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Santé et espérance de vie

Les agriculteurs ont une meilleure espérance de vie

La santé des agriculteurs et salariés du monde agricole est l’objet de préoccupations des organismes de santé. Le dernier rapport d’études Agrican (1) (Agriculture et cancer) fait apparaître une moindre présence de cancer au sein de la population agricole et, du coup, une espérance de vie plus longue. Cependant, certaines pathologies, neurologiques notamment, sont surreprésentées et les troubles musculosquelettiques sont fréquents.
Les agriculteurs ont une meilleure espérance de vie

Vivez plus longtemps, devenez agriculteur ! » Ce pourrait être un nouveau slogan pour attirer les jeunes dans la profession. En effet, un agriculteur de 35 ans peut espérer vivre encore 44,6 ans (soit jusqu'à 79,6 ans), contre 42,8 ans en moyenne pour l'ensemble des hommes français. Une agricultrice de 35 ans peut espérer vivre encore 49,6 ans (soit jusqu'à 84,6 ans) contre 49,4 ans en moyenne pour l'ensemble des Françaises. « Sur une période donnée, il y a – 30 % de décès chez les agriculteurs par rapport à la population générale », constate le docteur Jean-Marc Thibaudier, médecin du travail de la MSA des Alpes du Nord. Une nouvelle plutôt rassurante qui se corrèle directement avec le taux de cancers dans la population agricole, 30 % inférieur à la moyenne nationale. Les raisons sont multiples mais le faible taux de tabagisme de la population agricole est sûrement un facteur clé. L'écart entre les agriculteurs et le reste de population est très flagrant sur le cancer des poumons (- 46 %) et à un degré moindre sur celui de la vessie (- 36 %). « Mais on constate chez les jeunes agriculteurs un mode de vie plus proche de la moyenne, notamment par rapport au tabac. Cet avantage pourrait donc être gommé à l'avenir », craint le docteur Thibaudier. Parmi les autres facteurs d'explications, le spécialiste avance une pollution atmosphérique subie inférieure aux citadins et une alimentation plus saine à base de produits frais.

Cancer de la peau en augmentation

À l'inverse, les exploitants et salariés agricoles subissent plus fréquemment certains cancers que les autres catégories professionnelles. C'est le cas de celui de la peau et pour une raison bien compréhensible : les expositions prolongées aux ultraviolets. « Et plus encore chez les femmes que les hommes, et pour cela nous n'avons pas d'explication », poursuit le spécialiste. Les cancers du système sanguin (myélomes multiples) sont également surreprésentés dans la population agricole, ainsi que le cancer de la lèvre.
La maladie de Parkinson surreprésentée
La question du rôle des pesticides dans le déclenchement des cancers est fréquemment posée et donne lieu parfois à des débats contradictoires. Le contact des pesticides pourrait être un facteur aggravant dans certains cancers du sang ou dans celui de la peau. « Mais comme globalement il y a moins de cancers chez les agriculteurs que dans le reste de la population, il est difficile de dire que l'utilisation de pesticides augmente globalement le risque de cancer », estime le docteur Thibaudier. En revanche, l'impact des pesticides pourrait se retrouver plus nettement sur d'autres pathologies, notamment neurologiques : altération des capacités neurocomportementales et maladies neurodégénératives dont les agriculteurs souffrent plus largement que la moyenne. Ainsi, la maladie de Parkinson, reconnue maladie professionnelle depuis trois ans, est deux fois plus présente dans la population agricole. Dans une moindre mesure, les agriculteurs sont également très concernés par la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Charcot. « Il est clairement établi que les insecticides sont neurotoxiques ainsi que les solvants utilisés dans les pesticides », poursuit le docteur. Autre hypothèse envisagée, la responsabilité d'autres substances neurotoxiques, comme du manganèse (dans les engrais) et ses dérivés, « mais là, des recherches restent à mener. »
Enfin, les pathologies bronchopulmonaires, conséquence de l'exposition aux poussières agricoles chez les éleveurs, sont particulièrement suivies. Dans l'étude Agrican, 8 % des participants déclarent en être victimes. Le risque serait accru chez les fumeurs.

