Les agriculteurs, des acteurs stratégiques des parcs naturels régionaux

«En 2015, j'ai compris que les agriculteurs étaient prêts à s'impliquer davantage dans la préservation et dans le développement du territoire ». Michaël Weber, a pris la présidence de la Fédération nationale des parcs naturels régionaux il y a un an. Également président du parc naturel des Vosges du nord, cet homme impliqué dans le réseau depuis 2008, se souvient mot pour mot d'une phrase prononcée par Xavier Beulin, à l'occasion d'une rencontre professionnelle. En plein rendez-vous, l'ancien président de la FNSEA avait alors affirmé : « On ne peut plus contester le fait que nos consommateurs veuillent retrouver du lien avec les producteurs ». « Nous faisions exactement le même constat », se rappelle Michaël Weber. Malgré les divergences qui ont longtemps divisé agriculteurs et environnementalistes, il semblait alors qu'une volonté commune de coopérer se profilait. « Nous avons toujours travailler avec les agriculteurs mais depuis quelques années, les choses se font plus naturellement », remarque-t-il. En effet, les chambres d'agriculture s'investissent de plus en plus dans l'entretien des territoires ruraux. En Isère, elles prennent part activement à la création du parc naturel de Belledone, en préparation depuis quelques années. « Nous travaillons activement avec l'Espace Belledone, la structure qui porte le projet de création du parc. Nous avons même signé une convention ensemble », explique Manuelle Glasman, responsable équipe territoires à la chambre d'agriculture de l'Isère. « Nous travaillons sur la reconversion des friches forestières en espaces agricoles, sur l'accompagnement des fermes qui ne font pas de transformation, sur la communication de la marque « ferme de Belledonne » qui met en avant le travail des producteurs fermiers », ajoute-t-elle. « En montagne, il y a toujours eu cette idée que les agriculteurs sont les gestionnaires de l'espace, qu'un environnement sain est bon pour l'homme ».
Une procédure très longue
L'implication des agriculteurs dans la création d'un PNR n'est pas pour autant toujours aussi simple. « Il y a des parcs où tous les acteurs vont dans la même direction dès le départ, d'autres où c'est plus compliqué politiquement et le projet met plus de temps à aboutir », reprend Michaël Weber. Par exemple, la question de l'agroécologie est un champ sur lequel les éleveurs du Pilat sont très sensibles. « Cela est un peu moins vrai pour les viticulteurs du territoire », explique Sandrine Gardet, directrice du parc naturel du Pilat. « On travaille avec eux sur la question des ressources fourragères et de l'enherbement. Mais rien que le terme agroécologie les rebute, alors même qu'ils s'y intéressent. Nous sommes perçus comme les ayatollahs de l'écologie ! », regrette-t-elle. Au-delà des questions politiques, l'élaboration d'un projet de PNR demande beaucoup de temps et de patience. En moyenne, la création d'un PNR prend une dizaine d'années. « Les élus changent, et avec eux les politiques. Certains ont mis plus de 30 ans à être reconnus » explique Michaël Weber.
Des spécificités territoriales
Un processus très long qui permet aux territoires ruraux de préserver leur identité, tout en essayant de se protéger de la forte urbanisation des villes avoisinantes. Le parc du massif des Bauges, crée en 1995 en Isère, a pour sa part mis en place des actions de valorisation et de maintien des prairies fleuries grâce à des partenariats entre éleveurs et apiculteurs. Depuis sa création en 1992, le parc des monts d'Ardèche, lui, doit faire face à un défi quotidien : les pentes de ses massifs. Éleveurs et cultivateurs ont dû adapter leurs pratiques pour tirer profit des terres soumises aux contraintes d'une géologie tourmentée et d'un climat capricieux. Quant au parc des Caps et Marais d'Opale (Pas-de-Calais), il a favorisé le développement des séchoirs en grange afin d'améliorer la qualité des fourrages, d'augmenter l'autonomie fourragère et protéique des élevages et de contribuer à assurer l'avenir économique des prairies. « Dans le parc des Vosges du nord, nous avons installé 170 vaches écossaises pour débroussailler les fonds de vallées et maintenir le paysage. Nous avons aussi délimité les rochers d'escalade qui empêchaient les faucons pèlerins de se reproduire », reprend Michaël Weber. Si depuis leur création respective, les 51 parcs naturels régionaux travaillaient ensemble, l'association des parcs d'Auvergne-Rhône-Alpes (APARA) a décidé de renforcer et d'officialiser le travail commun des neuf parcs naturels auvergno-rhonalpins, en 2015. « C'est un facilitateur, elle permet aux collectivités et aux organismes d'avoir un seul interlocuteur chargé de créer plus d'échanges entre les parcs de la région, notamment avec ceux d'Auvergne », explique Sandrine Gardet, coordinatrice de l'association.
