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Céréales et arbo

Les champs bio Valentin, quinze ans en bio

Denis Valentin, l'un des lauréats des Talents Tech&Bio 2015, exploite 98 hectares en agriculture biologique dans le nord de la Drôme.
Les champs bio Valentin,  quinze ans en bio

Quand on veut, on peut. Un adage respecté au pied de la lettre par Denis Valentin. Celui-ci ne pouvant reprendre les terres familiales - le propriétaire ayant un autre avenir pour celles-ci -, il a décidé de constituer sa propre exploitation. Car l'agriculture restait une véritable passion. En 1980, à 22 ans, il décide alors de s'installer sur 18 hectares. Aujourd'hui, l'exploitation s'étend sur 98 hectares, à Beausemblant et dans ses environs.

Le bio, une prise de conscience

Mais ce n'est que depuis les années 2000 que Denis Valentin exploite ses terres en agriculture biologique. Le nom de l'entreprise est devenu alors "Les champs bio Valentin". Une véritable prise de conscience. « Je regrette d'avoir utilisé pendant vingt ans des produits chimiques, de synthèse. Ils fonctionnent bien mais on ne se rend pas compte de ce qu'ils deviennent, explique-t-il. Pour les cerisiers par exemple, en conventionnel, on applique un produit insecticide sept jours avant la récolte. Celui-ci pénètre alors la cerise pour tuer l'asticot. Quel devenir dans la cerise ? Personne ne s'en est soucié car tout le monde faisait comme cela. Le consommateur achète alors le fruit, mais aussi le produit chimique qui est dedans. Et c'est aussi dangereux pour l'agriculteur qui l'applique. Il y a enfin nos terrains, ajoute-t-il. Ces produits chimiques restent. Quelles terres allons-nous laisser aux générations futures ? Il y a là une vraie réflexion. »

Une nouvelle façon de travailler

L'agriculture biologique est aussi une nouvelle façon de travailler. « C'est difficile de passer en bio, confie Denis Valentin. Il faut apprendre les bons gestes, choisir les bonnes variétés résistantes aux maladies et raisonner de façon agronomique. En conventionnel, quand on a un problème, il suffit d'appliquer un produit. Là, ce n'est pas possible. On est plus angoissé, confie-t-il. Il n'y a pas de rattrapage possible et ça peut pénaliser le revenu. » La culture du soja sur son exploitation est d'ailleurs arrivée en même temps que le bio. Cette légumineuse laisse notamment un reliquat d'azote non négligeable. Le sol limino-argileux en plaine fonctionne également bien grâce aux apports de compost, aux engrais organiques et engrais verts. Si l'exploitant fabrique ces derniers, il achète les autres auprès de producteurs locaux.

Diversifier pour réguler le revenu

L'exploitant cultive des céréales (90 ha) et des arbres fruitiers (8 ha). Une diversification à laquelle il tient. Pour autant, il n'engagera désormais plus de nouvelles cultures. Denis Valentin privilégie le circuit long. Les céréales sont collectées par la coopérative Drômoise de céréales qui possède un silo spécifique. Les fruits (12 % du chiffre d'affaires) sont livrés à Rhodacoop. L'exploitation propose toutefois en vente directe des jus de fruits. Des pommes sont également vendues au détail. Une activité visant surtout à valoriser le produit, celle-ci ne réprésentant qu'à peine 1 % du chiffre d'affaires. Avant le passage en bio, de petits volumes de melons étaient déjà vendus en circuit court. Mais il faut dire que ce n'est pas forcément ce que recherche Denis Valentin.
C'est qu'il prend d'ailleurs davantage de plaisir à cultiver des céréales que des fruits. « On arrive à vivre, on s'en sort bien. Parce qu'il y a les céréales. Ici, avec les fruits, on ne fait que boucler », souligne Denis Valentin. Pourtant, la diversification a été importante aux débuts de l'exploitation. « L'irrigation, dès 1988, a notamment permis cela, poursuit-il. Diversifier, cela régule le revenu ». Depuis, des pistes ont été explorées, dont la culture du triticale. « J'ai été déçu au niveau du rendement. Les prix de vente sont aussi en dessous de celui du blé », explique-t-il. Il préfère désormais se concentrer sur ses acquis. 
A. T.

 

Repères /
Création en 1980.
Matériel en copropriété depuis 1986.
En 2012, création d'un GIE.
Superficie de l'exploitation : 98 ha.
Céréales : blé (51 quintaux en moyenne), soja (33 quintaux), maïs (107 quintaux), colza et luzerne.
Fruits : cerises, abricots et pommes.
2 salariés (1 ETP).
Rotation sur trois ans.
70 % irrigable. 

 

Mutualisation / Denis Valentin fait partie des Talents Tech&Bio 2015, une distinction qui vise à mettre en lumière des exemples de réussite. S'il assure ne pas en connaître les raisons, il semblerait que les organisateurs aient particulièrement apprécié la création d'un GIE.

Un GIE pour partager le matériel agricole

Dès 1986, Denis Valentin a choisi d'acquérir du matériel en copropriété, et notamment celui spécifique aux céréales : tracteurs, charrue, vibroculteur, semoir à maïs, etc. « Sauf le matériel d'irrigation et celui d'arboriculture car on en a besoin en même temps », précise-t-il. En 2007, un nouvel agriculteur alors en phase d'installation rejoindra le duo. « Cela lui a permis d'acheter du matériel proportionnellement à sa surface. Ce fut un bon coup de pouce sans toutefois lui faire de cadeaux », ajoute-t-il.
En 2012, un groupement d'intérêt économique (GIE) est créé. Présidé par Aurélien Ravit, un agriculteur implanté à Anneyron, "Agribiotech Albon" rassemble aujourd'hui six exploitants. Initialement, ceux-ci s'étaient réunis autour de la problématique d'un forage d'eau potable classé Grenelle, dans une zone classée "enjeu environnemental". Puis, du matériel agricole a été acheté en commun.
Six exploitants réunis
« Nous avons acquis du matériel de binage, ainsi que des GPS pour les tracteurs, précise Denis Valentin. Le binage demande beaucoup de précision. Là, l'outil et le tracteur sont guidés. » Le GIE possède également un semoir à maïs, un rouleau, une herse étrille, des houes, un décompacteur ou encore un gyrobroyeur. « Chacun paie proportionnellement, indique Denis Valentin. Nous avons également pu bénéficier de subventions. Sans oublier le partage d'expériences. C'est un aspect qui nous permet à tous d'avancer et d'être pointus sur le matériel et nos techniques. »
En février 2015, la structure a été agréée GIEE. A 58 ans, l'exploitant y voit ainsi un atout et un certain soulagement. Le capital de l'exploitation se trouvant alors amoindri, une reprise dans un cadre hors familial sera facilitée.