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Le réseau de la solidarité alimentaire s’étoffe avec l’agriculture

Depuis 2024, la chambre d’agriculture de la Drôme a déployé un plan d’actions pour faciliter le lien entre les professionnels agricoles et les structures d’aide alimentaire.

Par Morgane Eymin
Le réseau de la solidarité alimentaire s’étoffe avec l’agriculture
©CA26
Une opération de glanage avait été organisée en 2023 avec la chambre agriculture et le lycée du Valentin lors du salon Tech&bio.

Avec près de 23 500 bénéficiaires en Drôme et en Ardèche et 1 700 tonnes de denrées distribuées en 2024, la Banque alimentaire bi-départementale ne peut cacher sa préoccupation. « Par rapport à 2023, nous avons eu une augmentation des besoins de 23 % en moyenne, fait savoir Jean-Marc Poux, président de l’association. Nos stocks de collectes ne suffisent plus, nous sommes souvent contraints d’acheter ». Face à ce constat alarmant, la chambre d’agriculture de la Drôme (CA 26) a noué un partenariat en 2024 avec l’organisme dans l’optique de développer et de faciliter les liens entre les agriculteurs et la structure d’aide alimentaire. « Élus, agriculteurs et techniciens ont travaillé sur une stratégie "Alimentation de proximité" et nous avons un axe sur la solidarité alimentaire. Cette stratégie, notamment basée sur une communication auprès des agriculteurs, est soutenue par le Département de la Drôme qui est lui même engagé dans cette démarche à travers son projet alimentaire territorial (PAT) », explique Félix Deleage, chargé de mission alimentation à la chambre d’agriculture de la Drôme.

Un don défiscalisé

Voilà plusieurs années que le pôle « territoire et société » de la CA 26 se penche sur l’axe de la solidarité alimentaire. « En questionnant les agriculteurs, nous avons constaté qu’une grande partie d’entre eux ne connaît pas les structures d’aide alimentaire situées à proximité de leur exploitation, avance Félix Deleage. D’ailleurs, bien souvent, ils ne savent pas non plus qu’ils peuvent donner des produits et que cet acte est défiscalisé ». En effet, les agriculteurs peuvent bénéficier d’une déduction fiscale de 60 % lors d’un don. Pour cela, un certificat doit être demandé à la structure d’aide alimentaire. Pour rappel, l’aide alimentaire est destinée à un public en situation de précarité.

Pour faire le lien entre les différents acteurs, la CA 26 s’est penchée sur les situations dans lesquelles les agriculteurs peuvent se tourner vers le don. « Souvent, c’est une situation de dernière minute, quand ils n’ont pas réussi à vendre ou qu’ils se retrouvent avec une cargaison qu’ils ne peuvent pas commercialiser. S’ils n’ont pas de circuit de valorisation alternative, ils sont contraints de jeter », rapporte le chargé de mission. La chambre d’agriculture s’est aussi rapprochée de structures d’aide alimentaire très localisées pour connaître les demandes. Ainsi, des agents du pôle « territoire et société » ont participé à une « tablée solidaire » le 30 septembre 2024 à Saint-Jean-en-Royans (voir encadré).

Un réseau facilitateur 

La banque alimentaire, la Croix-Rouge et ses épiceries sociales, les Resto du cœur, le Secours catholique ou encore le Diaconat protestant… La liste de structures d’aide alimentaire est longue. Ainsi, les agriculteurs peuvent peiner à savoir vers qui se tourner. La chambre d’agriculture privilégie Solaal, son partenaire associatif déployé nationalement, régionalement et localement. « Nous mettons les agriculteurs en lien avec les structures et nous organisons le don. Les agriculteurs peuvent directement appeler Solaal. Nous sommes en mesure de traiter tous les dons quels que soient le volume et la production. Comme nous fonctionnons en réseau, Solaal trouve toujours des structures pour récupérer les produits », assure Grégory Chardon, président de Solaal Auvergne-Rhône-Alpes. 

Du côté de la Banque alimentaire Drôme-Ardèche, les agriculteurs peuvent aussi appeler la structure pour proposer un don. Cette dernière redistribue les dons à 87 associations basées sur les deux départements. « Soit le don nous est livré à notre local situé à Valence (116 route de Beauvallon), soit nous venons le récupérer avec nos camions réfrigérés, explique Jean-Marc Poux. Dans la région, nous avons créé une plateforme qui permet de mutualiser les dons et de les redistribuer. Elle fonctionne comme une centrale d’achat. Que ce soit en fruits ou en légumes, nous sommes demandeurs. Concernant l’état des produits, tant qu’ils sont consommables nous sommes preneurs ». À noter, à l’échelle régionale la création d’une centrale de transformation est en discussion. Elle pourrait voir le jour d’ici la fin d’année. 

Témoignage : « Un coup de fil et c’est réglé »

« C’est efficace d’avoir un seul interlocuteur qui possède tout un réseau », témoigne Rudy Magne, de Pépins & Cie. ©ME-AD26

Rudy Magne, arboriculteur et pépiniériste à Saint-Laurent-en-Royans, a effectué son premier don alimentaire en 2023. En fin de saison des pommes, ce dernier s’est retrouvé avec plusieurs caisses de fruits déclassés. « Entre ma première et ma seconde année, j’avais doublé ma production et je n’avais pas assez de débouchés pour tout valoriser en vente », précise l’agriculteur installé dans le Vercors. Il a eu le réflexe d’appeler l’antenne locale de la Croix-Rouge qui a récupéré les fruits. Fin 2024, il a participé à une réunion organisée à l'Épicerie sociale de la Croix-Rouge à Saint-Jean-en-Royans avec plusieurs acteurs tels que la communauté de communes Royans-Vercors, l’association le Court-bouillon, des agriculteurs et la chambre d’agriculture de la Drôme.

Depuis cette réunion, l’arboriculteur a été sollicité par l’association Court-bouillon pour un projet de valorisation de pommes. « Des volontaires ont récupéré des pommes et se sont chargés de les transformer. En échange, j’ai fait don d’une partie des bouteilles. C’était gagnant-gagnant », rapporte le fondateur de Pépins & Cie. En février, il a contacté l’association car il lui restait des courges et qu’il n’avait pas de chambre chaude pour les conserver. Les produits ont été distribués à l’épicerie sociale de la Croix-Rouge de Saint-Jean-en-Royans. « C’est efficace d’avoir un seul interlocuteur qui possède tout un réseau. Un coup de fil et c’est réglé », déclare l’agriculteur ravi de participer à ce réseau de solidarité alimentaire.