Le préfet sensibilisé à des problématiques agricoles

Le 3 mai, la FDSEA a convié le préfet Eric Spitz à une première tournée dans la campagne drômoise. Un parcours en quatre étapes pour lui montrer l'agriculture du département, sa place, sa diversité, ses spécificités, ses problématiques. La journée a débuté à la ferme de Laurent et Marc Favel (EARL Louis Favel) à Donzère, la troisième génération sur cette exploitation familiale aujourd'hui spécialisée en pêches, nectarines et abricots (vendus en France et à l'export).
Main-d'œuvre : des handicaps
Parmi les contraintes des arboriculteurs, certaines sont liées à la main-d'œuvre, notamment au différentiel de coût avec l'Espagne. « Il faut vraiment être bons dans tout le reste pour dégager une rémunération, a confié Laurent Favel. Nous avons besoin de moins de contraintes. » Le président de la FDSEA, Didier Beynet a insisté : « Cette filière est très concernée par la main-d'œuvre ». La possibilité d'exclure, en 2016, les CDD de moins de trois mois de la complémentaire santé (en contrepartie d'un chèque santé), Grégory Chardon, secrétaire général de la FDSEA, l'a jugée « plutôt favorable ». Sa pérennisation est souhaitée. Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, certains facteurs seront difficiles à mesurer, comme par exemple l'exposition à des températures extrêmes. De l'avis du préfet, cela fait partie des adaptations que le législateur doit pouvoir mettre en œuvre.
Une arboriculture fragilisée
La pression environnementale est une autre distorsion de concurrence intra-européenne. S'ajoutent des crises sanitaires (sharka, bactériose du kiwi...) et économiques qui ont fragilisé les exploitations. Le remboursement des aides « plan de campagne » a encore aggravé la situation. Et le plafonnement des aides de minimis est bloquant. En plus, cette année, avec l'hiver trop doux, puis le gel et la grêle sur certains secteurs, la Drôme devrait perdre 60 à 70 % de sa récolte de pêches et d'abricots, selon Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA. Après une crise en 2014, une amélioration en 2015, « les arboriculteurs vont à nouveau se trouver dans une situation délicate en 2016. Les entreprises de mise en marché, notamment les stations collectives, seront également impactées. Il y a un risque de défaillance pour certaines d'entre elles, a-t-il mis en garde. La filière est inquiète ». Concernant le gel, Marc Fauriel a espéré une reconnaissance de la Drôme en calamité agricole. Le préfet a annoncé une visite d'exploitations touchées, dans les prochains jours avec la DDT, pour constater les dégâts. Pour la grêle, Marc Favel a fait remarquer que des assureurs ne veulent plus couvrir des exploitations souvent atteintes. Et Jean-Pierre Royannez, vice-président de la Chambre d'agriculture, a pointé du doigt le coût élevé de l'assurance.
Les Ppam se vendent bien...
La journée s'est poursuivie chez Christian Brémand, à Saint Restitut. Il cultive une centaine d'hectares dont 25 de vigne, 35 de plantes aromatiques (thym, origan, coriandre, aneth), un peu de lavandin... Cet agriculteur ne regrette pas l'arrivée au milieu des années 1980 de l'irrigation sur son secteur, même si elle est coûteuse. « Dans le département, l'irrigation est primordiale pour maintenir les cultures spécialisées, semences, arboriculture, Ppam(*)... », a appuyé Jean-Pierre Royannez.
« Les Ppam peuvent être cultivées partout en Drôme, a souligné Alain Aubanel, responsable professionnel de cette filière à plusieurs titres, notamment au plan national. Elles font partie des rares cultures rémunératrices dans l'arrière-pays. Elles génèrent une forte valeur ajoutée et nous vendons tout ce que nous produisons. La demande est colossale, nous avons des possibilités de développement. »
... mais quelques soucis
L'une des ombres au tableau de la filière Ppam (près de 200 espèces cultivées) est le manque de produits phytopharmaceutiques homologués. Elle est trop petite pour intéresser les firmes. « Quand des produits phytosanitaires sont autorisés sur des productions alimentaires, je ne vois pas l'intérêt de refaire des études pour savoir si l'on peut les utiliser sur Ppam, a noté Alain Aubanel. Pour notre filière, c'est compliqué et extrêmement coûteux. Il faut simplifier le système d'homologation ». Concernant la Pac, l'application de la réglementation sur les tournières n'est pas la même d'un département à l'autre. Aussi, la profession demande une harmonisation. Autre souci, les zones Natura 2000 figent les prairies permanentes en montagne. Or, sur ces secteurs, les rotations sont l'une des solutions contre les problèmes sanitaires de la lavande.
A Saint Restitut, s'est encore exprimée une inquiétude face à l'accroissement des dégâts de sangliers sur les cultures et le développement de la population de cervidés. Le préfet a dit découvrir l'ampleur du problème et avoir conscience que l'agriculture est l'une des premières richesses de la Drôme.
Annie Laurie
(*) Ppam : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
Repères drômois
Productions fruitières : 1 400 exploitations spécialisées, 10 460 hectares et 143 000 tonnes récoltées(1). La filière est un important employeur de main-d'œuvre : 1 466 CDI et 34 750 CDD(2).Plantes à parfum, aromatiques et médicinales : près de 800 producteurs et plus de 6 500 hectares, dont 25 % en bio (progression de 400 % en 10 ans). Aval de la filière : 4 groupements de producteurs, 30 distilleries, 15 négociants ou transformateurs-négociants. Utilisations : agroalimentaire, parfumerie, cosmétique, aromathérapie, pharmacie.(1) Chiffres Agreste 2014.(2) Chiffres MSA 2014.