Le sauvetage d'un patrimoine et savoir-faire lavandicole

A l'ancienne ferme du Plan, la famille Jourdan-Rispal s'est réunie au grand complet le 29 juillet. Ce jour-là, elle a reçu du président de l'association « Patrimoine rhônalpin », Eddie Gilles-Di Pierno, le prix du meilleur projet 2015. Cette récompense vient couronner la restauration de la dernière distillerie de lavande de Séderon. « Il s'agit d'un projet réunissant trois générations qui partagent la même passion pour la lavande, explique Laure Jourdan-Rispal, propriétaire du lieu. Mon père, Jean-Pierre Jourdan, est fils de courtier en lavande et il a, durant de longues années, partagé la période de distillation avec ses beaux-parents. Son épouse, Aline, est fille de Gabriel Estellon, le fondateur de la distillerie du Plan dans les années 1920. Avec mon mari, Etienne Rispal, nous n'avons pas de lien professionnel particulier avec la lavande mais vivant à Sault, haut lieu lavandicole, nous sommes très attachés à nos racines dans les Hautes-Baronnies, à sa nature, son agriculture. Et nos trois garçons Thomas (19 ans), Nathan (17 ans) et Gabriel (11 ans) se sont pris au jeu. »
La lavande, une passion familiale
« Dans notre famille, la lavande est une passion dont les secrets se transmettent par les hommes et la propriété par les femmes », ajoute en souriant Jean-Pierre Jourdan (ancien directeur du CFPPA de Nyons, vice-président de l'Institut du monde de l'olivier et grand spécialiste de l'olive de Nyons, ndlr). La décision de maintenir ce lieu et de restaurer la distillerie a été prise par la famille dans les années 2008-2010. Les premiers travaux de remise en état de la cheminée et de la dalle sont effectués pendant les vacances scolaires de la jeune génération, guidée par le grand-père. La toiture menaçant de s'effondrer et la restauration de l'alambic nécessitant l'intervention d'un métallier, il ont fait appel à des professionnels. « Le coût a été élevé, 20 000 euros hors travaux personnels, explique Laure. Mais en 2014, nous sommes finalement parvenus à faire fonctionner de nouveau la distillerie. Alors, conscients que le savoir-faire attaché au lieu et détenu par Jean-Pierre Jourdan devait être transmis au plus grand nombre, nous avons participé l'été dernier au premier week-end thématique "Nature des Hautes-Baronnie", avant de soumettre un dossier pour concourir au prix du patrimoine rhônalpin. »
« Ces prix encouragent les initiatives locales qui valorisent toutes les formes de patrimoine dans les huit départements de Rhône-Alpes », explique le président de « Patrimoine rhônalpin ». Et remettant son prix à la famille, il a souligné « le caractère exemplaire de cette démarche familiale impliquant trois générations soucieuses de préserver un savoir-faire atypique ». Un outil et un savoir-faire qu'il sera possible de découvrir à Séderon ce samedi 8 août dans le cadre du nouveau week-end « Nature des Hautes-Baronnies* »
Alain Bosmans
* informations auprès de l'office de tourisme du Pays de Séderon au 04 75 28 55 00.
Histoire /
Séderon : un riche passé lavandicole
C'est à partir des années 1920 que Gabriel Estellon, beau-père de Jean-Pierre Jourdan et grand-père de Laure Jourdan-Rispal, installe un alambic à lavande à la ferme du Plan où subsiste encore les vestiges d'un moulin à grain datant de 1840 et ayant fonctionné jusqu'au début du 20ème siècle. Gabriel Estellon, alors distillateur « à façon », utilise un alambic de type « à feu nu », d'une capacité de l'ordre de 300 litres, ayant pour combustible le bois.En 1947, ce modèle est remplacé par un appareil à bain-marie et production de vapeur intégrée, qui permet de réutiliser comme unique combustible la paille de lavande qui vient d'être distillée. C'est cet alambic qui vient d'être rénové à la ferme du Plan. D'une capacité de 1 500 litres, soit environ 300 kilos de fleur de lavande distillés par « passe », cet appareil aura une brillante « carrière » durant trente-six campagnes. Y seront distillés les lavandes produites sur l'exploitation, qui a compté jusqu'à 7 hectares de lavande fine, mais aussi des lavandes et lavandins en provenance d'autres producteurs de la cuvette de Séderon, de la vallée de la Méouge et jusqu'au plateau d'Albion qui, à l'époque, n'avait pas d'approvisionnement en eau.Jusqu'à trois distilleries à Séderon
Ces années de campagne correspondent à la période où l'activité lavandicole était intense à Séderon. Sur la commune, on comptait alors trois distilleries. Cette activité était liée à la présence de la rivière, la Méouge, dont l'eau alimentait ces installations, ainsi qu'à l'emplacement de la commune, lieu de passage entre diverses vallées. Au début des années 1990, les méthodes de production ayant changé et les unités de production ayant du coup également évolué, l'activité industrielle liée à la lavandiculture a périclité. Sur ces trois distilleries ne subsiste aujourd'hui que celle du Plan, que la famille Jourdan-Rispal a souhaité restaurer afin de permettre la visite et des démonstrations de fonctionnement plusieurs fois par an. Aujourd'hui, la distillerie en activité la plus proche de Séderon est à Mévouillon.
A. B.