Le maraîchage bio au menu des ateliers Tech&Bio

C'est un moment d'échanges entre experts et maraîchers. Les ateliers Tech&bio ont pour intérêt d'aider les professionnels dans leurs pratiques, tout en sécurisant les projets en lien avec l'agriculture biologique. Mardi 15 septembre, c'est à la station expérimentale légumes Serail à Brindas que tous s'étaient donné rendez-vous. Au programme, trois thèmes et autant d'ateliers sur le maraîchage intensif sur petites surfaces, démonstrations d'ombrage et blanchiment des abris, et de mise en place de goutte-à-goutte enterré (voir encadré). « Je suis heureux de voir autant de monde, qui plus est beaucoup de jeunesse. N'ayez pas peur de vous investir dans l'agriculture bio qui s'adapte à une demande sociétale. Le bio est en forte croissance et ce n'est pas un gros mot de le dire. Nous sommes ici, à la station expérimentale Serail, sur un site symbolique. Alors oui, nous pouvons être heureux en bio », a lancé en ouverture de la journée Dominique Despras, éleveur laitier en bio depuis dix ans et vice-président de la chambre d'agriculture du Rhône.
La force du collectif
Le premier thème abordé a été celui de l'organisation collective pour vendre des légumes en demi-gros et en restauration collective. Selon Pauline Bonhomme, de l'association des producteurs biologiques du Rhône et de la Loire (Ardab) : « avec la loi Egalim, le contexte est favorable. Au 1er janvier 2022, 50 % des produits devront être durables en restauration collective dont 20 % en bio ou en conversion. Il existe par ailleurs un important levier de développement avec la mairie de Lyon qui est passée écologiste. » L'exemple de Bio A Pro à Brignais, qui regroupe une quarantaine d'agriculteurs du Rhône et de la Loire mais aussi quelques transformateurs locaux, a été présenté. Autre association de producteurs, Auvabio. « En 2018, les maraîchers n'ont pas créé cette structure pour des débouchés supplémentaires, les circuits de vente se portant bien, mais pour changer la façon de travailler et passer moins de temps en commercialisation. Ils souhaitaient également s'organiser pour approvisionner de façon plus cohérente les magasins bio locaux et occuper le marché des fruits et légumes bio en demi-gros », a expliqué Patrice Goutagny, avant de poursuivre sur cette structure auvergnate qui avance le vent dans le dos : « Ce sont donc près de 50 producteurs adhérents ou bénéficiaires des services qui proposent des fruits et légumes pour une quinzaine de clients : magasins bio, supermarchés, transformateurs et Auvergne bio distribution, ainsi que des maraîchers qui élargissent leur gamme de vente directe. » Si la planification des cultures demeure le cœur de leur métier, Auvabio accompagne les producteurs sur les différentes techniques, l'organisation de la production, la défense des prix, les partenariats avec l'aval et entretient la solidarité entre producteurs.
Les petites surfaces se développent
Dominique Berry, de la chambre d'agriculture du Rhône, est intervenu pour évoquer le maraîchage sur petites surfaces, une activité relancée par un nouveau public de candidats à l'installation en reconversion professionnelle : « Quand on parle de petite surface, on parle de surface de moins d'un ha, peu mécanisée, diversifiée et en circuit court. On fait alors référence à des concepts variés combinés ou pas : permaculture, bio-intensif, non-travail du sol, agriculture de conservation, agriculture régénérative... » De nombreux projets d'installation sont aujourd'hui portés sur ce modèle de micro-ferme. Parmi eux, 32 % des porteurs de projets maraîchers du Rhône, mais aussi des collectivités comme la commune de Pierre-Bénite, le syndicat mixte des Monts d'Or, ou encore des structures privées comme La Ceinture verte dans la Drôme. Selon une étude de la chambre d'agriculture du Rhône portant sur 16 exploitations de Rhône-Alpes, la surface cultivée en légumes varie de 4 500 à 10 000 m2 en brut et de 5 000 à 13 000 m2 en développé dont 18 % sous abri. Par ailleurs, l'unité de travail humain (UTH) est en moyenne de 1,25.
