Le retour gagnant des légumes d’antan

Les marchés hebdomadaires sont de véritables jardins : un festival de couleurs, de parfums et de variétés ! Panais, crosne, rutabaga, arroche... : voilà par exemple quelques légumes que l'on aurait presque oublié. Ce n'était pas sans compter la pugnacité de quelques passionnés qui ont remis ces légumes au goût du jour et dans les assiettes. Il n'est ainsi plus rare d'en repérer dans les potagers ou même sur les étals. Les clients, eux, n'hésitent pas à les (re)découvrir.
Panais, chayote et courges
À Châtillon-Saint-Jean, Vincent Chevalier a d'ailleurs choisi de miser sur ces variétés qui sortent de l'ordinaire. Du temps de son père, Michel, l'exploitation familiale pouvait compter sur cinq hectares (ha) de noyers et 4 de céréales. Mais à son arrivée, voilà désormais quatre ans, le jeune homme a préféré abandonner les céréales pour se consacrer au maraîchage bio. Et, plus précisément, les légumes dont les variétés sont dites « anciennes ». « Il y a énormément de diversité dans la nature. Je trouve qu'il est dommage de se cantonner à des variétés hybrides que l'on trouve facilement dans les supermarchés. En plus, il existe des variétés qui s'adaptent très bien aux caractéristiques de nos sols. Chacun devrait trouver sa variété, au lieu de semer des standards hybrides », souligne-t-il.
Sous les serres ou dans les champs, ce sont ainsi une vingtaine de variétés de courges ou de tomates qui se côtoient. On trouve également des radis noirs, des chayotes ou encore des panais. Une affaire qui est viable économiquement. La majeure partie de sa production est commercialisée sur les marchés ; le restant l'est dans un magasin de producteurs. Il faut dire que l'exploitant n'a pas foncé tête baissée. Bien sûr, cultiver des légumes anciens résulte d'un intérêt personnel. Pour autant, il s'agissait aussi de pouvoir dégager un revenu pour un équivalent temps plein (ETP). « Les variétés anciennes, je trouvais cela sympa, mais le choix était réfléchi », insiste-il.
La culture du lien social
L'agriculteur n'est pas le seul à les apprécier. Il ressent en effet une certaine dynamique auprès du grand public. « Sur les marchés, on sent une vraie demande. Il est vrai qu'elle est surtout chez la clientèle bio mais pas seulement. Les nombreuses couleurs de l'étal attirent également l'œil du chaland », ajoute-t-il. S'engagent alors des échanges, qui dépassent véritablement le simple cadre commercial. L'agriculteur et son client se mettent à parler cuisine, recette, bienfaits et Histoire. « Ils veulent par exemple savoir où la tomate a poussé, comment la variété a été sélectionnée. C'est toujours intéressant de mettre une histoire derrière un produit », indique encore Vincent Chevalier.
Force est de constater que les enfants ne sont pas en reste. La chayotte - un produit plébiscité, tout comme le panais - les interpellent particulièrement, du fait de sa forme. Il est vrai que l'on peut penser à une bouche. « Les légumes anciens participent à l'éducation culinaire », avoue-t-il aussi.
Légumes anciens et goûts nouveaux
Selon Vincent Chevalier, si les ménages apprécient autant les légumes anciens, c'est aussi grâce aux chefs cuisiniers qui n'hésitent pas à les faire figurer sur leurs cartes. Bruno Chartron, originaire de Saint-Donat-sur-l'Herbasse, est l'un d'eux. « Nous en utilisons régulièrement, dans la mesure où nous arrivons à les trouver localement », explique-t-il notamment. Lors de l'automne, son choix peut ainsi se porter vers les courges butternut, potimarron, courge muscade, spaghetti, barbarine ou encore gigerine. En hiver, avec les menus truffes, il opte pour les légumes-racines, tels le topinambour, le cerfeuil racine, le panais ou le salsifis. Entre autres.
En été, le restaurant essaie de trouver de vieilles variétés de tomates (russe, green zebra, ananas, cornue). « La galette de saint-jacques et truffes sur une mousseline de légumes racine, le carpaccio de tomates anciennes, un velouté de topinambour truffé ainsi qu'une mousseline de potimarron pour accompagner un gibier sont quelques exemples de plats proposés », poursuit le professionnel. Le chef s'impose donc comme un véritable ambassadeur. Du bien manger bien sûr mais aussi en fervent défenseur du patrimoine culinaire.
A. T.