Les cardons, ces délices de Noël

Il est la quatrième génération. Aurélien Ravit, 38 ans, est aujourd'hui le gérant de l'EARL Ravit-Brunet, dont le siège est implanté à Anneyron. Sur 160 hectares, l'exploitation cultive des céréales (blé tendre, blé dur, colza, tournesol, maïs, soja, sorgho), des fruits à noyaux (abricot, cerise) et produit de la semence de luzerne. « Ceci afin de pallier aux problèmes d'érosion sur les terres que nous possédons à Beausemblant », précise l'agriculteur. Autant de productions qui permettent de sécuriser le revenu.
L'exploitation cultive également des légumes, parmi lesquels des cardons en frais (le cardon vert de Vaulx-en-Velin pour ses côtes fines). Une production « historique ». « Mon arrière-grand-père a commencé quand il faisait les marchés. Il y avait une demande », raconte Aurélien Ravit. Au fil du temps, la production a perduré. À ceci près qu'elle est aujourd'hui commercialisée auprès des marchés de gros (Corbas, Grenoble), ainsi que de certaines centrales d'achat.
Une technique culturale maîtrisée
Mais, pour que la qualité soit au rendez-vous, l'agriculteur doit être vigilant sur bien des aspects. « Pour arriver à un produit présentable, le cardon doit être assez droit et relativement blanc. C'est ce que les clients demandent, c'est visuellement plus attractif », indique Aurélien Ravit. Dès lors, le sol se doit d'être bien structuré afin que le légume s'enracine facilement (système pivotant). « Le cardon doit pouvoir tenir lors d'épisodes de vent ou de pluie. Il faut éviter qu'il y ait des semelles, le sol doit permettre aux racines de bien se développer », précise-t-il encore. Les cardons seront également empaillés et attachés manuellement. Un vrai savoir-faire développé au fil du temps. Par exemple, les côtes ne doivent pas être étouffées. Le plastique est par ailleurs désormais préféré au papier, de par sa rigidité face à la pluie ; il pourra aussi être réutilisé. « Le travail est manuel car, au champ, les cardons ne peuvent pas avoir le même calibre », explique-t-il.
Les semis se déroulent autour de la première quinzaine du mois de mai. « On fait attention à la lune, pour éviter que le cardon ne monte en graine », note également Aurélien Ravit. L'éclaircissage est manuel. Le désherbage, quant à lui, est essentiellement mécanique (à la bineuse), même si un désherbage chimique est aussi réalisé. Certaines plantules peuvent aussi être arrachées à la main, lors d'autres opérations.
Un légume apprécié
Par ailleurs, même si cette plante est réputée pour être rustique, l'exploitant doit quand même veiller aux maladies et ravageurs. « Il y a quelques traitements fongicides, de prévention avec du cuivre. On utilise des insecticides pour le ver gris, en début de cycle, pour le puceron aussi. Avec le temps de cette année, on a d'ailleurs eu beaucoup d'attaques de pucerons », relate-t-il. Des pieds creux peuvent, enfin, être liés à des problèmes de rotations. « On essaie d'éviter de cultiver le cardon d'une année sur l'autre au même endroit. On alterne cultures d'automne et de printemps, ajoute-t-il. Tous les deux à trois ans, on revient sur la parcelle. » Les cardons s'enracineront pendant l'été et pousseront lors de l'automne.
Aurélien Ravit n'a pas à se plaindre, sa production continue d'avoir des aficionados. Il n'empêche, en presque vingt ans, il a remarqué que la consommation avait évolué. « Le marché du frais, qui se cantonne au mois de décembre, est aujourd'hui restreint. Il y a une vingtaine d'années, mon père commercialisait du frais à partir du 15 septembre, jusqu'au 1er novembre, se souvient-il. S'il fait trop doux lors de cette période, les consommateurs ne vont pas aller vers ce produit. Or, il y a vingt ans, on notait davantage d'épisodes gélifs. Désormais, le gros volume part pour Noël. ». Les températures présentent cependant un avantage : les cardons peuvent rester dans le champ. « En 2010, nous avons eu moins dix degrés en novembre. Les cardons n'ont pas résisté », raconte-t-il encore.
Les douces températures ne sont en revanche pas les seules à avoir un impact sur le choix des consommateurs. En outre, Aurélien Ravit note que le cardon demande aussi, en cuisine, une certaine durée de préparation. Et tous les clients n'ont pas ou plus assez de temps.
Aurélien Tournier
DANS LES ASSIETTES / Le cardon est un légume qui est souvent mis à l’honneur lors des fêtes de fin d’année.
Des idées de recettes
Le cardon est un légume que connaissent bien nos grand-mères. « On les épluche comme les blettes, on les coupe en petits morceaux, il faut bien les faire blanchir, relate l’une d’elles. On les accommode comme on veut. On peut les faire cuire avec un os à moelle et un roux, un jus de viande, à la crème avec une bonne béchamel, du fromage, etc. Quand on les épluche, pour éviter qu’ils noircissent, on les met dans de l’eau citronnée ou vinaigrée. »Le cardon inspire également nos chefs cuisiniers. « Nous servons surtout les cardons avec les viandes festives, telles les poulardes ou chapons de notre région, également en accompagnement d’une dinde de Noël avec un bon jus, explique Bruno Chartron (Saint-Donat-sur-l’Herbasse). L’idéal est de râper un peu de truffe fraîche - si on en dispose - sur le cardon dans l’assiette avant de le déguster. » Le chef cuisine aussi un gratin de cardons à la moelle. « Pour une cuisine plus orientale, on peut le travailler en couscous avec navets et raisins secs... », note aussi Thomas Redon (Romans-sur-Isère). A. T.