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Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles

Le “succès fou” du dispositif PCAE

Le PCAE, successeur du PMBE (plan de modernisation des bâtiments d’élevage), PPE (plan de performance énergétique) et PVE (plan végétal pour l’environnement), est le principal pilier de l’aide aux investissements agricoles pour la période 2015-2020. Son succès en 2016 atteste des besoins de la profession en matière de productivité et de compétitivité. Une nécessité pour restaurer une marge disparue.
Le “succès fou” du dispositif PCAE

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Avec 14,5 millions d'euros supplémentaires mobilisés - par rapport aux 44 millions d'euros prévus - le PCAE a été très sollicité. Et les financeurs ont « joué le jeu » en augmentant (la Région, l'État) ou en avançant (l'Europe) leur contribution financière. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce sont presque 1 200 dossiers qui ont été retenus en 2016. Un afflux de dossiers qui a un peu surpris l'administration, et même la profession, très agréablement. « Cela démontre que la majorité des agriculteurs croit encore en l'avenir », se réjouit Jean-Pierre Royannez, ex-président de la FRSEA Rhône-Alpes et cheville ouvrière de la construction de ce plan. « Ils savent bien que c'est dans les moments difficiles qu'il faut investir pour être prêt quand ça va repartir. »

La Région allonge l'enveloppe

Ce succès atteste aussi de la pertinence du plan, tant dans le choix des lignes d'actions subventionnables que dans les montants d'aides accordés. « Le fait que ce plan soit plus avantageux que les précédents a contribué à son succès », estime Nicolas Merle, président régional des JA qui se félicite par ailleurs que le conseil régional ait presque doublé son enveloppe pour permettre de répondre favorablement à toutes les demandes. Cette réussite est d'abord le fruit du travail syndical en amont. « C'est grâce à nos contributions, nous, FRSEA et JA, que nous avons obtenu ce plan. On n'avait jamais eu un programme comme ça ! Il est plus orienté sur l'économie des exploitations que le précédent. » Et de rappeler que ce plan concerne bien toutes les filières, pas seulement celles de l'élevage. Le taux de subvention de base de 40 % peut être majoré selon certains cas (jeunes agriculteurs, zone de montagne, agriculture biologique) et peut ainsi grimper jusqu'à 70 %, voire 80 % pour les travaux de mises aux normes. Un apport qui se révèle donc capital pour les projets d'installation ou d'évolution des exploitations. « Clairement, il est difficile d'imaginer une installation sans l'aide du PCAE pour la mise aux normes ou la construction d'un bâtiment », analyse le président des JA.
Le deuxième motif de satisfaction se tient dans le taux des dossiers retenus qui atteint 91 % des dossiers éligibles. Une réussite qui s'explique par l'accompagnement aux porteurs de projet « très bien réalisé par les chambres d'agriculture ou les filières », estime-t-on du côté de l'administration. Des dossiers bien ficelés qui arrivent au guichet unique de la DDT. « Les agriculteurs peuvent remplir et déposer leur dossier seul s'ils le souhaitent, mais c'est prendre un risque... », estime Jean-Pierre Royannez. L'administration se préoccupe de son côté de l'harmonisation du traitement des dossiers. « Nous réalisons régulièrement des réunions de concertation. Il faut nous assurer qu'un dossier soit noté de la même manière dans l'Ain ou en Ardèche », souligne Guillaume Nieuwjaer, chargé de mission à la Draaf. Si d'un point de vue purement administratif, le plan ressemble à une usine à gaz - et les retards de paiement sont là pour le prouver - il dispose au niveau gestion budgétaire d'une certaine souplesse, grâce à la fongibilité des lignes. Les montants pré-affectés à certaines filières peuvent glisser sur une autre selon les besoins. Ce fut le cas par exemple de la filière caprine, sous dotée dans un premier temps, qui s'est vu affecter des fonds supplémentaires pour répondre à une demande croissante de demandes, conséquence du dynamisme de la filière.

En attendant les versements...

