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Cultures associées

Les clés du succès de l'association blé et légumineuses fourragères

Après huit ans d'expérimentation, les chercheurs de l'Isara-Lyon ont tiré les enseignements des
techniques d'association de blé d'hiver avec des légumineuses fourragères. S'il reste des points à documenter, l'association offre plusieurs atouts avec l'enrichissement du sol en azote et la limitation de la pression des adventices.
Les clés du succès de l'association blé et légumineuses fourragères

Fruit de huit années d'expérimentation sur différentes parcelles de la région Rhône-Alpes par les chercheurs agronomes* de l'Isara-Lyon, les conclusions de l'étude consacrée à l'association de blé d'hiver à des légumineuses sont riches d'enseignement. D'abord, cette pratique offre plusieurs avantages notamment en matière de contrôle des adventices et de restitution d'azote pour la culture suivante. Ainsi, grâce à la propriété des légumineuses de stocker l'azote atmosphérique dans le sol, un couvert associé à un blé peut stocker dans le cadre du trèfle blanc de l'ordre de 60 unités / ha en moyenne pour la culture suivante. L'enrichissement du sol en azote permet d'augmenter le rendement d'un maïs irrigué de 30 %, passant en moyenne de 8,5 tonnes/ha de matière sèche (MS) à 12 tonnes. Par ailleurs, une association réussie permet de contrôler totalement les adventices. « Les résultats collectés et analysés ont mis en évidence le rôle majeur du couvert de légumineuses dans la réduction de la pression d'adventices et l'apport additionnel d'azote au système de culture, écrivent les six chercheurs associés à ces travaux. Ces deux services sont particulièrement profitables dans le cadre de l'agriculture biologique qui ne dispose d'aucun recours chimique pour lutter contre les adventices et présente des déficiences d'azote souvent plus importantes qu'en agriculture conventionnelle. Elle peut également être intéressante dans une démarche d'agriculture à bas intrants. »

Différents types de couverts de légumineuses

Ces expérimentations réalisées par l'unité agroécologie et environnement de l'Isara-Lyon portent sur deux types de couverts utilisés : des couverts d'une seule espèce avec du trèfle violet, du trèfle blanc, de la luzerne et de la minette ainsi que des couverts de plusieurs variétés mêlant du trèfle blanc, du pois d'hiver et de la féverole ou du trèfle blanc géant et du trèfle blanc nain. Les couverts ont été implantés suivant deux modes d'association : l'association relais, soit un semis sous le blé au printemps, et l'association simultanée, qui consiste à semer le couvert à l'automne avec le blé à différentes densités (lire encadré).

Une culture plus complexe

Les chercheurs de l'Isara expliquent que l'implantation en association d'un blé et d'une légumineuse implique une gestion plus complexe de la culture où la nature des relations de concurrence et de complémentarité entre les espèces est déterminante. Il convient de trouver le bon équilibre entre le développement du couvert, afin qu'il puisse jouer son rôle d'étouffement des adventices et de stockage d'azote dans le sol, et l'absence d'impact négatif sur le rendement du blé. La gestion d'association de cultures doit « s'appuyer sur l'observation régulière des parcelles et utiliser à son avantage les leviers de gestion qui consistent au mode d'association, au choix de l'espèce de légumineuse et à la fertilisation ou non de la parcelle au printemps. »

Consilter les endement moyen de blé en association avec un couvert de légumineuses (q/ha) et conseils.

Favoriser le semis d'un blé-trèfle blanc à l'automne

L'association simultanée ou l'association relais n'ont pas les mêmes conséquences sur le développement du couvert de légumineuse et donc sur l'atteinte des résultats attendus. Les chercheurs conseillent de favoriser l'association simultanée dans les parcelles où les conditions le permettent avec une fertilité et une réserve utile d'eau suffisante en choisissant un couvert peu concurrentiel avec le blé tel que le trèfle blanc. Un couvert implanté à l'automne avec le blé favorise un contrôle plus précoce des adventices, mais doit être surveillé pour ne pas pénaliser le blé en fin d'association. Le trèfle blanc atteint par exemple en moyenne 2 tonnes de MS par hectare fin septembre, contrôle très avantageusement la flore indésirable sous le seuil des 300 kg/ha de MS à la récolte du blé et restitue en moyenne 60 kg d'azote/ha pour la culture suivante. Si le choix se porte sur l'association relais, l'étude montre l'intérêt de l'utilisation du trèfle violet qui demeure plus productif que le trèfle blanc, quand il est semé au printemps. Le risque de concurrence avec le blé est bien moindre qu'en semis simultané. Mais le contrôle des adventices est plus aléatoire car seulement la moitié des parcelles de l'expérimentation atteint les 2 tonnes/ha de MS en septembre lors d'association simultanée sans fertilisation.

