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Prédation

“ Le patou, c’est la garde rapprochée, le kangal, l’éclaireur”

Face à la recrudescence des attaques du loup ces dernières années, Pascal Ravix, éleveur à Lans-en-Vercors (Isère), a décidé de protéger son troupeau avec plusieurs chiens de races différentes. Ils restent, pour lui, le meilleur rempart face au prédateur.

“ Le patou, c’est la garde rapprochée, le kangal, l’éclaireur”

Pour chaque loup, un chien pour le contrer. C'est le credo de Pascal Ravix, président du groupement pastoral du Pic Saint-Michel dans le Vercors. Au total, ce sont sept chiens de races différentes qui surveillent un troupeau commun de plus de 1 200 brebis et agneaux. Parmi eux, quatre patous mais aussi deux kangals, des bergers d'Anatolie, et un alabai, un berger d'Asie centrale. Ils surveillent et sillonnent la zone pour prévenir la moindre menace. L'alliance de ces trois races mais surtout le nombre de chiens présents donnent de très bons résultats en termes de sécurité. Ces derniers mois, presque aucune perte n'a été déplorée par les éleveurs du groupement.

Un loup, un chien

« Le kangal va beaucoup plus loin que le patou qui a tendance à rester très, voire trop, proche du troupeau. Le berger d'Anatolie s'éloigne à plusieurs centaines de mètres pour marquer son territoire. Le loup est prévenu de sa présence et très rapidement dissuadé », explique Pascal Ravix. Et d'ajouter : « Aujourd'hui, il faut être plus malin que le loup. La seule solution, c'est de se doter de nombreux chiens, complémentaires dans l'idéal », précise-t-il. Par exemple, alors que le patou va suivre le troupeau et s'assurer qu'il est toujours bien en sécurité, le kangal va, lui, plutôt surveiller la zone aux alentours. Ce berger d'Anatolie, très proche de l'homme, est tout aussi capable d'attaquer une proie, s'il sent son territoire menacé. « En résumé, le patou, c'est la garde rapprochée du troupeau, le kangal, l'éclaireur », reprend l'éleveur. S'il a décidé de se doter de nombreux chiens, c'est qu'il réside dans une zone particulièrement meurtrie ces dernières années. Cet été, le Vercors a essuyé plusieurs attaques de loups. Pour lui, « le premier moyen de protection reste le chien. À condition, qu'il y en ait autant que de loups présents sur le territoire », insiste-t-il.

Un travail d'équipe

À quelques milliers de kilomètres de là, loin du paysage montagneux du Vercors, Memis Ertas a grandi entouré de kangals, en plein cœur des steppes d'Anatolie. Aujourd'hui, il est propriétaire de l'élevage Aslanda Goutte Noire à Jarnages dans la Creuse, installé avec sa femme, Valérie, depuis une dizaine d'années. « Les kangals et moi, c'est une longue histoire d'amour. Mon père était berger en Turquie, je travaillais avec lui. Je suis tellement attaché à cette race que j'ai voulu développer mon élevage en France », explique-t-il. La moitié de ses ventes de kangals est à destination des éleveurs, soit une trentaine de chiots vendus cette année. « Le berger d'Anatolie est un chien intéressant pour les éleveurs car il se comporte un peu comme le loup. Il est particulièrement vigilant le soir et en période de brouillard mais c'est surtout un grand observateur. Il analyse tout dans les moindres détails et met en place le plan qui lui paraît le plus adapté à la situation », raconte l'éleveur. Qualité de plus : les kangals sont capables de mettre en place un vrai travail d'équipe entre eux. « S'il y en a un qui reste près du troupeau, l'autre va plutôt analyser les menaces potentielles tout autour pendant qu'un autre va s'occuper de protéger une brebis en train de mettre bas, par exemple », souligne Memis Ertas. Malgré la grande intelligence et l'instinct naturel de ces chiens, la sélection de l'éleveur est très importante. « L'idéal, c'est qu'il soit vendu entre deux et six mois. Au-delà, le risque c'est qu'il soit trop attaché à l'humain et qu'il ne soit plus efficace en troupeau. Une fois l'adaptation en troupeau réussie, c'est un animal très indépendant, très vigilant et à l'écoute de son maître. » Attention néanmoins, comme tout animal, chacun a son propre caractère. Certains resteront très proches de l'Homme malgré tout, d'autres seront pleinement épanouis en troupeau. Pour ne pas prendre de risques, Pascal Ravix semble avoir trouvé la solution. « Aujourd'hui, tous naissent en bergerie. Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, mes chiens sont toujours avec leur troupeau ». 

Alison Pelotier