Le revenu agricole baisse de 26 % en 2016

C'était prévisible : le revenu agricole 2016 s'inscrit dans une forte baisse si l'on en croit les statistiques officielles. Les calculs de l'Insee chiffrent cette diminution avec plus ou moins d'ampleur. Si la statistique tient compte de l'ensemble des charges (y compris les salaires, les impôts, les fermages, intérêts, etc.) se déduisant de la recette agricole, c'est ce qu'on appelle le « résultat net de la branche agricole par actif non salarié » : il aurait été réduit de 26,1 %, selon un document de l'APCA (Assemblée permanente des chambres d'agriculture). Si l'on ne tient compte que des charges directes liées à la production, il s'agit alors de la « valeur ajoutée brute au coût des facteurs par actif » qui est alors en baisse de 10,9 %. C'est le chiffre officiel publié par l'Insee.
Céréales et lait
Deux secteurs ont fortement poussé à la baisse cette statistique. D'une part, celui des céréales, marqué par une faible récolte française mais aussi par des prix bas suite à l'abondante récolte mondiale. Une « situation catastrophique, selon l'APCA. Jamais la conjoncture ne fut aussi mauvaise pour les céréaliers français qu'en 2016 ». Fortes pluies au printemps, sécheresse en été, le volume produit a baissé, de même que la qualité. En même temps, les récoltes étaient abondantes dans les autres pays : États-Unis, Russie, Ukraine, Australie. Cette abondance est venue gonfler des stocks et baisser les prix actuels ou futurs des céréales. L'Insee juge la baisse de la valeur de la production de blé tendre française à 36,5 %. Le maïs est moins mal loti avec une réduction de 9,9 %, de même que les oléagineux.
L'Insee, ainsi que le service statistique du ministère de l'Agriculture, ont renoncé à cette période de l'année de publier des données sur les revenus, en raison d'approximations qui avaient provoqué des polémiques il y a trois ans. Mais l'AGPB (Association générale des producteurs de blé) estime que pour 2016, les revenus plongeraient pour devenir fortement négatifs à - 24 000 euros/actif).
Prix en baisse
La production laitière est l'autre production qui pousse l'indice général à la baisse. Le prix du lait, malgré une reprise au niveau des marchés mondiaux en fin d'année, est resté bas pour les éleveurs français. L'Insee évalue à 7 % la baisse par rapport à 2015 qui, déjà, fut une médiocre année. « Le bilan de l'économie laitière française de 2016 est très sombre », estime l'APCA. La France a, de plus, en début d'année, beaucoup moins profité de hausses de volumes produits que ses concurrents européens. La valeur de sa production a, sur l'année, été réduite de 8,9 % selon l'Insee. Les autres productions ont connu la plupart du temps des baisses de recette quoique moins marquées que pour les céréales et le lait qui sont les deux principales productions françaises. La valeur de la production de bovins à viande a baissé de 4,1 %, principalement sous l'influence de prix en baisse. Les éleveurs de volailles ont également vu leur recette baisser en valeur principalement en raison d'une réduction des volumes, souvent liés à des problèmes sanitaires. Les producteurs de vins d'appellation d'origine ne sont pas à la fête eux non plus, en raison d'une faible récolte.
Les éleveurs de porcs moins mal lotis
Une fois n'est pas coutume, l'élevage porcin a constitué un secteur moins mal loti en 2016, principalement grâce à une activité soutenue, notamment à l'export vers la Chine. Mais cette embellie succède à deux années difficiles en 2014 et 2015, rappelle l'APCA. Autre domaine préservé, la betterave à sucre qui a pu bénéficier de prix en hausse après deux ans de dépression sur le plan mondial. Les pommes de terre, secteur très volatil, ont permis à leurs producteurs de connaître un répit, de même que les fruits et légumes dont les cultivateurs ont profité d'un climat plutôt favorable, tant à la production qu'à la consommation. Le revenu agricole dépend aussi des charges de production : celles-ci ont été plutôt sages en 2016. Selon l'Insee, les consommations intermédiaires ont diminué de 2,3 % en 2016, principalement en raison d'un recul des prix. Les aliments du bétail ont, pour la plupart, vu leurs quantités achetées et leurs prix se réduire. La facture énergétique s'est elle aussi réduite (-17 % pour le prix du gazole non routier) en dépit du prix de l'électricité qui a augmenté. Les dépenses en engrais et amendements ont diminué de 5,5 % tandis que les charges en pesticides et agrochimie se sont repliées (sauf pour les insecticides : + 4,9 %) de 2,3 %.
