Accès au contenu
Bière

Les brasseurs mettent le houblon en culture

Initier une filière régionale de houblon pour alimenter en circuit court la centaine de brasseries artisanales de Rhône-Alpes, tel est le projet de Biera, l’association des brasseurs indépendants. Un premier agriculteur brasseur de la Drôme a planté 0,6 hectare de houblon.
Les brasseurs mettent le houblon en culture

Les agriculteurs et brasseurs artisanaux, réunis à la brasserie des 3 Becs à Gigors-et-Lozeron dans la Drôme le 1er avril dernier, échangent autour des difficultés pour s'approvisionner en houblon (cônes ou pellets) et surtout en bio. « Voilà des semaines que j'appelle en vain en Grande-Bretagne », précise l'hôte du jour et premier planteur de houblon dans cette région. Emmanuel Feraa cultive déjà de l'orge et espère pouvoir être totalement autonome d'ici deux ans pour brasser ses quatre sortes de bière bio, dont il prévoit de commercialiser 1 000 hl/an d'ici deux ans. « Pour aromatiser nos bières, nous allons tenter de sélectionner une variété de houblon afin qu'elle s'adapte à notre terroir de façon à promouvoir son caractère local et sa typicité ». Un projet qualitatif à moyen terme pour une filière encore balbutiante. Le 0,6 hectare de houblon qui sera récolté en septembre prochain sera destiné à trois brasseries : celle des 3 Becs, au Ninkasi près de Lyon et à la brasserie du Mont-Blanc. Cette première étape concrétise le projet de création d'une filière régionale de houblon, caressé depuis plus de deux ans par Biera, l'association des brasseurs indépendants en Rhône-Alpes. « Lorsque le Ninkasi est né voilà 18 ans, il n'y avait que 10 brasseries dans la région. Le nombre des brasseurs artisanaux a explosé depuis cinq ans et la progression continue. Nous avons fait un décompte en octobre dernier, il y avait 107 microbrasseries, un chiffre qui plaçait Rhône-Alpes en tête des régions françaises. La demande locale en houblon augmente donc et nous constatons que les consommateurs de bières sont sensibles à l'origine des produits qui les composent », souligne David Hubert, directeur de Ninkasi et président de Biera. Pour se lancer avec cette production, Biera a passé contrat avec Emmanuel Feraa en réalisant une précommande de houblon sur trois ans (220 kg de houblon sec). Une avance de trésorerie indispensable pour que le paysan puisse supporter les coûts d'implantation de cette culture. David Hubert précise que les brasseurs de la région espèrent, à terme, voir s'implanter du houblon sur 12 hectares. La production française sur 500 hectares en moyenne – dont une partie est exportée - est réalisée en Alsace et Nord-Pas-de-Calais.

Emmanuel Feraa, de la brasserie des 3 Becs et David Hubert, directeur de Ninkasi et président de l’association des brasseurs indépendants (Biera), plantent symboliquement des plants de houblon à Grâne.
La plantation symbolique de quelques plants de houblon à Grâne a permis aux protagonistes de ce projet régional – brasseurs, paysans, les associations Bioconvergence et Rhône-Alpes Auvergne Gourmand – de souligner son aspect collectif, faisant le lien entre production, transformation et distribution. Anne-Laure Molle, propriétaire de la brasserie de la Loire près de Saint-Étienne, a témoigné de son intérêt pour ce principe de circuit court, interrogeant Emmanuel Feraa dans l'optique de se lancer elle aussi dans une culture de houblon. Des viticulteurs étaient venus en curieux à la recherche de diversification.
Louisette Gouverne

 

Une plantation test 

La première parcelle de houblon rhônalpine de 0,55 ha située à Grâne (Drôme), en bordure de cours d’eau, a été plantée en mars avec quatre variétés (cascade, hersbrucker, perle, saaz). Emmanuel Feraa a acheté les 1 500 plants en Allemagne. L’investissement initial s’élève à 20 000 €/ha et comprend notamment le coût des poteaux de 6 mètres (40 € l’unité). Emmanuel Feraa a choisi de ne pas palisser sa culture de liane, mais d’installer dix rhizomes autour de chaque poteau pour qu’ils poussent sur des ficelles en formant un tipi. De mars au début de l’été, il faut aider à la main la liane à grimper ; travail confié à des saisonniers. Pour le désherbage, il envisage de recourir à la traction animale et il s’apprête à acquérir un mulet des Alpes en Savoie. Durant l’été, pour satisfaire les besoins en eau de la plante, il apportera des tonnes d’eau si besoin et veillera tout d’abord à assurer un bon paillage autour des plants, sensibles au vent, au mildiou, à l’oïdium. La récolte en septembre sera manuelle. Le houblon coupé à la main sera trié en bout de champ et, d’ici là, un séchoir artisanal sera installé à la brasserie à Gigors-et-Lozeron, en s’inspirant des techniques utilisées par les producteurs de plantes aromatiques. L’investissement important que représentent une trieuse et un séchoir spécifiques n’est pas envisagé pour cette première parcelle.