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Pastoralisme

Les alpages sentinelles, observatoires partagés

Pour mieux appréhender et anticiper l'impact du changement climatique dans le massif des Alpes, des alpages sentinelles ont été créés dont quatre dans le Vercors. Un dispositif se voulant à la fois observatoire et espace de dialogue.
Les alpages sentinelles, observatoires partagés

L'Adem (association départementale d'économie montagnarde) de la Drôme, que préside Philippe Cahn, a dernièrement tenu sa rencontre annuelle sur l'unité pastorale de Darbounouse. Ce site est un alpage sentinelle. D'ailleurs, c'était l'un des thèmes de cette journée, traité notamment par le Gaec Robert (utilisateur de l'alpage), Baptiste Nettier (chercheur à l'Irstea*), Pierre-Eymard Biron (conservateur de la réserve naturelle des hauts plateau du Vercors) et Thomas Romagny (technicien à l'Adem de la Drôme). La réserve naturelle nationale des hauts plateaux du Vercors et l'abreuvement des troupeaux en alpage étaient aussi au programme.

A l'échelle des Alpes

L'alpage sentinelle est un dispositif de suivi, recherche et concertation entre tous les acteurs concernés, existant à l'échelle des Alpes. Il a vu le jour en 2007 dans le parc national des Ecrins à la suite des sécheresses des années 2000. Ces aléas climatiques avaient fait émerger des tensions, des incompréhensions entre gestionnaires de l'environnement et acteurs du pastoralisme. Les premiers trouvaient le pâturage trop fort sur certaines zones (végétation dégradée).
Constat avait alors été fait d'une double nécessité. D'une part, celle de mieux comprendre et anticiper l'impact du changement climatique sur les alpages. D'autre part, celle de mobiliser les différents acteurs pour favoriser échanges et apprentissages collectifs. Ainsi sont nés les alpages sentinelles, pour prendre en charge collectivement la problématique d'adaptation au changement climatique. Monté et piloté par l'Irstea, ce dispositif s'est par la suite élargi à d'autres territoires du massif alpin dont, en 2012, le parc naturel régional du Vercors. A présent, 31 alpages et 37 exploitations en tout sont suivis sur le massif alpin. Outre l'unité pastorale de Darbounouse, le Vercors compte trois autres alpages sentinelles : ceux de Jocou, la Molière et la Grande cabane (voir ci-...).

Suivis et dialogue

Le dispositif comporte deux volets. Le premier est un observatoire basé sur des suivis du climat, de la végétation, des pratiques pastorales sur l'alpage et d'exploitations utilisatrices de ces alpages sentinelles (voir ci-...). Le second volet est un espace de dialogue entre bergers, éleveurs, techniciens agricoles et pastoraux, chercheurs, gestionnaires d'espaces protégés.
« Nous voulons que les éleveurs et bergers soient au centre du dispositif, confie Thomas Romagny. Nous leur demandons de faire part de toutes leurs observations pouvant servir à mieux comprendre les caractéristiques de l'année : état de l'herbe à l'arrivée sur l'alpage et évolution pendant l'estive, météo, comportement du troupeau, conduite et circuits de pâturage... »

Préserver la ressource

En Drôme, le Parc naturel du Vercors anime le programme. La réserve naturelle nationale des hauts plateaux du Vercors apporte les données météo de ses stations. L'Adem se charge du recueil des pratiques pastorales ainsi que de la discussion avec les éleveurs et bergers. La chambre d'agriculture suit des exploitations utilisatrices de ces alpages. L'Irstea assure la coordination scientifique du programme et participe à certains protocoles de suivis. Les alpages sentinelles bénéficient du soutien financier de l'Europe, l'Etat, des Régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Leur animation est toujours portée par les Parcs (nationaux ou régionaux, selon les territoires).
Thomas Romagny remarque à propos des alpages sentinelles du Vercors : « Nous disposons de seulement trois années de travail, c'est extrêmement court à l'échelle du climat. Actuellement, nous sommes dans une phase de mise au point du protocole, de coordination entre tous ainsi que de recueil et partage des premières données. Nous ne sommes pas encore sur des résultats scientifiques bien posés. D'autant plus que ces dernières années sont très différentes les unes des autres. L'objectif, à terme, est d'essayer de caractériser des conduites qui permettraient, en cas d'aléas, de préserver la ressource pastorale sur les alpages ».

Annie Laurie

(*) Irstea : institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (ex-Cemagref).

 

Les alpages sentinelles du Vercors

L'unité pastorale de Darbounouse est l'un des quatre alpages sentinelles du Vercors. Crédit photo : Adem.
- L'alpage de Darbounouse :
Unité pastorale de 860 hectares dans la réserve naturelle nationale des hauts plateaux du Vercors, sur les communes de La Chapelle et Saint-Agnan-en-Vercors (26), Saint Andéol et Corrençon-en-Vercors (38). Alpage utilisé par le Gaec Robert (trois associés), de Saint-Jean-en-Royans. Troupeau de 1 000 brebis et 200 agnelles. Pâturage du 20 juillet au 25 septembre (en moyenne).
- L'alpage de Jocou :
450 hectares sur les communes de Glandage et Lus-la-Croix-Haute (26). Groupement pastoral composé de sept éleveurs du Diois. 1 100 brebis. Pâturage du 20 juin au 30 septembre (en moyenne).
- L'alpage de la Grande cabane :
1 670 hectares sur les communes de Gresse-en-Vercors (38) et Saint-Agnan-en-Vercors (26). Trois éleveurs utilisateurs. 2 200 ovins. Pâturage de fin juin à début octobre (en moyenne).
- L'alpage de la Molière :
470 hectares sur les communes d'Engins, Autrans et Lans-en-Vercors (38). 25 éleveurs utilisateurs. 300 bovins. Pâturage de début juin à mi-octobre (en moyenne).

 

Quatre types de suivis 

Le volet « observatoire » du dispositif alpages sentinelles s'appuie sur des suivis :
- climatiques : analyses des données par Météo France, recueil de la pluviométrie par les bergers, analyse du déneigement via des images satellite ;
- de la végétation : évolution de la composition floristique à long terme, mesure de la biomasse annuelle disponible pour les troupeaux, de l'impact du pâturage (tournées partagées de fin d'estive) ;
- des pratiques pastorales sur les alpages : enregistrement du calendrier de pâturage, entretien avec les bergers (perception, logique de gestion, raisons des pratiques) ;
- du fonctionnement des exploitations : approche globale, pratiques sur l'année, analyse des liens avec les alpages.