de production pour être traités et valorisés. Avec Decisive, nous envisageons une valorisation au plus près des producteurs de déchets », explique Anne Trémier, ingénieure de recherche à l'Irstea et coordinatrice du projet. Grâce à de précédents travaux menés sur le traitement de proximité des déchets ménagers comme le compostage, l'institut de recherche a constaté que, lorsque les individus connaissent le devenir de leurs déchets et la façon dont ils sont valorisés, ils en produisent moins. L'idée de mettre en œuvre une gestion des déchets fondée sur une boucle vertueuse a émergé. « Je m'alimente, je produis des déchets, je les collecte et je les valorise sous forme de ressources immédiatement utilisables. C'est ce qu'on appelle une valorisation de proximité à large échelle, qui s'inscrit dans un processus d'économie circulaire avec, à la clé, une réduction de la production des déchets, une meilleure implication des citoyens, des économies d'énergie et de transports et un développement plus durable des territoires urbains. », résume-t-elle.
La boucle est bouclée
Alors, comment ce micro-méthaniseur fonctionne-t-il ? L'Irstea a développé une machine robuste qui comprend un système de chauffage pour maintenir les biodéchets à une température idéale entre 30° et 50°C. Un moteur Stirling permet, une fois la consommation du site atteinte, d'en stocker le surplus sur des batteries. Les pompes, l'éclairage et la ventilation d'une ferme hydroponique, à quelques mètres de l'installation, sont automatiquement alimentés en énergie. « Quelque 1 000 watts issus du micro-méthanisateur sont récupérés et acheminés vers le système électrique de la serre », indique Bérengère Duval, responsable R&D au sein de la société Refarmers, qui développe des solutions pour l'agriculture urbaine et verticale en hydroponie et aquaponie. Atout supplémentaire : le micro-méthaniseur permet de produire, d'une part, du biogaz directement valorisable sous forme d'énergie et, d'autre part, un digestat (résidu organique issu de la méthanisation), à partir duquel une matière à forte valeur ajoutée est produite : un biopesticide, actuellement testé sur la production légumière de la ferme hydroponique du lycée horticole d'Ecully. « Ici, nous cultivons une cinquantaine d'espèces dont plusieurs variétés de laitue, de tomate, de moutarde... Nous avons testé et comparé plusieurs biostimulants produits industriellement avec le digestat du méthaniseur. Nos laitues étaient belles mais moins saines que celles obtenues avec du thé de compost ou de la mélasse issus de l'industrie. En revanche, nous avons obtenu récemment sur certaines variétés des résultats aussi bons qu'une solution minérale produite industriellement », se réjouit-elle.
Le micro-méthaniseur installé à Ecully bénéficie d'une capacité de 50 t, soit un volume de 3 à 5 m3. Après le broyage, les biodéchets sont passés dans un hygiéniseur à 70°C pendant une heure pour enlever les bactéries pathogènes. Ils passeront ensuite cinq jours dans le digesteur avant d'être utilisés comme biogaz ou digestat.
Une expérience à dupliquer
« Pour le moment nous récupérons les biodéchets végétaux de la cantine scolaire, de deux restaurants gastronomiques lyonnais et d'un complexe hôtelier voisin. D'ici quelques temps, nous recyclerons aussi les restes des produits d'origine animale », explique Alexis Zerbib, en charge du micro-méthaniseur. « C'est important de savoir quel est le potentiel de méthanisation des déchets qui arrivent dans le digesteur. À ce jour, nous n'avons presque aucun produit indésirable », poursuit-il. Et Anne Trémier d'ajouter : « Notre objectif est de créer des installations qui pourront traiter au maximum 200 t de biodéchets par an, soit la quantité produite par un quartier de 800 à 1000 ménages ». A titre d'exemple, les petites installations de méthanisation agricole existantes traitent 1 000 à 2 000 t de déchets organiques par an. C'est là que réside le défi technologique de Decisive : réaliser une méthanisation adaptée à cette échelle, qui soit peu consommatrice d'énergie pour que son bilan énergétique reste positif, mais qui soit aussi simple d'utilisation, compacte, et néanmoins robuste pour répondre aux enjeux de proximité. Le défi est aussi celui du changement de regard porté sur les déchets que l'on jette. Avec la micro-méthanisation, ils ne parcourent plus des kilomètres avant d'être enfuis ou valorisés. Ils restent à proximité et produisent même de l'énergie pour s'éclairer et se chauffer. Des arguments qui ont déjà séduit d'autres pays européens, comme l'Espagne et l'Italie.
Alison Pelotier
1 Au 1er janvier 2020, l'Irstea a fusionné avec l'Inra pour donner naissance à l'Inrae.