L'impact de la fertilisation

La fertilisation organique au début du printemps a un double impact : elle favorise la croissance du blé et ralentit celle de la légumineuse. L'expérimentation a porté sur l'apport de 100 unités d'azote organique sous forme de farine de plumes améliorées (Biovi 10-1-1) soit 25 à 45 unités effectivement consommées. Les conséquences sur l'association blé-légumineuses sont nombreuses : augmentation de 40 % en moyenne du rendement grain de blé, soit environ 15 q/ha sur les meilleures performances ; hausse du niveau de protéine de 5 à 10 %, soit sur les taux moyens maximums un passage de 10,4 à 11,9 % ; accroissement de 40 à 80 % de la biomasse des adventices à la récolte du blé. À l'inverse, la biomasse des différents couverts de légumineuses recule par rapport à l'absence de fertilisation. Par exemple, dans le cas du trèfle blanc, la fertilisation azotée de printemps entraîne un recul de la biomasse de 75 % par rapport à l'absence de fertilisation (500 kg/ha de MS contre 2 000 kg/ha) à la récolte en juin. Mais à la fin septembre, le trèfle blanc rattrape son retard par rapport à la modalité sans fertilisation pour atteindre environ 2,8 t/ha de MS. La fertilisation azotée permet ainsi de ralentir le développement d'un couvert qui pourrait devenir concurrentiel avec la culture, mais ne pénalise pas trop le contrôle des adventices lors de l'interculture.

Influences du contexte pédoclimatique

Les chercheurs de l'Isara soulignent que les éléments tels que le type de sol, le cumul de températures ou les précipitations « n'apparaissent pas déterminants dans la capacité de réussite de l'association », en dehors de phénomènes extraordinaires ou extrêmes. Ils notent toutefois que la réussite de l'association peut être impactée par le type de sol au moment de la levée et du développement du couvert. L'apparition d'une croûte de battance en sol de limons est préjudiciable à la levée des légumineuses par exemple. Une bonne réserve utile d'eau dans le sol limite les risques de concurrence entre blé et couvert à la fin de l'association et influence positivement le développement du couvert après la récolte du blé. L'étude souligne également qu'en dessous d'un cumul de 1 900 degrés-jour à la récolte du blé, la température est un facteur limitant pour le couvert en réduisant ses effets bénéfiques. Du côté des besoins en eau, un cumul de précipitations de l'ordre de 300 mm pendant la phase d'association semble nécessaire pour la croissance correcte de la légumineuse. La croissance limitée du couvert jusqu'à la récolte peut être compensée par un apport d'eau de 200 mm pendant l'été. « Ce résultat suggère qu'il pourrait être intéressant d'irriguer un couvert dont le développement serait limité à la récolte du blé », écrivent les chercheurs. 
Camille Peyrache
Source : Association blé d'hiver – légumineuses de services – Synthèse de 8 ans d'étude – Isara-Lyon – Juillet 2016
* Chercheurs de l'Isara ayant participé à l'étude : Olivier Duchêne, Florian Celette, Sylvain Vrignon-Brenas, Camille Amossé, Thomas Lhuillery, Christophe David.

 

Couvert de légumineuses /  

Différentes densités de semis utilisées, selon les modalités

Tous les couverts de légumineuses sont semés à la volée à l’aide d’un semoir centrifuge manuel à la densité de 800 graines/m² pour les couverts mono-spécifiques. Le mélange M2 est semé à la densité de 600 graines/m² (300 graines/m² pour chaque trèfle blanc, nain et géant) ; le mélange M1 est semé à la densité de 300 graines/m² pour le trèfle, 30 graines/m² pour le pois et 12 graines/m² pour la féverole. Le blé, quant à lui, est semé à la densité de 200 kg/ha par l’agriculteur. De manière générale, pour les trèfles étudiés sur les essais, une densité supérieure à 260 plantes/m² au stade floraison du blé offre une biomasse significativement plus élevée à la récolte du blé qu’en cas de densité inférieure à ce seuil, soulignent les chercheurs de l’Isara-Lyon.