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Tendances alimentaires

Le nouveau régime de l’industrie agroalimentaire

Autrefois réservés aux personnes intolérantes ou allergiques, les aliments sans gluten ou sans lactose séduisent d'autres consommateurs. Cette tendance se développe, les gammes de produits se diversifient, et de nouveaux marchés sont en pleine expansion. Les producteurs et les industries agroalimentaires doivent s'adapter pour en profiter.
Le nouveau régime de l’industrie agroalimentaire

Il n'y a pas que le régime alimentaire des populations des pays en voie de développement qui évolue très rapidement. De nouvelles tendances de consommation prennent rapidement de l'ampleur dans les pays occidentaux. L'impact médiatique peut rendre très populaire une forme de régime alimentaire en quelques années. C'est par exemple le cas du développement des aliments sans gluten ou sans lactose, sans lien avec une allergie alimentaire. Portées par certaines personnalités médiatiques, ces formes de régime ont, dans l'imaginaire collectif, des vertus diverses : bien-être, meilleure santé, perte de poids, protection de l'environnement, etc. Même si la controverse scientifique bat son plein, des consommateurs ont fait leur choix et cherchent à exclure certains produits de leur alimentation.
Au départ, les diètes sans gluten ou sans lactose sont une réponse à de vraies allergies alimentaires. Ainsi, la maladie de cœliaque ou intolérance au gluten provoque une destruction des parois de l'intestin grêle entraînant une incapacité à l'assimilation des certains nutriments et divers maux : migraines, fatigue, problèmes de peau, prise de poids, sommeil agité... pouvant devenir assez grave. Elle concerne environ 1 à 2 % des Français, dont seulement 20 à 30 % sont diagnostiqués selon l'association des intolérants au gluten. La seule façon d'y remédier aujourd'hui est d'évincer totalement le gluten de l'alimentation.

Le marketing amplifie la tendance

Ce terreau d'allergies alimentaires est donc bien réel mais minoritaire. Une étude du Conseil européen de l'information sur l'alimentation indique qu'en France, les allergies alimentaires concernent 3,4 % des adultes et 6 à 8 % des enfants. Environ 2 à 3 % des nourrissons sont allergiques aux protéines de lait (lactose) et 1 à 2 % des enfants au blanc d'œuf. Cependant, environ un tiers des consommateurs européens pensent être allergiques à au moins une substance alimentaire, d'où une croissance rapide de la consommation des produits destinés aux intolérants, alimentée par les déclarations de certains « people ». Seuls 8 à 12 % de ces produits sont achetés par de vrais intolérants. Selon Research & Markets, le marché mondial des produits sans gluten devrait atteindre 6,84 milliards de dollars d'ici 2019, soit une croissance de 10,2 % par an. En France, les différents cabinets d'études (Xerfi et Biolinéaires) évoquent un marché des produits pour intolérants compris entre 60 à 100 millions d'euros avec une croissance de 20 à 30 % par an. Entre 2009 et 2014, le nombre de produits lancés dans le monde sans gluten a triplé, dont 35 à 40 % des lancements concernent l'Europe de l'Ouest, selon Nutrimarketing.
Sur le marché du sans lactose, les boissons végétales riches en calcium à base de soja, riz, amande, froment... existent depuis vingt ans. Depuis quelques années, les gammes s'enrichissent et les rayons s'étoffent : boisson de chanvre, mélange amande-riz, aromatisée au cacao, à la vanille, 1 200 boissons végétales sont recensées, soit 70 % de plus qu'il y a cinq ans. Cette tendance devrait se renforcer, plusieurs instituts d'études de marché indiquent que la croissance mondiale des boissons végétales se poursuivrait au moins jusqu'en 2018 avec un taux supérieur à 18 % par an.