Le modèle français inspire l'étranger
Le modèle des parcs naturels régionaux francophones intéresse non seulement les acteurs français mais aussi les pays étrangers pour son lien étroit avec les habitants. « Il y a quelques années, on a sorti l'homme des parcs mais on s'est aperçu que c'était une erreur. Aujourd'hui, il fait à nouveau partie intégrante de la biodiversité », se réjouit le président du parc des Vosges du nord. « L'Europe de l'Est, l'Amérique du Sud, le Maghreb et la Chine ont du mal à régler les problèmes de gouvernance, ce n'est pas dans leurs cultures. Ils nous sollicitent beaucoup pour des conseils », reprend-il. Il y a quelques mois, l'ambassade de Macédoine a d'ailleurs pris contact avec lui pour mieux comprendre le fonctionnement de ces territoires protégés. Le parc des PNR français continue d'augmenter. Cette année, le territoire de Saint-Baume (Var) devrait obtenir son label. Le suivront de peu, début 2018, l'Aubrac, le Médoc, et la Picardie Maritime-Baie de Somme pour atteindre un total de 55 PNR dans toute la France.
Alison Pelotier
Produits locaux /
Le PNR des Baronnies et les chambres d'agriculture ensemble
Le parc naturel régional des Baronnies provençales dans la Drôme est un parc récent né début 2015. Rapidement, le PNR des Baronnies et les chambres d'agriculture de la Drôme et des Hautes-Alpes se sont alliés pour faire reconnaître un projet alimentaire territorial (PAT) afin d'augmenter la proportion de produits locaux dans les assiettes des habitants mais aussi des touristes. Il s'agit d'abord de sensibiliser différents publics dont le personnel des offices de tourisme, les professionnels de l'hébergement et de la restauration. Sur le territoire du PNR des Baronnies, l'agriculture et les circuits courts occupent une place importante. Plus d'une centaine d'agriculteurs pratiquent la vente directe et les producteurs locaux alimentent également quatre points collectifs, un drive fermier, et vingt-un marchés hebdomadaires. Dès cet été, une première étape du PAT devait démarrer avec l'évaluation de la place des produits locaux dans le commerce traditionnel du territoire du PNR. De nombreuses actions pourraient être déclinées dans les prochains mois comme un business dating qui permettraient à des agriculteurs, commerçants et restaurateurs de se rencontrer pour créer de nouvelles relations commerciales. Il est aussi question d'une autre possibilité d'action qui viserait à fournir un panier de produits locaux aux touristes accueillis dans les gîtes et locations du parc.
REPEREs / Des parcs naturels régionaux très présents
Les 51 parcs naturels régionaux français représentent en 2017 plus de 4 300 communes, 4 millions d'habitants, 8,7 millions d'hectares, soit 15 % du territoire national. Plus de 2 000 agents y travaillent pour un budget moyen de trois millions d'euros par PNR. Le réseau des parcs d'Auvergne-Rhône-Alpes se compose de neuf parcs naturels régionaux et de quatre projets de parcs naturels régionaux, ce qui représente près de 30 % de la superficie de la nouvelle Région et 25 % des communes. Dans la Région Bourgogne Franche-Comté, le nombre de parc s'élève à trois : le PNR du Hauts-Jura, le PNR des Ballons des Vosges et celui du Morvan.Les PNR ne doivent pas être confondus avec les parcs nationaux de France. Le pays en compte dix dont deux dans le Centre-Est, tous les deux situés dans les Alpes : la Vanoise et les Écrins. Un projet de parc est en cours autour des fôrets de Champagne-Bourgogne. Les parcs nationaux français sont des espaces naturels classés du fait de leur richesse naturelle, culturelle et paysagère exceptionnelle.
Depuis le 1er janvier 2017, l'établissement public Parcs nationaux de France (PNF) a intégré l'Agence française pour la biodiversité (AFB). La mission des PNF est principalement tournée autour de la préservation du patrimoine des territoires concernés.A. P.