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Le veau, une filière à découvrir

La section veau de l'interprofession bétail et viande régionale (Interbev) a organisé, début avril dans la Loire, une journée portes ouvertes dans un élevage, à l'intention des acteurs de la filière. Focus sur le poids économique de la filière veau régionale, repères technico-économiques et enjeux sociétaux.
Le veau, une filière à découvrir

«Au Sirha 2019 à Lyon, la finale du concours du Bocuse d'Or a mis la viande de veau à l'honneur, a rappelé Angélique Delaire, représentante de la filière veau au sein d'Interbev Auvergne-Rhône-Alpes, en guise d'introduction à la journée dédiée à la filière veau de boucherie. Nous souhaitions poursuivre sur cette dynamique en organisant une journée dans un élevage pour montrer comment sont élevés les veaux qui produisent de la viande de qualité, pour combattre les idées reçues et, pourquoi pas, susciter des vocations. » Le rendez-vous était donc donné sur l'exploitation du Gaec des Valérins à Epercieux-Saint-Paul (Loire).

Renouvellement des générations

Angélique Delaire a expliqué « qu'un atelier de veaux de boucherie peut être mis en place pour assurer un complément de revenu mais aussi pour installer un jeune (400 places). Ce type d'élevage convient tout à fait à des personnes organisées et rigoureuses. Le temps de travail et le rythme de l'élevage sont bien cadrés.
La production ne subit pas les aléas climatiques et le travail s'effectue à l'abri ». De plus, « c'est une production rémunératrice ».
Différents types de contrats existent : paiement à la place, au veau, au résultat technico-économique.
« Le système d'intégration est sécurisant car il assure une rémunération régulière pour l'éleveur », indique-t-elle. Mais, Angélique Delaire estime que « la filière veaux n'est pas connue. Elle n'est pas présentée dans les écoles d'agriculture ».
De plus, « elle souffre d'un problème de renouvellement. Une génération d'éleveurs part à la retraite et a besoin d'être remplacée. »
L'interprofession est à la recherche d'éleveurs de veaux pour rejoindre le réseau d'élevage Inosys « veaux de boucherie » dont l'objectif est de suivre l'évolution des exploitations, de produire et diffuser des références techniques et économiques, de réaliser des études spécifiques. Le réseau a commencé à se mettre en place en 2017 et l'objectif est d'arriver à intégrer 120 élevages représentatifs de la production française.

Références technico-économiques

L'étude des exploitations ayant déjà intégré le réseau Inosys veaux de boucherie montre qu'une majorité des bâtiments est en dur (86 %), 14 % en tunnel et 97 % sont sur caillebottis et 3 % sur paille. Les énergies renouvelables sont utilisées pour chauffer l'eau : 21 % avec du bois en plaquettes, 21 % avec des panneaux solaires. La productivité du travail est très diverse selon les élevages : 198 à 510 places pour 1 UMO. Les durées d'engraissement sont variables selon le type racial, ce qui joue sur la rotation des lots (1,84 lot par an pour des veaux prim'holsteins ; 2 pour des veaux croisés lourds ; 1,93 pour des veaux croisés légers et 1,91 pour des veaux mixtes). L'énergie est le principal poste de charge pour un producteur intégré (21 euros par place, hors annuités). Viennent ensuite la consommation d'eau et le lavage (par tiers). D'autres charges viennent s'ajouter comme l'épandage (par tiers), l'assurance, les frais d'EDE et de CVO, l'entretien, ainsi que les annuités, les frais financiers et de gestion...

Utilisation raisonnée des antibiotiques

La réduction des antibiotiques était également à l'ordre du jour. L'indicateur qui mesure le niveau d'exposition des veaux aux antibiotiques, l'Alea, est passé de 5,86 en 2013 à 3,29 en 2016.
En 2015 a été créé, par l'Anses-ANMV et l'Institut de l'élevage, à la demande d'Interbev veau, l'observatoire pérenne de l'usage des antibiotiques en filière veau de boucherie, qui constitue un dispositif unique en France. Il est constitué de 40 élevages appartenant majoritairement au réseau Inosys veaux de boucherie et a vocation à être étoffé. Il vise à calculer plusieurs types d'indicateurs d'exposition aux antibiotiques, dont l'Alea, qui doivent servir de support pour des actions nationales sur les usages raisonnés des antibiotiques. La section veau d'Interbev a lancé, également en 2015, une campagne de sensibilisation à cette thématique, impliquant l'ensemble des acteurs de la filière : éleveurs, intégrateurs, vétérinaires, techniciens. La première action a été l'élaboration d'une charte interprofessionnelle de bonne maîtrise sanitaire et de bon usage des traitements médicamenteux en production de veaux de boucherie. Elle repose sur quatre outils : l'observatoire pérenne des usages, les recommandations des bonnes pratiques, le guide des bonnes pratiques d'hygiène et des formations (éleveurs, techniciens). 

Lucie Grolleau Frécon

 

Le Gaec des Valérins s’est diversifié avec un atelier de veaux de boucherie de 398 places.