Le gros point noir du dispositif, c'est évidemment le versement des aides, toujours pas effectué pour les dossiers 2016 et partiellement pour ceux de l'année précédente. La faute à un logiciel inadapté, et qui souffre aussi de complexité du dispositif, près de 60 mesures en Rhône-Alpes, autant en Auvergne et dans les autres régions françaises « tandis que les Pays-Bas n'ont que six mesures pour l'ensemble de leur pays », reconnaît le président de la FRSEA Rhône-Alpes. Le conseil régional vient néanmoins d'obtenir de l'État la reprise en main du traitement des dossiers pour en assurer le paiement.

Et en 2017 ?

En 2017, deux nouveaux appels à candidature sont programmés en Rhône-Alpes « mais les agriculteurs peuvent déposer à n'importe quel moment de l'année », rappelle l'administration. Le comité de sélection se réunira au printemps (avril ou mai) et à l'automne. Avec un succès aussi important ? « Difficile à dire, il y aura sans doute une stabilisation ou un léger recul par rapport à l'euphorie 2016 », pense Nicolas Merle. Au-delà de 2017, les responsables professionnels s'interrogent. « Nous savons que le Feader est une enveloppe fermée, or comme la contribution a été augmentée en 2016, on peut se poser la question pour la fin du plan en 2020 », s'inquiète Jean-Pierre Royannez. « Nous voulons les mêmes taux de subvention tout au long du programme. S'il manque de l'argent la dernière année, nous nous mobiliserons pour en trouver », prévoit déjà Nicolas Merle. Car le soutien aux agriculteurs qui souhaitent investir demeure une priorité. « Notre balance commerciale agricole a été déficitaire durant le second semestre 2016 pour la première fois depuis bien longtemps. C'est un signal. Nous avons un gros besoin de nous moderniser, de renforcer notre compétitivité. Que les politiques ne l'oublient pas », conclut le président de la FRSEA. 
D. B.

 

 

PCAE / A la suite d’un important sinistre ayant nécessité la reconstruction de ses bâtiments de production et de vente, Pierre Trollat (Domaine du chêne vert à Mirabel-aux-Baronnies) a expérimenté avec succès le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles.
Des fonds mobilisés pour reconstruire après sinistre

Issus d’une très ancienne famille d’agriculteurs dont on retrouve la trace depuis onze générations dans le sud de la Drôme, Pierre Trollat et son épouse Violaine se sont installés en 1978 sur des terres familiales à Mirabel-aux-Baronnies. En quarante ans d’un travail acharné, ils y ont créé le Domaine oléicole et viticole du chêne vert. En 1992, a débuté la conversion en agriculture biologique de toute la production. En 2001, ils ont construit de leurs propres mains une cave de vinification et un caveau permettant la production et la commercialisation au domaine de vins en bouteille, d’olives, huiles, jus de fruits et confitures. La rénovation à partir de 2004 (toujours de leurs propres mains) de la bergerie familiale a permis d'ouvrir quatre gîtes labellisés en juillet 2006. A partir de juillet 2011, la vente directe sur quatre magasins collectifs a été développée. Le domaine a adhéré à « Bienvenue à la Ferme » ainsi qu'à « Clés Vacances » pour l’affiliation des gîtes.
Des aides à l'investissement
Le 27 juin 2015 un violent incendie détruisait en totalité les bâtiments servant au stockage des olives, l’atelier mécanique, le caveau et le magasin d’exposition. Ce sinistre amenait les Trollat à s’adresser à la chambre d’agriculture afin d’obtenir des aides à la restructuration des équipements détruits. La conseillère en diversification et circuits courts, Nathalie Seauve, les a orientés vers la constitution d’un dossier de demande de subventions dans le cadre du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE). En mobilisant des fonds régionaux et européens pour le financement d’investissement individuels ou collectifs, des subventions peuvent notamment concerner la construction, la reconstruction ou la remise en état de bâtiments ainsi que l’achat d’équipements permettant d’améliorer une activité existante.
Avant d’être soumis à un comité régional de sélection, les dossiers de candidature sont reçus par la DDT qui les instruit selon une grille de notation et la preuve de l'impact du projet sur l’amélioration de la performance globale de l'exploitation. Ces aides permettent de financer 40 % de l’investissement pour la première tranche de travaux jusqu'à 40 000 €, puis de façon dégressive jusqu’à 200 000 €.
Un dossier à réaliser  avec soin
La chambre d’agriculture conseille et accompagne les demandeurs afin d'optimiser les chances de réussite. « La préparation du dossier est complexe, explique Nathalie Seauve. Elle s’étale sur huit à dix mois et nécessite de nombreuses pièces justificatives, rapports d’experts, doubles devis, permis de construire… Bien qu’étant atypique, le dossier du Chêne vert fut très bien noté par la DDT, qui l’a défendu avec succès devant le comité régional. L’aide obtenue s’élève à 21 000 € sur un montant de dépenses de l’ordre de 68 000 €. »
Dans la Drôme, 11 dossiers ont été retenus en 2015 et 24 en 2016, dont 6 préparés avec le concours et l’assistance de la chambre d’agriculture. Le montant total des subventions accordées (Région, Département, Europe) a représenté 281 324 € en 2015 et 495 197 € en 2016.
En 2015, sur les 11 dossiers, 6 ont concerné la filière animale (4 sur des ateliers de fabrication de fromages, 2 sur des ateliers de transformation charcutière dont 1 avec point de vente) et 5 la filière végétale (moulin à huile de noix, moulin à céréales, ateliers de transformation de fruits, bâtiment arboricole avec magasin de vente). En 2016, sur les 24 dossiers, 10 ont concerné les filières végétales (calibreuses pour les arboriculteurs, atelier de transformation de blé en farine, d'olives, légumes, champignons) et 14 les filières animales (aviculture, bovin, ovin, caprin). 
Alain Bosmans