Valeur ajoutée en réduction
Des recettes globales en forte baisse, des charges qui ne se réduisent que modérément... cette équation aboutit à une valeur ajoutée (recettes - charges) en réduction pour l'agriculture française (-13,7 %). Situation aggravée par des subventions d'exploitation en réduction de 3,1 %. En revanche, le poids des impôts sur la production et des impôts fonciers est devenu moins lourd. Il n'empêche : l'équation 2016 pour le monde agricole est globalement défavorable. L'ensemble des organisations agricoles en a tiré les conséquences en demandant à la politique agricole de reprendre la situation en main. La préparation de la prochaine élection présidentielle est l'occasion pour les syndicats de rappeler leurs demandes, notamment pour le syndicat majoritaire. La FNSEA a présenté ses treize mesures à prendre en 200 jours, qu'elle va soumettre aux candidats à la présidence de la République. Les premiers travaux en vu de la Pac post-2020 seront aussi l'occasion de tirer les conséquences de ces deux années particulièrement difficiles pour l'agriculture. Les syndicats en posent les jalons. « Il est temps de donner aux agriculteurs la capacité d'anticiper les aléas », affirme l'AGPB, le syndicat des céréaliers.
A consulter les subventions à l'agriculture en baisse
Réactions
FNSEA : « Inacceptable économiquement et humainement »Les comptes de l’agriculture 2016 confirment une situation « inacceptable économiquement et humainement », a réagi la FNSEA dans un communiqué le 14 décembre. Le syndicat rebondit sur ces résultats pour demander que le pacte de consolidation du gouvernement puisse « trouver sa pleine traduction », que le fonds de garantie et l’année blanche « s’appliquent pleinement et soient ouverts jus-
qu’au 30 juin, car les difficultés de trésorerie des agriculteurs sont malheureusement encore devant nous ». Le syndicat rappelle qu’il a présenté le jour de la parution des comptes, treize mesures destinées aux candidats à la présidentielle.
Chambres d’agriculture : « Une situation catastrophique »
« Les réponses des pouvoirs publics à la baisse de revenu des agriculteurs ne sont pas suffisantes », estime l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture) dans un communiqué du 13 décembre juste après la commission des comptes de l’agriculture. Selon les chambres consulaires, celles-ci sont « mobilisées dans des travaux visant à renforcer la résistance économique des exploitations agricoles ». L’APCA rappelle néanmoins que l’exigence est à la régulation des marchés agricoles et les chambres attendent des propositions fermes dans le cadre de la future Pac 2020, que ce soit en termes de lissage des prix ou de dispositifs assurantiels.
Pour les céréaliers : « Il est temps d’anticiper les aléas »
Réagissant dans un communiqué à la publication des comptes de l’agriculture, l’AGPB (Association générale des producteurs de blé) constate que « le résultat global présenté reflète mal les difficultés sans précédent que rencontrent les céréaliers ». L’association estime qu’il « est temps de donner aux agriculteurs la capacité d’anticiper les aléas ». Selon l’AGPB « pour 2015 déjà, la commission confirme un revenu annuel de 16 700 euros par actif non salarié, soit environ 800 €/mois après déduction des charges sociales. Les céréaliers spécialisés auront ainsi perçu l’an dernier un revenu deux fois inférieur à la moyenne de 2005-2014 ». « Pour 2016, les revenus plongeraient pour devenir fortement négatifs à - 24 000 euros/actif », selon l’estimation professionnelle.