 

En bref / Le poids de la filière veau d’Auvergne-Rhône-Alpes
Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) recense 273 ateliers qui élèvent plus de 100 veaux par an, soit 165 000 veaux produits à l’année (136 000 sont abattus dans la région). Un tiers des places sont sur litière en paille et deux tiers sur caillebottis. En Aura, un veau sur six est produit selon le cahier des charges d’une démarche de qualité (label rouge, agriculture biologique…). 20 % des veaux sont de race montbéliarde ou prim’holstein. Les types raciaux des veaux produits sont à 42 % de races à viande, 22 % de races laitières, 36 % de croisés. Les veaux sont abattus en moyenne à 166 jours d’âge à un poids moyen de 129 kg. Une douzaine d’intégrateurs mettent en place des veaux dans la région. Les abatteurs régionaux valorisent plus de 82 % de la production régionale. Les distributeurs, enseignes de la grande distribution, artisans bouchers, restauration collective s’engagent également localement. La filière veaux de boucherie régionale représente 26 millions d’euros de chiffre d’affaires dégagés lors de la mise en place des animaux en bâtiments, 180 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés sur les carcasses sortant des abattoirs (sans découpe) et 366 millions d’euros de chiffre d’affaires de vente aux consommateurs. n
A savoir /Aides de la Région
La Région Auvergne-Rhône-Alpes propose une aide dédiée aux investissements pour de la création ou du réaménagement de bâtiments. En 2018 (jusqu’à octobre), deux nouveaux bâtiments ont vu le jour dans la région. Le conseil régional soutient également un plan de valorisation de la qualité des cuirs (vaccination et traitement contre les poux).

 

Gaec des Valérins / Même s’ils ont encore peu de recul sur leur atelier de veaux de boucherie, les membres du Gaec des Valérins à Epercieux-Saint-Paul (Loire) s’en disent satisfaits.

Automatiser pour dédier du temps à la surveillance

L’exploitation du Gaec des Valérins compte 105 ha et 75 vaches allaitantes. Le bâtiment dédié aux veaux (398 places) a été construit au moment de l’installation du fils de Denis et Véronique Berger, Sébastien. « Nous avons visité quelques bâtiments début 2015 et le premier lot est arrivé en août 2017. » Les veaux arrivent entre 14 et 28 jours d’âge. Les premiers jours et semaines demandent beaucoup de travail (tri, vaccination), puis il s’allège au fil des semaines. « Pour les premiers repas, nous sommes présents tous les trois. Puis les veaux s’habituent à boire. Le reste du temps, nous faisons le travail à deux. Il faut compter 8 à 10 heures de travail par jour au départ, puis 4 à 6 heures une fois le lot en route. Nous passons beaucoup de temps pour la surveillance des animaux. Il faut vraiment avoir l’œil car les pathologies et symptômes sont différents de ceux en élevage de gros bovins. La ventilation n’est pas toujours facile à gérer. Mais, quand on sait que le développement ou non de pathologies en dépend, c’est important de bien la maîtriser. » Le Gaec des Valérins travaille avec Vitagro. « Nous sommes bien accompagnés ». Le vétérinaire passe également en moyenne une fois par semaine. Les gestes répétitifs dans ce type d’élevage sont souvent à l’origine de troubles musculo-squelettiques, notamment pour l’alimentation (lait pendant cinq mois et demi matin et soir, et maïs, paille en tant qu’aliments fibreux). Pour les limiter, le Gaec des Valérins a investi dans une petite mélangeuse pour la préparation de l’alimentation solide. La préparation du lait est également automatisée (120 tonnes de poudre de lait par lot sont consommées). « Nous gagnons en pénibilité mais aussi en temps, ce qui permet d’en passer davantage pour la surveillance. » Le départ des veaux est échelonné sur une semaine. L’abatteur (Sicarev à La Talaudière) préfère se fournir chaque semaine dans trois élevages différents pour limiter le risque d’avoir des viandes trop colorées. Le vide sanitaire est de trois semaines. « Il nous faut 8-9 jours pour tout nettoyer. Cette opération est gourmande en eau. »La famille Berger a voulu un bâtiment économique : lampes Led, ventilation basse consommation, chaudière biomasse (plaquettes bois pour chauffer l’eau). « Nous sommes enchantés par la chaudière à plaquettes bois : on ne dépend pas des cours du gaz et du pétrole ; une scierie toute proche nous alimente. Bien sûr, le bâtiment de stockage a occasionné un surcoût. » Les subventions représentent 24 % du coût total du bâtiment.Les membres du Gaec des Valérins se disent satisfaits de leur nouvel atelier. « Les objectifs des premiers lots ont été atteints. Les résultats économiques correspondent à l’étude qui a été faite pour l’installation. » De plus, « c’est un élevage qui ne dépend pas des aléas climatiques », tant pour l’alimentation que pour la paille (les veaux sont logés sur caillebottis). 
L. G F.