Saisir les opportunités

Ces tendances pourraient menacer le développement de certaines filières agricoles à terme. Par exemple, pour le lait, en 2003, les Français consommaient en moyenne 61 litres de lait liquide contre 54 en 2013, soit un recul de 11,5 % en dix ans. La tendance se poursuit en 2014, avec un recul des ventes du marché du lait en GMS de 2,9 %. Alors pour répondre aux tendances des consommateurs, les acteurs de la filière lait développent des laits spécifiques : sans lactose, vitaminés ou aromatisés. Là, les ventes progressent de 4,5 % entre 2014 et 2015 selon le magazine LSA. Dans le cas du gluten, ce sont les cultures des blés tendres et durs qui pourraient être impactées. Heureusement, les alternatives au blé peuvent également être cultivées sous nos latitudes par les mêmes agriculteurs : maïs, soja, châtaignes, sarrasin, pois chiche, etc. Aussi, le flexitarisme des consommateurs va obliger les industries agroalimentaires à s'adapter très vite aux nouvelles tendances pour capter ces nouveaux marchés. Les agriculteurs devront en faire autant s'ils veulent produire pour ces marchés en expansion. 
C. P.

 

Allergènes

La réglementation s’en mêle
Cette tendance à l’identification des allergènes est renforcée par le règlement européen concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (INCO) qui est entré en vigueur depuis le 1er juillet 2015. Pour les denrées emballées, la liste des allergènes doit être indiquée sur l’étiquetage. Et pour les denrées non emballées (servies par les cantines, restaurants, traiteurs, rayons à la coupe des hypermarchés et supermarchés, sur les marchés…), l’indication de la présence d’allergènes se fait obligatoirement par écrit à proximité du produit. Aussi, le consommateur lambda repère rapidement les allergènes : gluten, lait, soja, œuf, arachides, crustacés, fruits à coques... dans les produits de grande consommation. 

 

Protéines végétales  Longtemps réservés aux végétariens et aux magasins bio, les ventes de steaks végétaux à base de soja, légumineuses et autres légumes sont en forte hausse. À l’image de deux ingénieurs agronomes lyonnais qui, avec la start-up Ici & Là, valorisent les légumineuses cultivées localement afin de réaliser des produits riches en protéines.

Les steaks végétaux cherchent leur place

Les produits à base de protéines végétales d’Ici & Là sont fabriqués à partir de lentilles vertes, haricots blancs ou pois chiches produits en France.

Les besoins en protéines de l’humanité sont croissants et devraient augmenter de 70 % d’ici 2050. Mais quels produits couvriront ces besoins ? Avec l’essor des produits riches en protéines végétales ou l’émergence de l’entomophagie (consommation d’insectes), il semble que la viande ne soit pas la seule à pouvoir répondre à ces nouveaux besoins. Si l’élevage subit des critiques sur sa durabilité, certains de ces produits ne sont pas exempts de tous reproches. Par exemple, les produits proposés par le « Boucher végétarien » depuis 2014 en France utilisent une pâte constituée de soja, céréales, petits pois et carottes, mise sous pression pour créer des fibres très proches de la viande. Or, fabriqués en Hollande, ces produits utilisent du soja cultivé en Amérique du Sud.
Pour le local, on peut faire mieux.
C’est la démarche contraire qui a guidé le projet Ici & Là, porté aujourd’hui par deux ingénieurs agronomes lyonnais. La start-up se positionne sur le marché de la protéine végétale d’origine locale, « un marché d’avenir en agroalimentaire », selon Emmanuel Brehier et Benoît Plisson, les deux co-fondateurs de l’entreprise. « Les protéines des légumineuses sont une solution à l’intégration de protéines végétales dans l’alimentation humaine, expliquaient les fondateurs lors d’une journée découverte de leurs produits. Elles possèdent des atouts nutritionnels et environnementaux et s’inscrivent dans notre culture alimentaire française. Nous ne sommes pas en train de dire qu’il ne faut plus manger de viande. Nos produits ne s’y opposent pas. Ils sont complémentaires pour intégrer plus de protéines végétales dans notre alimentation. » Les ingrédients qui entrent dans les recettes des trois produits commercialisés par Ici & Là (steaks, boulettes et nuggets) sont à base de produits français : lentilles vertes, haricots blancs ou des pois chiches. « On utilise des produits qui sont depuis longtemps dans notre cuisine française, qui font partie de notre gastronomie », souligne Emmanuel Brehier. Les premiers produits ont été vendus en septembre 2015 grâce à une ligne de production mise en place chez un partenaire industriel. La société vise d’abord le marché de la restauration hors foyer avant de démarrer la distribution de ses produits dans les rayons de la distribution.  C. P.