Repères : Le Domaine du chêne vert
10 hectares d'oliviers dont 80 % en variété Tanche. L’huile est triturée à Nyons par le moulin Dozol-Autrand. Les olives de conserves sont confites au domaine avant d’être mis en pot avec la tapenade au CAT de Roaix.
28 hectares de vignes, dont 5 de côtes-du-rhône village Suze-la-Rousse, 20 en CDR et 3 en vin de pays. Vinification et mise en bouteille et bib au domaine (22 % du chiffre d’affaires), le reste en vrac vers le négoce.
Elevage : une dizaine de brebis et 6 vaches avec veaux broutent l’engrais vert semé dans les vergers d’oliviers et les vignes.
Main-d’œuvre : 5 équivalents temps plein dont Pierre Trollat et son épouse, deux salariés agricoles, un apprenti et des stagiaires français ou étrangers régulièrement accueillis au domaine.
Commercialisation : vente directe au domaine ou par l’intermédiaire de quatre magasins collectifs (« La musette de Valentine » à Bourg-lès-Valence, « Brin de terroir » à Vaunavays-la-Rochette, « Fraicheur paysanne » à Montélimar et le lycée agricole de Romans. Participation à des salons (Paris, Colmar, Lille, Vichy, Namur, Orléans…).
Agro-tourisme : quatre gîtes ruraux d’une capacité de 26 personnes. 
A. B.

Pierre Trollat devant le chantier de reconstruction en cours.
Contacts 
Nathalie Seauve, conseillère « diversification et circuits courts » à la chambre d’agriculture de la Drôme (04 75 70 69 30 - 06 25 82 77 79).
Frédéric Sourd, conseiller en bâtiments à la chambre d’agriculture de la Drôme (04 27 24 01 62 - 06 22 42 53 90).
Plus d'informations sur le site www.europe-en-rhonealpes.eu (appels-a-projets-competitivite-des-exploitations.htm).