Les gestes répétitifs entraînent des troubles musculosquelettiques.

Omniprésence des troubles musculosquelettiques

Les TMS (troubles musculosquelettiques) représentent aujourd'hui 95 % des maladies professionnelles pour les salariés agricoles et 87 % pour les exploitants. La filière la plus touchée est celle des métiers de la viande (découpe, etc.) Chez les exploitants, les travaux très répétitifs, comme la taille de la vigne ou la traite sont générateurs de troubles. Pour la MSA, ce développement des TMS est aussi la conséquence de l'intensification du travail, que la mécanisation de certaines tâches n'a pas réduit. Au « hit-parade » des TMS, on retrouve en premier lieu les problèmes de canal carpien, suivis de l'épaule qui peut être très invalidante car il est difficile de récupérer totalement et ensuite le rachis. « Les agriculteurs payent un lourd tribut au niveau de la colonne, parce qu'ils portent, parce qu'ils subissent les vibrations du tracteur, parfois en dévers ou en torsion », analyse encore le docteur. 

 

(1) Agrican : La cohorte Agrican est la plus grande étude au niveau mondial concernant la santé en milieu agricole et l'une des plus grandes études menées en France sur le cancer. Elle a débuté en 2005 et repose sur les données collectées auprès de 180 000 affiliés au régime social agricole.

 

Les arrêts maladies indemnisés

Les droits sociaux des chefs d’exploitation agricole se sont enrichis depuis deux ans d’un nouveau droit, celui de percevoir un revenu sous forme d’indemnités journalières en cas d’interruption de leur activité pour maladie ou suite à un accident de la vie privée. Ce dispositif baptisé Amexa permet d’étendre le champ de la couverture sociale des chefs d’exploitation et d’entreprise agricole qui ne pouvaient, jusqu’à présent, toucher des indemnités journalières qu’en cas d’accidents de travail ou de maladies professionnelles. Il ne vise pas à assurer la continuité économique de l’exploitation ou de l’entreprise agricole. En effet, la couverture de ce risque, très variable selon l’activité, relève de produits complémentaires laissés au choix de l'agriculteur.
Dans la pratique, l’indemnité journalière (IJ) Amexa est attribuée après un délai de carence de sept jours à partir de la constatation médicale de l’incapacité de travail pour les maladies et les accidents privés, et de trois jours pour les hospitalisations. Son montant est de 21,04 euros par jour pour les 28 premiers jours indemnisés et à partir du 29e jour indemnisé, elle grimpe à 28,05 euros par jour. Ce dispositif d’IJ ne vise donc pas à couvrir les petites maladies du quotidien, mais plutôt des affections de longues durées ou des maladies graves et incapacitantes. La durée d’indemnisation peut s’étendre pendant trois ans pour les interruptions de travail supérieures à six mois. Pour les arrêts inférieurs à six mois, l’assuré pourra percevoir pendant 360 jours maximum des indemnités journalières.
Pension invalidité
En cas de conséquences graves de l’accident ou de la maladie, une pension d’invalidité pourra être versée au chef d’exploitation, aide familial ou collaborateur qui justifie d’une incapacité totale. Ce taux est ramené à une incapacité de 66 % pour les seuls chefs d’exploitation et collaborateur. Les montants annuels sont respectivement de 4 356,37 et 3 379,95 €. Une majoration de 40 % est attribuée si l’état de l’assuré nécessite l’assistance d’une tierce personne.
Conditions pour en bénéficier :
Amexa concerne les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre exclusif ou principal, ainsi que les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole, et les aides familiaux (ou associés d’exploitation). Pour en bénéficier, il ou elle devra d’abord être affilié(e) au régime d’assurance maladie, invalidité, maternité des non-salariés agricoles (Amexa) depuis au moins un an, sauf pour les assurés commençant leur activité agricole, et bien sûr être à jour de la cotisation forfaitaire spécifique obligatoire (IJ Amexa) au 1er janvier de l’année civile concernée. 

C. P.