« Il y a trois piliers à optimiser sur lesquels repose le système maraîcher diversifié : la commercialisation, l'outil de production et la technicité du producteur », commente le conseiller de la chambre. Plusieurs points pour réussir sur petite surface ont été évoqués dont l'optimisation des surfaces et du système commercial,
la ressource en eau et l'équipement d'irrigation, l'usage des intrants, un bâtiment central, ou encore un accompagnement technique. En parallèle, Joachim Berthoud, installé à Saint-Romain-le-Puy dans la Loire, est venu apporter son témoignage.
Quatre années d'expérimentation sur les punaises
Ce fut ensuite au tour de Benjamin Gard, du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL), de présenter un bilan de quatre années d'expérimentation menées dans le cadre du projet IMPULsE, cofinancé par l'OFB et le Casdar. La première étude portait sur les filets anti-insectes, plus particulièrement sur les aubergines. « Les résultats sont intéressants avec une réduction des dégâts et donc un meilleur rendement. On note cependant que ces filets peuvent limiter l'aération des abris. » Toujours sur les aubergines, un lâcher de parasitoïdes, des microguêpes qui viennent pondre dans les œufs des punaises, a été là aussi satisfaisant. Une réduction des dégâts de deux fois et demi a été observée. Autre punaise problématique, Nesidiocoris tenuis sur la tomate. « La stratégie avec les panneaux de couleur jaune à glu sèche permet le meilleur piégeage. Ces panneaux peuvent être utilisés pour réaliser une détection précoce des punaises. » Le chou a été lui aussi l'objet d'une attention particulière. Cette fois, c'est à l'aide de plantes pièges que les punaises sont contrôlées. « L'idée est de mettre un plant de colza au milieu des choux (1 sur 10) sur lequel se concentrent les punaises. Mais une question demeure : comment retirer les punaises sur les plantes pièges ? »
Les méthodes utilisées actuellement, aspiration et fauchage, ne sont pas encore transférables en production.
Cédric Perrier
L’intérêt du goutte-à-goutte enterré
Il est enthousiaste et parle avec conviction. Emmanuel Perrier est maraîcher à Peaugres en Ardèche. Devant un groupe conséquent, l’agriculteur défend le goutte-à-goutte enterré. « Tout d’abord, je n’ai plus aucune vanne manuelle mais que de l’électrovanne sur mon exploitation qui compte une quinzaine de cultures différentes, pour une surface de 4,5 ha à 5 ha de légumes. »Il déroule son goutte-à-goutte entre les rangs, de 2 à 10 cm de fond, en fonction du type de culture et de la nécessité de biner. « Depuis l’an dernier je travaille beaucoup sur l’oignon qui est un gros consommateur d’eau. J’essaie deux à trois arrosages par semaine. C’est surtout en fonction du sol. Chez moi, c’est beaucoup d’argile. Je bine avant et après l’installation du goutte-à-goutte. En rapport à l’aspersion, la parcelle est beaucoup plus propre. » Emmanuel Perrier a par ailleurs délaissé le manuel au profit de planteuses. Et il le reconnaît, ça lui change la vie : « C’est magique, on gagne du temps pour l’enherbement, pour le binage. Du fait du goutte-à-goutte, j’ai passé deux traitements à demi-dose. En effet, en ne mouillant plus la feuille, ce qui pourrait enlever le traitement, on ne met pas le champignon dans une situation de confort. Autre détail, on peut également arroser quand il y a du vent. » Il estime à un tiers ses économies d’eau en comparaison à l’aspersion. L’année prochaine, l’agriculteur fera des essais sur le cardon, les courges mais aussi les pommes de terre.
C. P.