 

 

TÉMOIGNAGE / Frédéric Faure, jeune exploitant en zone de montagne sur la commune de Mézilhac en Ardèche, a déposé un dossier d’aide pour la construction d’un bâtiment d’élevage, dans le cadre du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE).
“ Une aide primordiale dans la réalisation de mon projet ”

Frédéric Faure, 22 ans, s’est installé le 1er janvier 2016, reprenant l’exploitation de son oncle. La superficie est d’une centaine d’hectares groupés à une altitude de 1 250 mètres. Il produit de la viande avec un troupeau de 35 vaches allaitantes de race limousine et une vingtaine de génisses de renouvellement d’un et deux ans, son objectif étant d’atteindre la trentaine, et un troupeau de 100 brebis mères de race BMC (blanche du massif central). Sa production est vendue principalement à des négociants. Il aurait pu être intéressé par la production du fin gras du Mézenc mais sa commune ne fait pas partie du périmètre autorisé. L’alimentation des animaux est constituée principalement de foin produit sur l’exploitation. Cette année 900 balles rondes ont été récoltées.
Le problème de cette exploitation, ce sont les bâtiments, ils sont anciens et certains plus récents sont trop petits. « Quand j’ai repris l’exploitation, j’avais déjà l’idée de construire un nouveau bâtiment pour les vaches allaitantes et mon rapport de stage de fin d’études a porté sur cette construction. Mon maître de stage en construisait un. J’ai donc pu me rendre compte de la réalisation. En plus j’ai visité d’autres bâtiments récents et je trouve très intéressant de discuter avec les autres », déclare Frédéric Faure. Titulaire d’un BTS ACSE (analyse et conduite des systèmes d’exploitation), il a choisi cette option car  « elle permet de s’installer et développe aussi les connaissances en commerce et comptabilité », dit-il
Des procédures longues
Il a demandé la DJA (dotation aux jeunes agriculteurs) mais aujourd’hui avec le recul il se demande s’il a bien fait : « La longueur de la procédure notamment pour passer en commission, la complexité du dossier même si on a un conseiller référent de la chambre d’agriculture qui nous aide, cela ne nous dispense pas d’une attente dans l’étude du dossier. Et c’est pareil pour les prêts. J’ai déposé un prêt JA en mai et j’ai eu l’accord en août. Ce retard a complètement désorganisé la construction du bâtiment. On ne peut pas commencer les travaux sans avoir eu toutes les autorisations. Ils ont débuté en août, ce n’est pas la meilleure période pour les entreprises. Quand celle qui pose les bardages a voulu intervenir la maçonnerie était en cours... Ce fut un peu la même longueur lors du dépôt du dossier PCAE. Un conseiller de la chambre d’agriculture l’a assisté notamment pour un diagnostic des effluents d’élevage car il a prévu une stabulation libre avec un couloir d’alimentation, une aire paillée et une fosse sous caillebotis pour « économiser la paille. » Le bardage et la toiture sont en tôle isolée. Il a dû joindre plusieurs devis contradictoires, justifier le choix d’un devis un peu plus élevé.
33 % d’aides
« Le dossier a été déposé en février et j’ai eu l’autorisation en juin sans montant d’aide précis. Les aides sont calculées à la fois par pourcentage global au départ selon si l’on est jeune agriculteur, en zone de montagne et ensuite par tranches d’investissement. Et de toute façon il faut que le bâtiment soit terminé, les factures envoyées, avant de percevoir les subventions. J’ai dû faire un prêt en attendant. Aujourd’hui, pour un bâtiment d’un coût estimé à 200 000 euros, je percevrai 33 % d’aides », note le jeune agriculteur. Son bâtiment qui fera 800 m2, il l’attend avec impatience car il est seul : « J’ai besoin de simplifier mon travail pour être le plus autonome possible. De plus, quand on a un bâtiment fonctionnel, cela améliore les conditions de travail pour l’éleveur et c’est un mieux-être pour les animaux, ce qui n’est pas négligeable. » Mais ce bâtiment, sans les aides provenant notamment de l’Union européenne par le fonds européen d’aménagement et de développement rural (Feader), le jeune agriculteur n’aurait pas pu le réaliser. « Sans ces aides, je n’aurais pas pu faire ce bâtiment, ce fut primordial et déterminant pour mon projet. J’espère seulement qu’une fois le bâtiment terminé, je n’aurais pas trop à attendre leur versement. » 
Cécile Chanteperdrix